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sur 206 notes
J'aime quand les polars s'immiscent dans les angles morts de notre histoire pour en révéler la moindre faille, qui grattent là où ça fait mal, implacablement, percutent et décillent, qui soulèvent les consciences tout en éclairant les dysfonctionnements de la société actuelle. Marseille 73 est de cette classe-là.

La guerre d'Algérie ne s'est pas arrêtée avec les accords d'Evian de 1962, elle s'est poursuivie à Marseille et alentours avec comme point culminant l'été 1973 qui a été émaillé de crimes racistes ciblés : onze morts, une vingtaine de blessés, tous algériens jusqu'à l'attentat de décembre visant le consulat d'Algérie. On leur tire à vue, on leur fracasse la tête, mais les enquêtes sont bâclées et étouffées, presque toutes classées sans suite.

Cette réalité historique terrible – qui, pour ma part, m'était totalement inconnue - Dominique Manotti a choisi de la faire découvrir de façon méthodique en immergeant totalement le lecteur dans un marigot phocéen en déployant tous les acteurs possibles : le SRPJ ( Service régional de police judiciaire ) du commissaire Daquin qui est celui qui cherche la vérité ; la Police urbaine minée par la corruption et le racisme ; l'UFRA ( Union des Français repliés d'Algérie ) aux relents d'OAS ; les syndicalistes du Mouvement des travailleurs arabes qui utilisent la grève pour dire leur colère face aux assassinats racistes ; les représentants de la justice ; les journalistes. Je me suis souvent perdue dans le foisonnement de personnages, mais l'auteure a eu la bonne idée de proposer un récapitulatif type «  qui est qui » qui m'a beaucoup servi.

Et ça pue dans ce polar bien noir, ces ratonnades oubliées soulèvent autant l'indignation que les collusions entre la police, la justice et les mouvements racistes qui regrettent le temps de la colonisation et de l'Algérie française. L'écriture sèche, sans fioritures, presque froide de l'auteure présente les faits de façon très claire, sans exagération, sans manichéisme pour permettre à la réflexion du lecteur de s'épanouir.

Faut dire que les en-têtes de chaque chapitre amplifie l'effet de réel, reproduisant des extraits de journaux ou magazines de l'époque, surtout le Quotidien de Marseille, suivant la chronologie jour après jour du récit. C'est tout simplement stupéfiant de lire que le Paris Match du 14 septembre 1973 titré «  les Bicots sont-ils dangereux ? » ou le Nouvel Observateur du même jour poser la question «  Peut-on vivre avec les Arabes » ? ».

Le roman distribue les gifles à tout va, tendu sur une crête incisive. Mais de cette flambée de violences, surnage une magnifique figure, celle du père d'un des jeunes algériens assassinés, Malek Khider. C'est par lui que l'émotion profonde arrive, ce qui fait du bien après toute la colère engendrée par les pages précédentes. Lui, le fellah pauvre de l'Oranais qui s'est enrôlé durant la Deuxième guerre mondiale aux côtés des Alliés pour fuir la misère , puis a migré définitivement à Marseille, trois garçons à élever après la mort «  d'exil » de son épouse. Dominique Manotti lui donne une dignité incroyable lorsqu'il arrive bardé de ses médailles de guerre face à un juge qui a collaboré, lui , empli de confiance car il sait qu'il va gagner et qu'on va retrouver l'assassin de son fils : «  la statue du Commandeur drapée dans les plus de l'histoire de France ».

Un excellent polar, très affuté et ostensiblement militant qui déplace avec intelligence le terrain de la critique politico-sociale vers le champ littéraire. Percutant.
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" Pan, sur le nez " , bien fait pour moi ....J'ai voulu , au bout de 100 pages de lecture passionnante , aller consulter les critiques concernant ce roman et ...bon , celle de Kirzy puis celle d'Umezzu et là, je ferme mon clapet , comme on dit vulgairement et je poursuis mon parcours dans ce Marseille qu'en 1973 , je savais placer sur la carte de France , qui me faisait rêver par sa Canebiére , qui était le Marseille de Pagnol , qui m'évoquait Fernandel ...Oui , j'avais beau avoir 20 ans ( pas majeur à l'époque ) , pour moi , Marseille , c'était une sorte d'Eden , du soleil , un accent chantant , les cigales.....Bon , j'arrête, j'en connais un qui va encore dire que mes critiques sont nulles , mièvres , qu'on se fout de mes états d'ames ....si , si . le pauvre . S'il savait à quel point je m'en moque , lui qui m' a empêché toute réponse en me bloquant . A ce sinistre courageux qui m'a insulté , et pour utiliser son langage , je dirai que je m'en" b.. les c....." ( ...que c'est laid ) de son avis . Désolé , la vulgarité ne " va pas à tout le monde " , je ne la pratique pas, contrairement ...Le Marseille de 73 , ce fut le théâtre d'atroces règlements de compte , vengeances , racisme . Et oui , la guerre d'Algérie trouvait là un terrain où toutes les rancoeurs accumulées s'abattaient sur les algériens, nourrissaient une haine sans limite .
Le bandeau du livre le note , c'est " une Histoire de la France " et , pour moi , bien plus qu'un polar , effectivement . Je ne repéterai pas ce qu'ont dit des amies et amis babeliotes , si brillamment exprimé . Tout y est . Un style sec qui s'imprime en vous , des personnages ambigus, déterminés mais pas facilement " identifiables " , pas forcément attachants , mais ...Qui aurions nous été, en ce lieu , à cette époque, dans ce contexte ? Personne ne nous le demande , personne ne nous le reproche , l'auteur nous ouvre une porte sur L Histoire , l'histoire de Marseille , l'Histoire de France , notre Histoire ...En admiration quelques années plus tard face au Vieux Port , j'ignorais naïvement qu'ici en 1973 ....
Mais je sortais de ma Creuse , proche de l'Auvergne , endroits bien " reculés " , pour certains qui aiment y situer des actions d'un autre temps ....odieuses , monstrueuses ...."Le trou du cul du monde" , quoi .... Un livre ( ? ) sur " les monstres " ..... Marseille , la presse n'en parlait pas trop non plus . Certains magazines cités n'étant pas si " diffusés " qu'on aimerait le croire aujourd'hui , les priorités financières , à l'époque et dans la région, se dirigeant plus vers la nourriture vivrière que vers la culture intellectuelle , hélas. Mais , je vous le répète, régions déshéritées mais ... fières et travailleuses .
Je remercie vraiment les auteurs de toutes ces critiques incroyablement étayées que ...Je n'aurais pas dû lire aussi vite ! Tant pis pour moi . Grand merci aussi à cette auteure qui a beaucoup travaillé et écrit un trés bon livre , et ce n'est pas que mon avis.
Amitiés ( ironiques , faut pas exagérer non plus .. ) à ce B........ qui m'a insulté( et les auvergnats dans son roman unaniment reconnu ... par une foule enthousiaste ) et m' a courageusement " bloqué " son compte . le mien lui est ouvert , comme à tous et toutes . Mais , si mes critiques lui " donnent toutes envie de vomir ( sic !) ", j'espère qu'il ne me lira pas , je ne voudrais pas lui ruiner la santé .
Je regrette mais assume mes propos .Babelio est un site de gens respectables et respectueux . On y parle de livres en toute franchise et respect et, d'accord ou pas d'accord , on y fait de belles découvertes, on y a de beaux échanges .J'aurais dû ne parler que du livre ......Mais , finalement ....S'exprimer de temps en temps et clore le bec à certains , ça fait pas de mal .....Excusez moi , et surtout , consultez les autres critiques des copains et copines ....vous ne passerez pas à côté d'un livre très bien mené.
J'avoue m'être laissé aller . Je vous prie de bien vouloir m'en excuser et , à bientôt peut - être. Je ne sais pas , on verra .
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C'est l'histoire d'une rencontre ratée, entre ce roman et moi. Et pourtant, je l'avais repéré dès sa sortie, je me réjouissais de le lire, et je me préparais à l'aimer. Las, ça n'a pas pris.

L'intrigue avait tout pour me plaire : sous la forme d'un polar, Dominique Manotti raconte les assassinats d'Arabes survenus d'Août à Novembre 1973 à Marseille. J'ignorais tout de ces événements, et ce roman m'a permis de mesurer combien la Guerre d'Algérie continuait de ronger le cerveau des Pieds-Noirs rapatriés à Marseille, et de découvrir comment les politiciens de l'époque (de Defferre à Pasqua) soufflaient sur les braises pour servir leurs intérêts et ceux de leurs amis. Dans ce contexte, s'inspirant de faits réels, l'auteur brode une enquête policière autour de la mort d'un adolescent d'origine algérienne.
Cependant, la multiplicité des personnages, et les rivalités entre les différents services policiers, les nombreux clans, les associations en tous genres, se sont heurtées aux limites de mes capacités de concentration. Surtout, je n'ai pas réussi à adhérer au style de Manotti, beaucoup trop sec et journalistique à mon goût. J'ai donc eu du mal à terminer ce livre, et j'en suis vraiment déçue, d'autant que l'indignation de l'auteur face à cette page arrachée des livres d'Histoire est palpable, et que je la partage.

Mais ceci n'est que mon ressenti ; surtout, qu'il ne vous empêche pas de vous faire vous-même votre opinion, car ce roman mérite d'être lu pour qui aime gratter où ça fait un peu mal.
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Le nouveau Dominique Manotti renoue avec son personnage habituel, le commissaire Daquin, dans sa période marseillaise. du point de vue temporel, Marseille 73 s'inscrit entre l'avant-dernier Manotti, Racket (les débuts de Daquin à Marseille), et Sombre sentier (Daquin à Paris), le tout premier Manotti.

Marseille en 1973 connaît une résurgence des combats de la guerre d'Algérie. Des groupes de pieds noirs extrémistes estiment le temps venu de se montrer de nouveau, après les années de De Gaulle et du SAC. L'après 68 leur paraît plus porteur, les anciens du SAC ont bénéficié d'amnisties. le pouvoir a tourné la page. Mais pas ces quelques radicaux qui veulent désormais lutter contre la présence d'immigrés nord africains en France. Ces derniers sont employés le plus souvent au noir, et risquent l'expulsion s'ils ne sont pas régularisés. Leurs employeurs en profitent.
Des Algériens finissent noyés dans le port de Marseille ou visés par des tirs, dont les auteurs ne sont pas identifiés. le climat se fait tendu, lorsque survient le meurtre en plein jour d'un jeune Algérien dans le XV éme arrondissement de Marseille. La Sûreté vite arrivée sur place veut rapidement clore ce dossier, imputé à des règlements de compte au sein de la population immigrée. Daquin et son équipe, de permanence à la PJ, voient les choses autrement, mais ils ne sont pas saisis. Par contre, ils sont chargés de suivre de loin les activités d'un nouveau groupuscule de rapatriés d'Algérie, qui semble se préparer à des actions violentes. Il est demandé à Daquin de marcher sur des oeufs. Pas de vagues, pas de problèmes…

La Police urbaine et la sûreté urbaine, basées à l'Evêché, tout comme la PJ, comprennent des rapatriés d'Algérie prêts à tourner la tête lors d'une action violente, ou même d'aider les auteurs de ce type de délits. Les tenants de la place veulent maintenir l'équilibre entre toutes les forces autour du Vieux Port : criminalité corse en déclin, gros bras rapatriés d'Afrique du Nord qui ne se cachent plus, politiques qui veulent absolument nier tout racisme en ville…

Pendant que la violence monte, les travailleurs immigrés commencent à s'organiser, avec le concours des organisations de gauche, pour se faire entendre. La presse locale, elle, évite de parler des meurtres qui visent la communauté nord-africaine, et des manifestations et grèves qui s'en suivent. Seuls un journaliste engagé et un avocat idéaliste vont chercher à faire progresser les enquêtes en cours.

Le roman de Manotti est une plongée dans ces eaux troubles. Les idéaux de justice et d'action de Daquin ne conviennent pas à ce marigot. Il va encore une fois devoir avancer malgré les obstacles hiérarchiques et judiciaires.

Chaque roman de Manotti est un régal quant à la forme. Phrases ciselées, simples mais efficaces. Pensées des acteurs qui surviennent au milieu du texte. Basculements impromptus entre le « il » et le « je ». La fluidité du texte contribue grandement à l'avancée de l'action.
Le fond est un coup d'éclairage total sur une période passée sous silence, mais qui, quand on la redécouvre, constitue les prémices de beaucoup de problèmes actuels. Travailleurs immigrés qui peinent à trouver leur place. Leurs enfants qui se débrouillent comme ils peuvent. Oppositions de la guerre d'Algérie qui se renouvellent sur le territoire national.
Le récit est par moments moins vif qu'à l'accoutumée. Mais la reconstitution historique est impressionnante. Marseille 73 est un petit cours d'histoire sociale marseillaise.
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" (...) Ce roman est une belle reconstitution du Marseille complexe des années 1970, il nous rappelle des événements tragiques et la complicité de l'État français, le rôle de la justice et de la police où les Daquin existent peut-être mais ne sont manifestement pas assez nombreux. Dominique Manotti nous raconte avec talent comment s'organisent les assassinats racistes et la protection des meurtriers, comment se construit le déni, bien commode pour ceux qui ne veulent rien voir, bien pratique pour aveugler les autres, et comment ce déni entraîne l'oubli.
Marseille 73 est un roman efficace et utile, passionnant et sans pitié, avec une écriture sèche qui va droit au but, des personnages marquants auxquels on s'attache ou qu'on déteste. C'est une fiction qui révèle une vérité dérangeante qui fait écho au mouvement Black Lives Matter.
Un roman de combat contre l'oubli, à lire bien évidemment."
François Muratet in DM (Extrait)
Lien : https://doublemarge.com/mars..
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j'ai hésité à lire ce polar qui présente l'histoire sociale et raciale de Marseille dans les années 1973 !
Certes, Dominique Manotti s'est servi d'un acte raciste fictionnel pour l'intérêt du récit policier mais, j'habitais encore à Marseille durant cette période car j'en suis partie l'été 83 et, même si mon quartier était résidentiel et même si j'évitais les endroits chauds de la ville phocéenne : je peux témoigner du climat délétère, de la déclaration du maire Defferre à propos des pieds-noirs qu'il " voulait rejeter à la mer" et de la main-mise de la mafia des "Guérini "..
Bref, le jeune Malek Khider est tué dans le XV ° de Marseille suite à la mort d'un traminot tombé sur la ligne 72 sous les coups d'un maghrébin, ce qui va relancer la haine des anciens de l'OAS qui n'arrivent pas admettre leur échec, de la CDM ( comité de défense des Marseillais ), de l'UFRA (union des repliés d'Algérie ).
Tout va être mis en place pour faire payer aux travailleurs arabes leur nouvelle clandestinité suite à la circulaire Marcellin-Fontanet qui fait d'eux 86 % de " sans-papiers " expulsables ( ou liquidables ) ! La chasse à l'immigré est ouverte mais la famille Khider aidée par Me Berger et par l'équipe du commissaire Daquin ( le héros de Manotti ) vont tenter d'amasser des preuves parmi les policiers du SRPJ et ceux de la la PU (police urbaine ) sise à l'Evéché qui est supervisée par le Gros Marcel et quelques flics pourris !
Le commissaire Daquin a été nommé récemment à Marseille comme le jeune inspecteur parisien Delmas, et ils sont mis " au parfum" par l'inspecteur Grimbert, plus âgé et bien introduit dans les milieux marseillais...c'est à dire dans la " bouillabaisse " des loubards, des " nervis ", des éventuels auteurs de" ratonnades " !
Les arabes vont faire grève pour paralyser l'économie de la ville, des environs et, ils vont êtres suivis à Toulon, à Paris dans leurs actions ! En 1973 : quelque chose de grave vient de naître : le racisme...qui n'est toujours pas réglé !
Un polar explosif sur l'histoire de France après les accords d'Evian de mars1962, l'arrivée des pieds-noirs en masse et le sort des travailleurs algériens !
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J'ai souvent vu passer le nom de Dominique Manotti lors de mes visites sur les blogs et sites consacrés aux romans noirs. Dans mon imaginaire, elle faisait partie des sommités française du genre et pourtant, je n'avais encore jamais franchi le pas de découvrir son oeuvre. Erreur enfin corrigée !

Comme son titre l'indique, ce livre s'intéresse au Marseille des années 70. On assiste à plusieurs agressions et meurtres dans les rues de la cité phocéenne. L'auteure nous place en observateur des différents acteurs mêlés à ces drames. Elle nous plonge dans l'ambiance de l'époque. Avec une grande densité de personnages, on assiste aux échanges des différentes communautés qui forment le tableau complet de l'affaire.

L'enquête et ses mystères ne sont que la partie visible de l'iceberg. le roman prend vraiment sa puissance dans la retranscription des comportements inhérents à la période et à la ville. le passé colonial est encore chaud dans les esprits et on sent bien qu'il n'a pas été complétement digéré. S'en suit alors des organisations sectaires, des manigances politiciennes et des violences policières, sur fonds de rejet de l'autre. Afin de démanteler cette machine idéologique, rien de mieux qu'un commissaire venu de Paris, qui va mettre les pieds dans le plat et prendre un peu de recul sur les évènements.

Pour mon premier essai, Dominique Manotti vient de me démontrer qu'elle est bien la grande écrivaine que j'imaginais. Elle apporte à son aventure une dimension politique et sociale qui en fait un grand roman noir. Malheureusement, cette lecture entre en résonance avec notre monde actuel, comme si rien n'avait vraiment changé. Les mêmes préjugés, les mêmes dérives, les mêmes haines parsèment l'Histoire, alors qu'elle semble se répéter. S'appuyant sur le format polar, l'auteure vulgarise et met en lumière toute l'importance de bien comprendre le passé !
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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Marseille 73… Août 1973 « Marseille, début d'une vague anti-algériennes qui vont tuer 50 personnes et en blesser 300, et qui s'achèveront avec un attentat contre le consulat d'Algérie à Marseille qui fait 4 morts et 22 blessés, revendiqué par l'organisation terroriste d'extrême-droite Groupe Charles-Martel. » … La France était en vacances…. J'avais 8 ans, et je crois bien que j n'avais pas encore toutes mes dents…J'avais huit ans et je me souviens de incendie du Collège Édouard-Pailleron à Paris...je me souviens du Tupolev 144 qui s'est écrasé à Goussainville…Mais en 1973 du haut de mes huit ans , Marseille devait me paraître une terre lointaine...
C'était la France d'après de Gaule, la dernière année de Pompidou, l'avant vieille de Giscard..
Bref c'était le temps des affaires perpétuelles, le temps des Guerini, des Pasqua, du SAC, 11 ans après la guerre d'Algérie, 19 ans après la guerre d'Indochine, trois après que l'Ordre Nouveau ait créé le FN, cinq ans après la création du GUD, un an avant la fin de la guerre du Viet-nam, c'était encore pour un moment la guerre froide, c'était deux ans après le premier choc pétrolier, Boumediene présidait l'Algérie, 1973...deux après la nationalisation par l'Algérie des hydrocarbures, « au grand dam de la France », c'était la Françafrique, c'était quelques mois après la circulaire Marcellin-Fontanet, … première lecture pour ma part d'un roman de Dominique Manotti, et j'avoue que cela ne sera pas la dernière. Travail d'enquête, véritable travail d'historienne, l'auteure nous entraîne avec efficacité à travers ces mois terribles qui ensanglantèrent Marseille et qui firent trembler l'Évếché…
Bienvenue en histoire de France !
https://www.dominiquemanotti.com/2020/05/19/marseille-73-video/

Astrid Shriqui Garain
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Je ne suis pas une spécialiste de Dominique Manotti. C'est seulement le second livre de cette auteure que je lis. J'avais beaucoup aimé Racket, un peu moins celui-là.

La France et plus particulièrement Marseille dans les années 1973 (comme le titre l'indique). Assassinats d'Algériens quasiment en toute impunité. 11 ans après la fin de la guerre d'Algérie, les blessures ne sont pas cicatrisées, les plaies encore largement ouvertes où viennent se nicher la colère, la haine, le racisme. Une police qui n'hésite pas à faire beaucoup de compromis, qui ferme les yeux ou détourne le regard ; une justice très timide.

J'ai trouvé intéressant le côté historique, par contre, je n'ai pas adhéré au style. L'écriture sèche, un peu télégraphique, j'avais l'impression de lire un scénario, m'a gêné. de plus, les personnages ne sont pas assez décrits à mon goût, donc je n'ai pu m'attacher à aucun or j'aime bien avoir de l'empathie pour certains protagonistes, cela me permet de mieux pénétrer le roman. Dans celui-ci, c'est le contexte de l'époque qui est mis en exergue.
Une lecture néanmoins intéressante pour L Histoire.
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L'année 1973 a connu en France, et en particulier dans la région de Marseille, une vague de crimes manifestement racistes, à l'encontre d'Arabes, surtout des Algériens. Une dizaine d'années après la fin de la guerre d'Algérie, les nostalgiques de l'OAS étaient nombreux, et possédaient des soutiens un peu dans tous les milieux, notamment dans la Police, d'où une quasi impunité. le roman présente heureusement un trio de policiers de la PJ qui, à la demande de sa hiérarchie, mais en poussant un peu plus loin que les ordres leur permettent, se met à regarder de plus près les groupuscules d'extrême-droite, et leurs agissements. Là où d'autres classent les affaires d'assassinats sans suite, ils fouillent et questionnent, quitte à se faire des ennemis. Un jeune homme d'origine algérienne qui attendait une fille devant un café est tué un soir d'août 1973. L'enquête confiée à la police de quartier conclut à un règlement de compte entre petits voyous, mais ni notre trio de flics, ni l'avocat de la famille ne croient à cette version, pourtant largement relayée par les médias.

Je retrouve Dominique Manotti, dont j'avais déjà lu Lorraine Connection et Bien connu des services de police. de son écriture toujours aussi précise et efficace, elle ne néglige pas la présentation vivante des personnages. Ils sont nombreux, entre différents services de police et de justice, interviennent aussi un grand nombre de groupes ou d'associations, mais présentés très progressivement, de manière à ce qu'on ne s'y perde pas (et un récapitulatif des personnes nommées est présent à la fin, pour les étourdis).
L'auteure réalise un véritable travail d'historienne dans une trame de polar, et en collant au plus près à la réalité des faits survenus en 1973. La limite de ce roman serait peut-être qu'il ne fasse pas partie de ceux dont les personnages sont inoubliables : ils sont en effet nombreux, et tellement ancrés dans la réalité, tellement semblables à leurs contemporains qu'aucun n'émergerait vraiment. Et pourtant, si, le personnage du père de Malek, le jeune garçon tué par balles, reste là, fort et inamovible dans sa dignité. Et bien sûr, la trame elle-même ne s'oublie pas, ni l'ambiance parfaitement restituée. Quant au style, s'il se laisse apprivoiser facilement, il n'est pas si lisse qu'il y paraît, et fait même montre d'originalité avec des changements du il au je qui servent bien le propos.
L'ensemble se lit comme on regarde une bonne série, de celles qui collent à la réalité historique, sans reprendre son souffle !
Lien : https://lettresexpres.wordpr..
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