Il y a des livres qui vous sautent immédiatement aux yeux. Un essai qui parle à la fois de théologie et de sodomie, il fallait absolument que je vois à quoi ça pouvait ressembler !
Mais quel est le propos du livre ? L'idée de l'auteur est que les habitants de Sodome n'ont jamais eu bonne réputation, mais qu'ils n'étaient pas non plus connus pour une pratique sexuelle particulière. La liste de leurs péchés étaient nettement plus vaste : orgueil, inhospitalité et refus global de la loi de Dieu. Ce n'est qu'au XIe siècle que les théologiens rognent progressivement cette liste jusqu'à la réduire à la signification actuelle.
L'ouvrage développe deux idées en parallèle. Dans la première, on observe le changement de sens du mot terme « sodomite » au cours des années, ainsi d'ailleurs que « luxure », qui subit plus ou moins le même sort. L'auteur identifie aussi un changement grammatical : jusqu'alors, « sodomite » était alors uniquement utilisé en temps qu'adjectif. Au XIe siècle, il est utilisé comme substantif. le changement peut paraître anodin, mais dans le premier cas on est une personne « normale » avec une particularité, dans le second, le terme « sodomite » est suffisant pour résumer globalement l'essence d'un individu et favorise l'apparition de clichés et de préjugés. le deuxième volet concerne l'argumentation autour de la condamnation de la sodomie. Ou plutôt l'absence d'argumentation, pour deux raisons contradictoires : il est tellement évident pour tout le monde que la chose est condamnable qu'il est inutile d'ennuyer les lecteurs avec des horreurs qu'ils connaissent déjà ; et deux, il faut éviter d'en parler pour éviter d'exciter les imaginations, sinon tout le monde la pratiquera sans hésitation.
L'essai est assez complexe, l'auteur dissèque cinq textes principaux d'auteurs médiévaux et se focalise sur une toute petite partie de l'histoire de la sexualité. On n'a clairement pas entre les mains un livre de vulgarisation et il fallut que je m'accroche pour suivre les raisonnements. J'ai tout de même deux critiques à adresser. Sur le fond, je regrette qu'il n'y ait pas d'explications à cette préoccupation soudaine des théologiens pour la sexualité. Pourquoi ont-ils eu besoin de tordre les mythes anciens pour en tirer des nouvelles condamnations ? La question me semble assez évidente, pourtant le livre n'en parle pas. Sur la forme, j'ai eu de temps en temps l'impression que l'auteur était lui-même homosexuel, ou chrétien, ou les deux. J'aurais bien aimé une présentation claire de ses positions sur le sujet, histoire de savoir si j'avais affaire à un essai objectif ou militant.
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Les limitations imposées par le secret du confessionnal incitent le bon confesseur à être « discret et prudent ». Certains s’étaient fait connaître pour avoir écrit plus ou moins candidement sur la confession. Et l’un des dangers tenait au fait que les questions du confesseur pouvaient suggérer au pénitent des péchés que, sans cela, il n’aurait même pas imaginés. Ce danger n’était nulle part aussi évident que dans les affaires sexuelles.
[L]e fait de localiser une pratique sexuelle en lui donnant un nom géographique n’est pas sans conséquence. Cela met en place des limites, non seulement vis-à-vis d’une pratique, mais également vis-à-vis des explications que l’on peut en donner. Si elle a été inventée ailleurs puis importée, alors elle doit être contrôlable à travers son importation. Elle ne peut plus être conçue comme une tentation ou une éventualité disponible pour tout être humain. Il a fallu l’inventer avant de la transporter, etc. De cette façon, et bien d’autres encore, les métaphores géographiques imbriquées dans certains termes sexuels charrient de singuliers préjugés.