Ce livre est le témoignage d'une mère d'un enfant trisomique sur son quotidien : de la naissance compliquée de Tristan à ses déboires pour arriver à lui faire dire « oui », en passant par les aventures familiales qui virent parfois au cauchemar.
Sophie Marselli fait ici preuve d'une grande humanité mais aussi d'honnêteté : elle revient sur ses « erreurs » d'éducation, les fois où elle s'est emportée au lieu de prendre du recul sur la situation, ses erreurs d'appréciation de telle ou telle chose – bien que ces erreurs lui fassent aussi découvrir des choses inattendues (l'autonomie insoupçonnée de Tristan par exemple). Il est aussi question de la culpabilité liée au soulagement ressenti par les parents d'enfants handicapés quand ceux-ci sont ailleurs : plus de charge mentale, plus d'angoisse permanente.
C'est un enchaînement de petites anecdotes de quelques pages, chaque fois précédées d'une citation – de
Pablo Neruda à
Edgar Morin, en passant par des proverbes du monde entier. Cela ne m'a pas dérangée, ça rend le livre encore plus digeste (le style étant par ailleurs très facile à lire – l'ouvrage se lit en une petite heure). En parlant de format, la mise en plage m'a laissée sceptique : le livre est assez « large » et ça m'a laissé une impression de livre assez amateur, auto-édité sans trop d'égard pour l'esthétique… C'est un détail bien-sûr, mais j'y ai toutefois pensé plusieurs fois pendant ma lecture.
J'ai beaucoup aimé la critique qui est faite du monde « normal » : rien n'est adapté pour les enfants handicapés, à commencer par l'école. le problème ne vient pas de ces enfants différents mais de la société qui pourrait les inclure, mais s'y refuse.
« Alors, qui de nous tous sont les plus handicapés ? Tous ces gamins différents si enclins à goûter le bonheur parce qu'ils savent habiter leurs corps meurtris et malhabiles ? Ou nous autres gens normaux, terrifiés à l'idée d'être jugés dès que nous nous levons ?
Mon fils est handicapé mental, mais j'ai bien ce sentiment étrange, parfois, que c'est moi la personne handicapée, celle que son mental empêche de danser librement, et, au fond, d'être heureuse. » p.87
L'autrice critique aussi le monde médical, fait de gens merveilleux qui donnent tout pour aider les enfants (certains orthophonistes et kinés notamment), mais aussi les médecins bornés qui balancent aux parents un cliché sur la trisomie au lieu de les éclairer sur la diversité des trisomiques, et de répondre à toutes leurs questions et angoisses.
Il est également question des discriminations subies par Tristan, comme par exemple
à la fête foraine, où un vendeur lui a interdit l'accès à une attraction sous prétexte que Tristan est « un enfant malade », alors que sa maladie ne posait aucune contre-indication, et que sa maman présente – et la plus au clair de ce qui était recommandé ou non – avait tenté d'argumenter avec le vendeur ; en vain. En effet, au-delà des choses déjà rendues impossibles par la maladie, se rajoutent les conventions qui voudraient que tel enfant malade reste surtout chez lui entouré de coussins protecteurs et ne dérangent pas les autres par sa présence gênante ou surprenante…
Un bémol tout de même : ce livre est clairement écrit pour ses enfants, il leur est dédié, et il est construit comme un témoignage du moment présent. de fait, tout l'amour maternel de l'autrice transparaît et cela m'a parfois mise mal à l'aise, j'avais l'impression de lire un journal intime volé… de même, certaines expressions certes mignonnes dans ce un cadre familial comme « mon petit clown » ou « ton masque de mongolien » m'ont aussi remise à ma place de « juste-lectrice » en dehors de cette famille, sans parler des blagues de fin de chapitre, qui seraient drôle à la fin d'un repas de famille ou dans un livre uniquement dédié à ses enfants – mais là, c'est assez inconfortable pour le lecteur. J'ai largement préféré les passages plus généraux sur la prise en charge du handicap (psychologiquement, financièrement…) ou les anecdotes familiales sur les relations de Tristan avec ses deux soeurs, en particulier sa plus grande petite soeur, toujours prête à l'aider même quand sa maman ne soupçonne pas qu'elle en est capable !
C'est un livre que je recommande à tous ceux qui s'intéressent au handicap, aux professionnel-les des secteurs médical, social et éducatif, et surtout aux familles concernées, qui apprécieront cette positivité à toute épreuve.
Merci à Babelio et aux éditions Tom Pousse pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la Masse Critique jeunesse et jeune adulte !