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Deux hommes, un huis-clos, ou presque : le narrateur rencontre le lieutenant Schreiber dans son appartement dans lequel le vieil homme le reçoit régulièrement. Il lui annonce une défaite, son livre n'a pas trouvé son public et partira bientôt pilon. Pourquoi, ou presque ? Parce que, depuis cet appartement, le lieutenant Schreiber emmène le lecteur sur les champs de bataille de France, de Russie, sans oublier l'Espagne où il fut prisonnier. Pourquoi ce livre à l'intérieur du livre n'a-t-il pas rencontré le succès ?

Je serai tenter de dire de prime abord que le narrateur a raison : l'époque n'est plus au récit guerrier, au devoir de mémoire, quoi qu'on dise. le combat qu'il a mené pour faire publier le texte du lieutenant Schreiber est à cet égard exemplaire de la logique économique qui régit l'édition. L'auto-fiction, oui: tant que l'on a quelque chose de croustillant à raconter. Pas le récit lancinant d'un jeune lieutenant qui guide de sa voix deux camarades blessés vers son tank, devenu lieu de survie.

Et pourtant, le livre est absolument magnifique, grâce à cette prose justement qui tient parfois de l'incantation, avec ces noms, ces phrases répétées, pour se fixer dans la mémoire du lecteur. Livre de souvenirs, oui, mais ce ne sont pas seulement les siens que Jean-Claude Servan-Schreiber nous livre à travers la plume d'Andreï Makine, c'est le souvenir de tous ceux dont la vie s'est interrompue en combattant pour la France. Nous voyons presque le livre en train de s'écrire, non dans une posture d'écrivain complaisant, mais dans un travail sur la manière la plus juste de raconter. Dans quelle mesure doit-on « séduire » le lecteur, par des anecdotes plaisantes – qui ne sont justement que des anecdotes, non la description d'une époque, d'un personnage ? Comment être le plus juste possible quand cela n'intéresse plus personne – ou quand tout dire semble devenu impossible ? le tour de force est aussi de ne pas asséner des vérités toutes faites, ou de donner un simple constat pessimiste. Il est d'amener le lecteur à s'interroger sur ce qu'on nomme aujourd'hui le « politiquement correct » et sur une forme de censure bien-pensante.

Le pays du lieutenant Schreiber – un livre que l'on peut difficilement refermer après l'avoir commencé.
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le pays du lieutenant Schreiber
Je n'y avais pas prêté attention en prenant le livre, Schreiber...oui Andreï raconte les guerres d'un membre de la famille Servan-Schreiber: Jean-Claude, le cousin germain de Jean-Jaques.
Vous lirez le récit des guerres de Jean-Claude – sous les armes pendant la 2° guerre, puis cette guerre pour faire entendre son récit, celui d'un jeune lieutenant “qui a cent fois mérité la croix, mais jamais un Juif sous mes ordres n'aura la légion d'honneur.”

Beaucoup d'anecdotes intéressantes, parmi elles, ces fêtes des “écrivains engagés” dont, enfin, “idolâtres que nous sommes, nous découvrons, perplexes la pensée scolaire et brouillonne de leur oeuvre romanesque – mélange d'enflure humaniste et de posture nietzschéenne dans leur prose philosophique et morale.”

Très différent de ses romans,
ce récit dans lequel Andreï Makine nous fait part de ses difficultés pour faire éditer le témoignage d'un vieux monsieur (Jean-Claude a alors 92 ans) sur une période qui laisse tellement de zones d'ombre et de sujets de polémiques.

Témoignage extrêmement intéressant.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Le Pays du Lieutenant Schreiber/Andréi Makine
C'est à la suite de la publication en 2006 de son livre « Cette France qu'on oublie d'aimer » qu'Andréi Makine reçoit un courrier de J.C. Servan-Schreiber qui désire le rencontrer pour lui parler de sa guerre à lui, de son engagement comme officier, de son renvoi avec la Légion d'honneur en 1941 parce qu'il est Juif.
JCSS entrera à la suite dans la Résistance.
Et Makine va l'encourager à écrire son histoire…
Mais, de nos jours, les éditeurs ne sont pas franchement intéressés par la publication de mémoires de guerre.
C'est au cours de 2010 qu'Andréi Makine annonce à Jean Claude Serva-Schreiber âgé de 92 ans que ses souvenirs de la Seconde Guerre Mondiale n'ont pas connu le succès escompté.
À la suite de cet échec Makine pose des questions en évoquant un certain nombre de faits d'armes qu'a connu le lieutenant Schreiber. Mais pas seulement…
C'est un livre fort et touchant, très bien écrit, dans lequel le système en prend pour son grade.
La « littérature » française contemporaine est aussi la cible de Makine, « une littérature légère, jetable, de divertissement par des auteurs qui prostituent leur plume et encombrent les librairies…avec en prime la crétinisation des masses par les séries télévisées et les livres qui imitent ces séries…Un ignoble égout qui impose aux milliards d'humains décérébrés ce qu'ils doivent penser, , aimer, convoiter, ce qu'ils doivent apprécier ou condamner. le seul but de cette entreprise de crétinisation est le profit. »
Et d'ajouter :
« Un pays rendu invisible derrière les frétillantes idoles d'un jour, clowns de la politicaillerie scénarisée. »
Makine , dans un autre domaine, se livre à une mise en pièces de l'existentialisme, vouant aux gémonies Sartre, Camus, Simone de Beauvoir et compagnie qui festoyaient pendant que Scheiber et ses compagnons allaient au casse-pipe :
« En 1955, presque aveugle, à la santé ravagée, Chalamov quittait le goulag pendant que Sartre succombant aux charmes du régime soviétique, déclarait que la liberté de penser, en URSS, ne connaissait aucune entrave ! »
Chacun penserace qu'il veut de ces règlements de compte. Dans l'ensemble je suis assez d'accord, notamment avec le jugement porté sur la « littérature » de masse, les meilleures ventes d'aujourd'hui.
Makine revient aussi sur les devoirs de celui qui choisit de vivre dans un autre pays que celui de sa naissance :
« Il faut tout simplement aimer le pays qui vous a donné l'hospitalité et pour cela il n'est pas inutile de se débarrasser de quelques oripeaux confessionnels et coutumiers. »
Un livre en bref que j'ai bien aimé, même si je n'ai pas retrouvé le registre habituel de Andréi Makine. Mais son style est toujours aussi plaisant et parfait.
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La lecture de "Cette France qu'on oublie d'aimer" et la mémoire du Colonel Desazars de Montgailhard et du Capitaine Combaud de Roquebrune, tous deux morts pour la libération de la France, ont mis en relation Jean-Claude Servan-Schreiber et Andreï Makine.

Au fil de leurs rencontres une amitié est née et le romancier a suggéré à l'officier de cavalerie de publier ses mémoires pour rappeler le sacrifice de ses compagnons lors de la seconde guerre mondiale.

La notoriété des Servan-Schreiber, la carrière de Jean-Claude exclu de l'armée en 1941 par la législation antisémite et sa glorieuse campagne dans les rangs de l'armée du Général de Lattre, semblaient être des atouts pour les éditeurs … la réalité fut tout autre et, dans en 2008-2009, il fut ardu d'en trouver un.

Gérard Watelet, directeur de Pygmalion, prit le risque de publier « Tête haute : Souvenirs » en mai 2010 afin de profiter de la période entre le 8 mai et le 18 juin, entre la commémoration de l'armistice et de l'appel du Général de Gaulle, pour obtenir des échos dans les médias … un silence assourdissant entoura ce lancement et en septembre, l'éditeur dut pilonner les nombreux invendus.

Andreï Makine revient sur ce fiasco qui en dit long sur nos médias, nos librairies, les envies des lecteurs et sur « le pays du lieutenant Schreiber » qui se gargarise en évoquant le « devoir de mémoire » mais oublie d'honorer ses héros et ses saints et valorise des acteurs, des comédiens, des journalistes et des sportifs en élisant comme « personnalité préférée des français » des exilés fiscaux ayant fait fortune en profitant largement de subsides payés par nos impôts.

Hommage aux libérateurs de la France, évocation d'une famille de juifs allemands qui émigra en France en 1877, cet ouvrage est riche d'enseignements.

Un acte d'espérance dans le redressement de notre pays.
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Un beau livre, mais malheureusement, à la fin, beaucoup de répétitions. C'est un peu le défaut de Makine..... Cependant, belle "biographie" d'un homme d'honneur oublié. Et surtout, ce que j'apprécie chez Makine, c'est qu'il n'a pas sa langue dans sa poche pour dénoncer les dérives commerciales du secteur de l'édition. On fait lire n'importe quoi.... mais on oublie la vraie littérature. Merci Monsieur Makine d'oser dire tout haut ce que, j'espère, beaucoup de lecteurs pensent tout bas.
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La courte vie d'un roman...celui d'un homme dont les souvenirs d'une guerre absurde qui a entraîné des millions de morts n'ont pu soulever le moindre intérêt, d'abord chez les éditeurs puis chez les lecteurs. L'histoire d'un livre qui a été écrit et publié mais n'a jamais connu de "vie réelle". L'auteur raconte dans ce bref récit ses rencontres et son amitié avec le lieutenant Schreiber ainsi que sa quête pour faire revivre l'histoire vécue de ceux qui ont donné leur vie pour leur pays....la guerre de 1939-1945. Autre époque, autre Histoire...mais est-ce vraiment le cas? Encore, les guerres et leur violence se multiplient sous de multiples formes sans que l'Homme fasse preuve de son intelligence pour les éviter...car il semble que "....la raison de l'HOMME n'est en rien, hélas, opposée à ce mode de vie".
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« Ce livre n'a d'autre but que d'aider la parole du lieutenant Schreiber à vaincre l'oubli. » A.Makine

À travers ce roman, c'est un double portrait que trace en réalité Andreï Makine, d'une part le portrait du lieutenant Schreiber, sa vie, son engagement et son amour pour la France mais aussi son caractère, sa façon d'être et de raconter cet engagement et cet amour. De l'autre, le portrait de cette France pour qui il a tout donné, mais qui ne le lui a pas toujours rendu : au retour de la guerre, c'est un soldat perdu qui ne reconnaît pas son pays, qui se sent exclu, de trop. Un pays qui n'entend pas, qui ne veut pas entendre le témoignage d'un soldat de cette drôle de guerre. Un pays qui ira jusqu'à ignorer cette voix qu'est celle du lieutenant Schreiber, laissant ses mémoires tomber aux oubliettes. Ce livre, c'est donc un moyen pour Makine de se racheter auprès du lieutenant Schreiber, Jean-Claude, à qui il avait si vivement suggéré de faire de son expérience un livre, le menant ainsi vers une déception, une désillusion de plus. Enfin, c'est aussi un moyen pour lui de porter le témoignage de Schreiber sur le devant de la scène, de « l'aider à vaincre l'oubli », de permettre à un personnage, un Homme qu'il admire d'accéder à la postérité, afin que les générations futures sachent ce qu'a été la vie d'un soldat français juif dans les années 40.

Et ce témoignage, Andreï Makine le porte avec son style, son écriture. Plusieurs fois primé, notamment par le Prix Goncourt pour le Testament français, Makine est dans ce roman encore, fidèle à lui même : une écriture classique qui sait toujours trouver le bon mot, la bonne tournure pour énoncer à la fois la beauté et la complexité du personnage, de la situation. On appréciera également ce jeu sur les répétitions qui permettent à la fois d'ancrer la mémoire du lieutenant Schreiber dans notre esprit, mais aussi de voir de nos yeux ce nonagénaire nous conter et reconter ses histoires, comme un grand-père le ferait avec ses petits-enfants. Enfin, l'écriture à la première personne nous permet d'embrasser à la fois le regard extérieur, critique et objectif de Makine ainsi que le jugement rétrospectif du principal intéressé. Une analyse double qui permet d'entrevoir le problème en long et en large et de pousser soi-même plus loin sa propre réflexion... et qui donne envie de lire ces mémoires dont personne n'a voulu !



Le livre est à conseiller, car court et savamment écrit, il n'en est pas moins dense et la réflexion qu'il fait naître se prolonge bien au-delà de la lecture...
Lien : http://liliavernalia.canalbl..
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Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre c'est que Makine ne parle pas la langue de bois. Il ne rend pas seulement hommage à une personnalité hors du commun (Jean-Claude Servan-Scheiber — mais au fait, quand est donc apparu ce deuxième nom? le livre est muet sur ce point...), il écorche au passage certaines idoles (Sartre et consorts) dont l'intellectualisme brillant a éclipsé des valeurs plus concrètes et occulté la réalité de la guerre et même nié les horreurs du stalinisme. Il fustige aussi les éditeurs qui sont soumis aux lois de la rentabilité. Il s'insurge au passage contre le "politiquement correct" et autres pensées ramollies et bien-pensances qui frisent l'hypocrisie et embourbent les débats dans un magma édulcoré d'où rien de bon ne ressort. En somme, Makine n'hésite pas à écrire, au détour d'un témoignage touchant, ce que beaucoup pensent mais n'osent pas énoncer de vive voix. Makine a écrit là un livre très personnel, bien que hors des sentiers battus de la mode de l'auto-fiction. Il s'implique personnellement nous faisant entrer dans l'intimité de sa relation avec J-C Schreiber et nous le rend si sympathique qu'on aimerait avoir le privilège de partager cette amitié respectueuse entre les deux hommes.
Tout ça me donne le goût de m'attaquer à "Cette France qu'on oublie d'aimer", point de départ de cette rencontre entre Makine et Schreiber...
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Le Pays du Lieutenant Schreiber est le fruit d'une amitié et d'une confiance profonde entre deux hommes Andreï Makine, écrivain franco-russe spécialiste de romans sur la Seconde guerre mondiale, et Jean-Claude Servan-Schreiber, héros oublié de cette même guerre. L'un se souvient et raconte, l'autre écoute et écrit l'histoire bouleversante du retour difficile d'un soldat dans son pays et dans sa vie...
Lien : https://www.livre-mois.fr/li..
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Cela vient comme cela, au détour d'une phrase, une petite remarque pas vraiment acerbe, seulement réaliste et un peu désolée : si le récit du lieutenant Jean-Claude Servan-Schreiber ne séduit pas les éditeurs, c'est parce que ceux-ci savent bien qu'il ne rencontrera pas son lectorat. Pourquoi ? Parce qu'on n'a pas envie de lire ça, c'est les vacances, on préfère ouvrir des livres qui nous font sourire ou rêver, mais pas cela. En plus, la plupart des lecteurs sont des femmes et les femmes n'aiment pas les récits de guerre, alors… Loin de se résigner, Andreï Makine décide de rompre le sort en faisant de l'histoire du lieutenant Schreiber non pas un livre sur la guerre mais un livre contre l'oubli.

C'est la lutte contre l'oubli qui d'un nom, celui d'un soldat sur une photo, qui ouvre et referme la collaboration des deux hommes :
« Pourtant, l'angoisse que j'intercepte dans ses yeux est bien plus profonde que celle que nous ressentons quand un mot nous échappe. Il doit deviner qu'il ne s'agit pas d'un oubli banal, tel que tout le monde peut se le permettre. Tout le monde, sauf lui. Car s'il ne parvenait pas à retrouver le nom de son camarade, celui-ci ne serait jamais que ce contour humain légèrement penché, un inconnu égaré sur un cliché grisâtre, un figurant dans une guerre, elle-même passablement oubliées. Plus de soixante ans après, les survivants de ce juin 40 sont rares. » (p.39)

A plus de 90 ans, la nouvelle guerre du lieutenant Schreiber est celle qu'il mène contre l'oubli et contre l'indifférence.
le récit d'Andreï Makine entremêle les destins du vieux soldat et celui de son bouquin dont personne ne veut, et on ne peut s'empêcher de noter d'étranges similitudes : l'éditeur qui acceptera de publier l'ouvrage fera oeuvre de résistance contre la dictature du marché de l'édition, et c'est finalement le débarquement d'un étranger qui sauvera Schreiber de l'oubli.
Nul doute qu'après la lecture d'un livre aussi bien construit, aussi finement rédigé (comme en témoigne la citation ci-dessus), nul n'oubliera le lieutenant Schreiber pas plus que le pays pour lequel il s'est battu. On se souviendra aussi de retourner, à l'occasion, vers la plume talentueuse d'Andreï Makine.
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