« L'auberge espagnole humaniste ». Extraordinaire, réfléchi, rare, «
Requiem pour une apache » de
Gilles Marchand est dans la cour des grands. « On a écrit beaucoup de choses sur elle, on l'a comparée à Marianne, et à
Louise Michel, on en a fait une espèce d'héroïne née pour défendre la veuve et l'opprimée… » L'incipit écarte les voiles, subrepticement sur un récit intense, sociétal. Pierre après pierre, l'amplitude des devoirs à accomplir par des mains spéculatives va oeuvrer. Prenez le temps de vivre ce requiem relevé. L'histoire est mappemonde, macrocosme et si émouvante qu'elle scelle les possibilités. (Jolène) un prénom éclat de lumière, chevauchée et aura. La voici, digne, altière, battante, juste, lumineuse. Celle qui ouvre la porte pour notre plus grand plaisir, étonnement et reconnaissance d'un hôtel unique, mythique, dont « Jésus », c'est son nom dirige. Rejetée par sa mère, Jolène s'enfuit. de galères, en combats, la voici caissière dans un supermarché. Conventionnelle, risquant sa survie si elle s'exprime au grand jour. Jolène s'enferme, s'emmure dans les diktats sociétaux, jusqu'au jour où elle refuse de mettre son badge avec son prénom. Son patron n'en porte pas. le symbole est fort. Résistante dès la première heure refusant la hiérarchie oppressante, elle claque la porte. Trouve refuge dans cette Babel, citadelle, conjugaisons de fraternité et d'équité. Un hôtel sans frontières, un havre d'écoute et de respect. La fraternité est le pain et la tolérance un miroir. Les hôtes, des égarés des chemins sans croisées. Dans ce lieu des ports renoués il y a l'habitus qui flambe, feu de joie et de splendeur. Ici, c'est la vie, l'unité et la sérénité. On apprend de l'autre et l'on donne sans même le savoir. Jésus est le patriarche, la parole qui se prononce à voix basse. Un homme exemplaire, un bienfaiteur de l'humanité. Jolène va se sentir libre et va grandir. S'émanciper dans les courbes d'un hôtel de tous les rivages. On aime sa mutation, sa renaissance, ses forces enfouies qui resurgissent, lianes dévorantes et surprenantes. Cet hôtel est le kaléidoscope d'un livre blanc achevé dans l'heure la plus belle. « Jolène arrivait en général sur les coups de dix-huit ou dix-neuf heures. Nous vivions la nuit. Eté comme hiver, nous nous retrouvions au moment du crépuscule…. Nous sortions de nos chambres et nous nous rassemblions, comme une équipe de somnambules qui attendaient pour se réveiller ensemble. » Ce récit sociétal est doté de plusieurs degrés. A vous d'ouvrir les tiroirs. C'est un modèle à reproduire, après les marées basses, après la fonte des neiges lorsque le silence oeuvre. Cet havre où se retrouve les êtres égarés par des vies chaotiques, assoiffés de sens, ivres d'amour, piégés dans les chemins meurtriers, et de pas de côté sans retour possible. La chance est ici. Tout redevient source. Jolène est une chevalière, une fille des cimes, une guerrière. Elle porte l'étendard et va transformer cette pension si atypique. «
Requiem pour une apache » est le cri des victoires. Jolène rentre en résistance, ses frères et soeurs, alliés, ne cédant rien face aux injustices. « A ne prendre aucun risque, on ne construit que du gris. » Ce lieu fusionne avec Jolène. Cet hôtel Géricault s'agrippe aux lierres, aux failles, aux fissures. « Nous n'étions rien et nous devenions quelque chose. Des gens pour qui les étoiles brillent. Quand on connaît la puissance d'une étoile, c'est assez impressionnant. » S'il est un livre à retenir, à faire sien, c'est celui-ci. Il est une destinée. Emouvant, construit à l'or fin, humble, il vous fera pleurer, rire, sourire. Il est la somme de la vie. le noble de la terre. L'arche la plus belle. Un livre inoubliable. Une belle rencontre avec Jolène qu'on aime de toutes nos forces. Publié par les majeures Editions Aux forges de Vulcain.