Pourquoi tiens-je tant à vous parler d'
Un long chemin vers la liberté ? Parce que ce livre m'a bouleversée et que je n'en suis pas sortie indemne. Certaines lectures marquent tant qu'elles nécessitent d'être exorcisées par la parole ou l'écriture.
Un long chemin vers la liberté est de celles-là… Un égoïste besoin de coucher sur papier mon ressenti, donc. Mais avant tout, l'envie très forte de partager et faire connaître autour de moi et plus loin ce que je considère comme un oeuvre majeure, historiquement et culturellement.
Bien plus qu'une simple autobiographie (si tant est que l'écriture d'une vie puisse être simple),
Un long chemin vers la liberté est le manifeste véritable d'un combattant de la liberté. Sa rédaction même fut un combat, puisque commencée clandestinement lors des années de prison à Robben Island, elle fut confisquée par les gardiens, puis miraculeusement sauvée. Mandela nous y parle de sa vie avec sincérité. Il nous amène au plus intime de sa réflexion et de ses doutes et se présente nu au lecteur, sans chercher à nier ou adoucir ses erreurs. Avec une simplicité et une humilité désarmantes, armé de ses seules convictions, Mandela touche au coeur et parle au frère, à l'humain en chacun.
J'appartiens à une génération trop jeune pour avoir suivi la lutte contre
l'apartheid aux actualités et qui, n'ayant pas tout à fait dix ans lors de la libération de Mandela, s'en rappelle quand même, mais l'a plus appris à l'école qu'elle ne l'a vécu intensément à l'époque. Mandela… un nom fort, un symbole, souvent évoqué dans les cours d'Histoire en même temps que Gandhi ou
Martin Luther King. Des modèles, des vies qui impressionnent mais qui sonnent trop souvent comme autant de faits acquis, de combats gagnés. D'où la nécessité de s'y plonger, pour ne pas oublier qu'une lutte a précédé le prix Nobel de la Paix.
C'est dans cette capacité à nous faire revire l'Histoire avec réalisme et intensité que réside une des plus grandes qualités du manifeste de Mandela. La simplicité et la justesse de ses paroles nous entraînent dès les premiers mots à ses côtés plusieurs décennies en arrière. Plus la lecture de ces 700 et quelques pages progresse, plus elle est vécue de façon intense, personnelle. Au fur et à mesure que le jeune Nelson s'engage au sein de l'ANC (African National Congress) pour devenir combattant de la liberté, nous construisons une relation intime avec lui et nous nous surprenons même à l'appeler intérieurement Madiba, de son nom de clan, de combattant…
A ses côtés nous sommes quand il s'insurge, quand il se révolte. A ses côtés nous sommes quand il apprend à ne pas transformer l'indignation en haine, à écouter chacun, à croire dans l'humanité de tous. Avec lui nous partageons le combat, l'enthousiasme, mais aussi la traversée du désert, les vingt-sept ans d'emprisonnement. Comment ne pas être touché par ce grand homme qui a enduré tant sans jamais perdre l'espoir, sans jamais cesser de croire à la possibilité d'un pays uni ? Avec lui, nous voulons marcher sur ce long chemin vers la liberté…
Une seule phrase, pour conclure. Celle d'A. Brinks : «
Un long chemin vers la liberté est un de ces rares livres qui deviennent non seulement un repère mais une condition de notre humanité ».