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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Les éditions Mnémos misent souvent des romans de fantasy ou de science-fiction qui font la part belle à l'imaginaire collectif français et misent sur la construction d'univers étoffés et référencés ; La Voie Verne, de Jacques Martel, ne fait pas exception.

À la recherche du Verne perdu
John Erns, arpenteur expérimenté, débarque dans le Cervent (région qui semble adossée aux Alpes françaises) où il cherche du travail. Il réussit à se faire embaucher comme majordome dans la plus grande demeure du coin, propriétaire de la châtelaine Dumont-Lieber, héritière d'un conglomérat d'architecture. Il commence à prendre part à la vie de la communauté, non seulement du domaine mais également du village alentour. Toutefois, il semble qu'il ne soit pas là par hasard, puisqu'il s'intéresse de près à la collection de livres de son hôte. En effet, nous sommes ici dans un monde où le papier a fini par tomber en désuétude, par être extrêmement contrôlé et sa simple possession est particulièrement règlementé. Or, les Dumont-Lieber possède une vaste collection de romans de Jules Verne dont le narrateur est passionné, tout comme la petit-fils de la châtelaine, Gabriel, qui s'immerge régulièrement dans le monde de Jules Verne grâce à un « cyclope », un gadget numérique qui permet de construire un monde virtuel.

Méta, méta, méta !
Clairement, cette Voie Verne est une construction de récits enchâssés où la mise en abîme est régulière. Ainsi, c'est un livre qui parle sans cesse de l'intérêt d'écrire et de lire des livres, c'est une construction d'univers qui raconte la construction et l'usage répété d'univers fantastiques centrés autour de Jules Verne, enfin c'est une littérature de l'imaginaire qui retrouve la base même de ce genre : se forger un imaginaire fourni nuit gravement à l'inaction et à l'ignorance. Dans ce fourmillement, l'auteur croise un nombre certain de références culturelles. Comme nous sommes dans un futur pas si lointain désormais, l'auteur peut s'amuser, puisque son récit se fonde dessus, à multiplier les clins d'oeil à différents univers de fiction, et notamment à celui qui semble au centre de tous les autres, celui de Jules Verne. le choix des récits enchâssés les uns dans les autres mène immanquablement à plusieurs surprises tout au long du roman, d'autant que l'auteur reprend volontairement quelques aspects du genre feuilletonnesque, repoussant exprès certaines révélations pour faire patienter (ou rager) le lecteur.

L'essence de la SF
En s'appuyant sur des procédés avant tout scientifiques, la narration de la Voie Verne plonge au coeur même de ce qui fait la science-fiction. Ainsi, l'enjeu est de découvrir en quoi nos technologies peuvent nous amener à voir plus beau, plus haut, plus loin. Au fur et à mesure du roman, le positivisme de la science s'affiche, comme dans tout bon roman de Jules Verne évidemment. Cependant, cela peut aussi avoir des mauvais côtés et là, malheureusement, l'auteur fait l'impasse sur les conséquences sociales. Il gomme l'inégalité induite par l'accès aux dites technologies, cela se voit surtout dans les sous-entendus sur les scènes avec les agents de Lamprin et celles avec la milliardaire Urgïne Eristoff-Fenshi, montrée uniquement comme une bienfaitrice de l'humanité. Bref, ce qui tient la narration est tout à fait utopique et attrayant, mais les à-côtés oubliés peuvent être un peu rageants.

La Voie Verne est donc un roman tout à fait passionnant : même si la fin peut laisser un goût amer, le voyage est captivant.

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Jules Verne dans le métavers ? Vous n'y croyez pas ? le XIX ème dans le XXI ème ? N'importe quoi. Et bien Jacques Martel l'a fait. Et de façon géniale.
On entre dans cette curieuse histoire sans savoir qui est qui et qui fait quoi ?
Un curieux majordome, grand connaisseur de Verne - et pour cause - , une chatelaine comme autrefois, un enfant autiste et geek très doué, et d'autres personnages tous aussi bien croqués les uns que les autres.
Au début, ambiance so british au château.
Puis ça se corse, on commence à comprendre, mais juste un peu, et les infos sont distillées au compte goutte.
Puis moment de flottement, puis accélération quand tout est découvert, et que le projet de cet homme, faux majordome bien sûr, prend corps.
Ah j'oubliais : nous sommes dans un monde où les livres sont bannis, et les possesseurs de livres papiers sont punis.
Il y a tout ce qu'on aime dans ce bouquin qu'on peut qualifier de SF, et Jacques Martel arrive à mélanger les genres classiques et modernes de très belle façon.
La course aux voyages extraordinaires, aux aventures, de la Terre à la Lune,
puis ici à la fin vers les planètes et exoplanètes. l'appel du grand large : le monde de Jules Verne à notre époque et la suivante.
On ne peut en dire plus.
Un roman à découvrir, en dehors des sentiers battus, qui sort vraiment de l'ordinaire.
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Édité pour la première fois chez Mnémos en 2008, Jacques Martel a signé depuis plusieurs romans, dont le dernier en date a connu un retentissement non négligeable dans la presse (chose plutôt rare dès lors qu'il s'agit de SF ou de fantasy). Difficile en effet de rester insensible au travail de l'auteur qui signe avec « La voie Verne » un texte ambitieux qu'on peine à faire rentrer dans une quelconque case tant il brasse d'influences et de thématiques. le roman met en scène un quadragénaire, un certain John Erns, qui décide de postuler en tant que major-d'homme auprès d'une riche veuve ayant élu domicile dans un magnifique château dans les Alpes. Cet homme sera notre narrateur durant toute la durée du récit, et on comprend très vite qu'il n'a pas choisi cette offre d'emploi au hasard. Car s'il semble dans un premier temps s'adapter à sa nouvelle condition et se lier d'amitié avec les différents membres de la maisonnée, notre ami cherche manifestement quelque chose de bien précis. Son but ? Ressusciter l'oeuvre de Jules Verne, victime de la combinaison fortuite et malheureuse de deux facteurs : la dématérialisation systématique de toutes les oeuvres papiers, et l'apparition d'un virus informatique qui a rongé une partie des données du « Halo » (le successeur du web). le roman est construit à la manière d'un feuilleton, reprenant en cela la forme privilégiée par les auteurs populaires du XIXe. Cela peut d'ailleurs s'avérer très frustrant tant les révélations qu'on attend avec impatience ne cessent d'être repoussées chapitre après chapitre par le narrateur (qui ne manque d'ailleurs pas de s'amuser de cette mauvaise manie et de notre désarroi). Cette construction a en tout cas le mérite de maintenir le lecteur en haleine pendant la première moitié du roman, la seconde évoluant pour sa part selon un rythme différent. Difficile de parler de l'intrigue sans gâcher la surprise, aussi me contenterais-je de vous dire que celle-ci se révèle passionnante de bout en bout et d'une grande richesse tant elle multiplie des références à la fois très actuelles et plus anciennes. L'hommage à Jules Verne est évident (le titre lui-même en témoigne) et ne manquera pas de ravir les amateurs de l'auteur de « Vingt-mille lieues sous les mers » et du « Tour du monde en 80 jours », qu'ils soient experts ou néophytes en la matière.

Ce qui frappe avant tout dans le roman de Jacques Martel, c'est son décor qui emprunte par bien des aspects au courant cyberpunk, tout en se démarquant par un ton résolument optimiste qui témoigne, là encore, de l'empreinte manifeste de Jules Verne. Si le futur plus ou moins proche mit en scène ici intrigue autant le lecteur, c'est avant tout en raison de sa plausibilité : il est fait mention de mesures prises pour limiter les impacts du changement climatique, l'évolution de la société a conduis à une nouvelle organisation du travail (on a compris qu'il n'y aurait désormais plus jamais autant de travail que de travailleurs, si bien que de nouvelles politiques ont été mises en place), sans parler des évolutions technologiques et numériques incroyables qu'a connu le monde en l'espace de quelques années seulement. Très peu de ces éléments sont évoqués en détail, le personnage se contentant le plus souvent de les mentionner de manière anecdotique, mais cela suffit pour que l'imagination du lecteur s'enflamme. On apprend par exemple au détour d'une conversation qu'il existe des nuages de pluie grise (comprenez chargés de métaux lourds), que la quasi totalité des livres ont été confisqués afin de récupérer le précieux papier, ou encore que certains des travers de nos sociétés actuelles se sont renforcés au lieu de disparaître (aggravation de la surveillance de masse, boum du tourisme qui a aboutis à la transformation de certains endroits en véritables villes-musées, destinées seulement aux visiteurs et peuplées d'habitants/acteurs). En dépit de ces aspects qui, il faut l'admettre, suscitent davantage l'angoisse que l'enthousiasme, le roman de Jacques Martel exerce néanmoins un pouvoir de séduction important. Il faut dire que, si les éléments cités sont inquiétants, d'autres sont beaucoup plus réjouissants et ouvrent de belles perspectives. C'est le cas notamment de tout ce qui touche à l'exploration spatiale (les hommes sont parvenues à implanter des colonies sur la Lune, Mars, aussi que quelques autres endroits de la galaxie), mais aussi, dans une certaine mesure, du Halo, cet espace virtuel dans lequel s'expriment les instincts les moins reluisants de l'humanité, mais qui permet également à des individus dotés d'une imagination débordante d'expérimenter une infinité de choses.

Cet élan d'optimisme dans lequel baigne le roman, il tient évidemment en grande partie à l'influence de Jules Verne à qui Jacques Martel rend ici un très bel hommage. Les références aux oeuvres et aux personnages emblématiques de l'oeuvre du maître abondent, de l'île mystérieuse au Nautilius, en passant par le capitaine Némo, Robur le Conquérant ou encore Michel Strogoff. Loin de se limiter à accumuler les clins d'oeil, l'auteur a surtout le cran de tenter de prolonger l'oeuvre de Jules Verne. Sacré pari ! Cela passe, d'abord, par une réappropriation des thématiques chères à l'auteur populaire : le goût de l'aventure et de l'exploration (spatiale, notamment) ; un émerveillement presque enfantin pour ce que les progrès scientifiques et technologiques pourraient rendre possible ; et surtout une curiosité sans bornes pour ce que nous réserve le futur et ses découvertes. Autant d'éléments qui constituent la marque de fabrique des romans de Jules Verne, et que l'auteur d'aujourd'hui réutilise pour rendre vie à l'univers et à la philosophie de celui d'hier. D'un futur peu attrayant dans lequel le format papier et la lecture sont en passe de devenir des modes de communication obsolètes, Jacques Martel ouvre ainsi des perspectives incroyables. Paradoxalement, en dépit de cette quasi absence matérielle de livres dans le roman, ces derniers sont omniprésents dans l'histoire, et on sent bien toute l'affection et l'émotion que suscite pour l'auteur l'écriture en général, et la forme romanesque en particulier (autant d'éléments auxquels ne manquera pas d'être sensible tout lecteur un tant soit peu bibliophile). Quantité d'autres thèmes sont évidemment abordés, même si certains sont traités avec un peu moins de subtilité (l'acceptation de la différence, l'autisme, la force du mythe...). D'autres, en revanche, auraient mérité d'être davantage exploités, notamment tout ce qui concerne les privilèges accordées aux plus riches (possibilité de conserver les collections d'ouvrages papiers privés ; privatisation de certains lieux emblématiques comme la promenade des Anglais…), ainsi que ce qui touche au Halo et à la dépendance qu'il peut faire naître (certains individus choisissent volontairement de s'enfermer dans des univers virtuels ultra sophistiqués afin de se voir offrir des opportunités qui leur sont désormais inaccessibles dans la réalité). le roman est en fait tellement riche qu'on aurait aimé le voir développé sur bien davantage que trois cent pages, ce qui est un bon indicateur de la qualité de son récit.

Jacques Martel signe avec « La voie Verne » un roman difficile à classer, mélange de cyberpunk et d'hommage à Jules Verne dont l'empreinte est perceptible sur la plupart des aspects du roman. le futur mis en scène par l'auteur a quelque chose de fascinant, en dépit de ses travers, et c'est cette fascination qui rend l'immersion du lecteur aussi profonde et aussi agréable. La construction du récit est également à saluer, de même que le soin apporté aux personnages, finalement peu nombreux, qui peuplent cette belle histoire. Une excellente découverte que je vous recommande chaudement.
Lien : https://lebibliocosme.fr/201..
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Pour aller du merveilleux scientifique à la science-fiction, empruntez la voie Verne.

Certains auteurs réussissent à vous poser une ambiance en quelques lignes. C'est le cas ici ou une simple discussion badine dans un troquet vous pose les protagonistes, les lieux et l'ambiance générale. On s'y sent immédiatement bien, comme dans une vieille paire de pantoufles.
Nous sommes dans un futur assez proche du notre mais où les effets du dérèglement climatique sont prégnants et ont eu un effet immédiat : protection des arbres avec pour corollaire l'interdiction d'usage du papier et le recyclage obligatoire des livres. Pendant ce temps, un virus a rongé les mémoires informatiques. Résultat, la mémoire de l'imaginaire humain disparaît.

Un univers extrêmement riche et crédible, hymne à l'imaginaire comme vecteur de progrès et de découverte, doublé d'un bel hommage à Verne. Un livre univers, ou plutôt univerne. Peu à peu, cette société futur nous est dessinée, avec ses inégalités, sa technologie omniprésente, ses médias des grands groupes. Cependant, pas de c'était mieux avant, l'auteur arrive à montrer que l'avenir doit jouer dans l'osmose entre le passé et le présent pour aller de l'avant.
N'étant pas un adepte de Jules Verne, je n'ai pas goûté à l'ensemble des références et des clins d'oeil mais cela ne m'a pas empêché de prendre grand plaisir à lire ce roman dont la connaissance du précurseur de la SF n'est pas nécessaire.

J'ai adoré, malgré quelques longueurs digressives,, je pourrais vous en dire des tonnes, mais quoi de mieux que de vous donner ces deux citations tirées du roman :

Moderne, mais avec cet esprit optimiste et positif que l'on trouve chez Jules Verne.

Pour moi, il ne s'agit pas d'une interprétation ou d'une adaptation, mais d'une vraie transposition
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Reçu dans le cadre de MASSE CRITIQUE grâce à BABELIO en partenariat avec l'éditeur Mnémos. Merci à eux

L'histoire est originale, partant comme toute bonne histoire de SF sur un concept improbable mais auquel on peut vouloir croire. Toutefois, pour apprécier ce roman il sera nécessaire de maitriser un peu deux choses: Jules Verne (avoir au moins connaissance de qui est cet auteur et du titre de ses principaux romans et de leurs protagonistes célèbres: Nemo, Robur..); le concept de réalité virtuelle, de jeux en ligne multi-joueurs type WOW, Second Life..., là encore pas une expertise geek mais au moins savoir un peu de quoi on parle. Sinon, suivre l'histoire sera difficile, malgré le petit index de fin de roman.

Comme c'est souvent le cas sur ce genre, peu d'action, mais un intérêt pour la société présentée (et les analogies envisageables avec la notre et son évolution), une interrogation sur la problématique du personnage et sur la solution qu'il va trouver et son succès (ou pas). Lecture agréable malgré les passages liés au monde virtuel (la voie Verne) et son développement qui pourront être plus difficile pour certains lecteurs. Mais c'est de la SF et sans être de la hard science il faut toujours s'attendre à devoir affronter un peu de technique dans ce genre d'ouvrage.

Un bon moment de lecture

Lien : http://leslivresdemavie.over..
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John Erns , le narrateur, se fait embaucher comme majordome au château de la famille Dumont Lieber où vivent Agatha, la châtelaine, Gabriel, son petit fils et deux autres domestiques. Gabriel est autiste. Il a perdu ses parents lors d'une catastrophe et s'est réfugié depuis lors dans un monde virtuel auquel il accède grâce à des sortes de lunettes nommées cyclope et dont l'univers est spécifiquement celui des Voyages extraordinaires de Jules Verne. On comprend assez vite que John avait une idée derrière la tête en briguant cet emploi.
L'intrigue se déroule dans un monde futuriste où l'usage du papier est interdit aux particuliers. Les livres sont recyclés pour la paperasserie de l'état et remplacés par des tablettes avec accès à l'e-fond de la BnF. Or le virus informatique Big Worm a détruit une grande partie du matériel sauvegardé dont tout ce qui a trait à l'oeuvre de Jules Verne.
On se rend compte que John est à la recherche de quelque chose dans la maison, qu'il finit par trouver : Une bibliothèque secrète qui comprend tous les ouvrages de Jules Verne, dont les magnifiques reliures rouge et or de la collection Hetzel . On pressent à ce moment qu'outre John le majordome et Gabriel, l'enfant autiste, Jules Verne est le personnage central du livre.
Tout se complique lorsqu'on s'aperçoit que John Erns a d'autres personnalités, mais lesquelles et pourquoi ? Quelle importance vont avoir les personnages du capitaine Nemo, de Pearline Khan, de Stargazer dans ce récit ? Qui sont les nains ? L'ignoble Lamprin ne sera t-il pas puni pour son forfait ?
Outre le fait de retrouver avec plaisir le monde des Voyages extraordinaires de Jules Verne, on est interpellé par certains sujets un peu hermétiques comme la métemppsychose, l'égrégore, la puissance du mythe. Et puis surtout l'autisme à travers Gabriel : « C'est off limit, ôm ! Ce gosse n'est pas humain, Il y a trop de monde… Trop de variantes… ».
En bref, il est clair que l'auteur a mis beaucoup de lui-même dans ce roman et cherche à faire passer des messages. La mise en place de l'intrigue est un peu longue, un peu complexe, certes, mais quand ça part, c'est exponentiel : La Voie Verne va plus loin que Jules Verne, oh ! beaucoup plus loin, vers « Une putain de fucking légende cosmique ! ».
CB
Chronique publiée dans Gandahar 16 Christine Renard en février 2019
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Verne is alive

Y'a pas à tortiller, c'est tellement meilleur de lire en VO ! Une plume magnifique, des descriptions très fouillées, très immersives (parfois un peu longues, il est vrai) et des personnages dotés d'une vraie présence. Une foule de données littéraires, artistiques, culturelles, historiques, ainsi qu'un rythme tranquillou... pour une intrigue dévoilée au compte-goutte, au début du moins.

J'ai vécu ce roman en trois temps, comme c'est souvent le cas.
Le premier tiers pose un décor vivant, des personnages aux caractères bien affirmés, dotés d'une vie et d'un passé intelligemment amenés, ainsi que les premières briques d'une intrigue dont on apprécie vraiment ne pas connaître tous les enjeux. Ainsi donc, la qualité descriptive de Jacques Martel s'exprime à bon escient, si bien que l'on s'attache sans mal aux locataires du château et autres protagonistes.
Pour le deuxième tiers, j'ai dû sortir les rames. J'ai cru comprendre que certains lecteurs n'avaient pas été assez téméraires pour poursuivre. Pauvres fous ! En effet, des longueurs et digressions dans le déroulé de l'intrigue créent un faux rythme, mais je pressentais que l'auteur prenait son élan pour mieux sauter.
Car oui, le dernier tiers envoie la sauce en matière de créativité. L'objectif initial du narrateur peut enfin dérouler sa trame. Presque trop vite selon moi. Attention, rien n'est bâclé, ici, mais si l'on compare le nombre de pages consacrées à ladite Voie Verne à celles qu'occupe le reste du roman, grr… On en reprendrait bien cent pages de plus, de ce voyage stellaire presque réel.

On retiendra un humanisme puissant dans le scénario et dans les valeurs portées par ce roman. Une vraie richesse dans les interactions humaines, des préoccupations et des objectifs sains, souvent tournés vers l'autre. Que l'on se préoccupe de l'état émotionnel d'un gosse qu'il convient de couver ou que l'on trace le portrait d'une civilisation humaine partageant une quête commune, un rêve, un renouveau, la vision globale nous emporte par sa verve, son symbolisme, son énergie reconstructrice.

Le tout est déroulé sur le canevas d'une société future pour le moins dystopique, que Jacques Martel a le bon goût de ne pas décrire comme trop sombre. Simplement des restrictions, des contrôles, des libertés aliénées, un réseau omniprésent, une écologie bafouée, réinventée, etc. Au milieu de tout ceci, les personnages rayonnent comme des lueurs d'espoir ; les uns pour les autres et tous pour une moralité qu'il fait bon lire.
La SF est souvent sombre. Puisqu'elle explore généralement l'avenir, selon moi (réaliste endurci) cela revêt un certain sens. Néanmoins, ici, l'auteur nous offre une SF positive, ouais ! Et ça fait sacrément du bien.

Les amateurs de bons mots trouveront largement leur compte dans ces pages. J'ai adoré ce style d'époque rehaussé de touches de modernité. Quelle époque ? me direz-vous. Ben celle de Verne, pardi, la fin du 19e dans toute sa splendeur ! Sans flagornerie aucune, j'ai décelé là, en assez bonnes proportions, de la noblesse, de l'éducation, de l'héroïsme parfois, du courage très certainement, de la contemplation, des couleurs, de l'ingéniosité, un esprit bien fait en somme.

Un hommage sincère à (et un hommage digne d') un auteur d'une autre époque. Vraiment ? La postérité ne rend-il pas Verne intemporel, finalement ?

“Nul n'est jamais certain d'atteindre la fin du voyage qu'il entreprend, mais l'esprit humain est ainsi fait que depuis l'aube des temps des hommes et des femmes se sont élancés vers l'inconnu, à la poursuite de peut-être, dans des explorations géographiques, scientifiques, artistiques ou philosophiques qui entraînent l'humanité dans ce perpétuel mouvement sans autre but que le voyage lui-même.”
Lien : https://editionslintemporel...
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Un hommage à Jules Verne et au Cyberpunk

J'ai reçu ce livre dans le cadre d'un service presse à l'occasion de la réédition en poche du livre aux éditions Mnémos, et j'étais très enthousiaste à le lire car il me semblait qu'il s'agissait d'un roman steampunk. Après lecture, ce n'est pas vraiment le cas. Il s'agit d'un mélange d'hommage à Jules Verne et de cyberpunk. Pour autant, je n'ai pas été déçue.

L'univers dans lequel évolue John semble être un peu rétro-futuriste par moments : le village date du XXIème siècle mais avec un apport de technologie qui n'existe pas de nos jours : Gabriel vit avec un oculus rift en permanence sur la tête car il préfère évoluer dans un monde virtuel de son invention, le bar du village cache une salle dédiée aux mondes virtuels pour les jeunes dans l'arrière boutique et il est tenu par un Hacker, la disparition du papier a renforcé les contrôles de l'Etat sur les propriétaires de livres et la plantation d'arbres.

L'auteur voue un amour incommensurable à l'oeuvre de Jules Verne qu'il semble connaître sur le bout des doigts. Entre le personnage de Jules et ses univers recréé virtuellement, les nombreuses références aux livres et la présence des Dumont-Lieber qui ont réalisé des projets d'architecture inspirés de Jules Verne, l'auteur s'amuse à réaliser une construction de récit en poupées russes avec de nombreuses mises en abîme. Surtout, il prolonge l'oeuvre de Jules Verne avec des technologies actuelles en nous invitant à réfléchir à de nouvelles possibilités pour notre futur.

L'histoire est riche de références à des personnages historiques, littéraires ou réels comme par exemple, l'illustrateur Didier Graffet cité au détour d'une phrase pour son travail d'illustration. Je ne pense pas avoir réussi à relever toutes les références, car l'ensemble est assez dense. Par ailleurs, je n'ai lu aucun livre de Jules Verne donc j'ai l'impression d'être passée à côté de certaines choses, ou du moins de moins avoir apprécié certaines allusions. Cependant, cela ne m'a pas pour autant dérangée dans ma lecture.

Un univers d'anticipation

L'univers de ce roman est incroyable et proche d'un roman d'anticipation au niveau des thématiques abordées. Ce sont surtout des mesures écologiques qui bouleversent le fonctionnement du monde tel que nous le connaissons pour proposer une autre manière de vivre, un peu plus positive.

La raréfaction du papier et son usage réglementé destiné uniquement à l'administration est le point qui est mis en avant dès le départ. Cela engendre de la reforestation, un recyclage du papier et un contrôle régulier des collections des particuliers, souvent confisquées pour le bien de l'Etat. On verra ici, que c'est surtout le fait de fonctionnaires zélés, désireux de nuire aux plus riches.

La surpopulation chinoise et indienne oblige les gouvernements à créer des programmes spatiaux pour envoyer des gens dans l'espace pour créer des colonies afin d'éviter l'épuisement des ressources naturelles. Même si des colonies sont vraiment érigées sur la lune et mars, et que l'avancée technologique sur ce point est assez importante dans le récit, on ignore si ces populations arrivent bien à bon port. Cela engendre des rumeurs indiquant qu'il s'agit d'un moyen détourné par les états pour se débarrasser de la surpopulation en leur offrant un espoir factice.

Des mesures sur l'emploi ont été mises en place suite à l'acceptation d'un manque de place dans la société pour chacun. de ce fait, une partie de la population est invitée à rester chez elle avec une indemnité et vit par procuration dans un monde virtuel qui rappelle beaucoup Ready Player one d'Ernest Cline.

Certains lieux publics ont été privatisés par les plus riches afin de les reconstruire et de les préserver mais au détriment de leur utilisation par tous. C'est le cas de la promenade des anglais par la milliardaire russe Urgïne Eristoff-Fenshi.

Enfin, Internet a subi un énorme bug suite à un Virus informatique. Il est a perdu une partie de ses données et a mué en devenant le Halo, un véritable univers dans lequel chacun peut évoluer comme le jeu vidéo Second Life. Mais tout n'est pas rose car le contrôle des données s'avère très présent et monopolisé par quelques sociétés (pas si éloignée de notre présent à vrai dire).

Une mise en avant positive de l'autisme

Le personnage de Gabriel, jeune autiste englué dans son univers virtuel, va s'avérer central dans toute cette histoire. Ses parents étant décédés dans un accident sans qu'il ait pu les sauver, l'enfant a recréé leur sauvetage en virtuel dans des univers de Jules Verne dont il connaît les histoires par coeur. Mais il ne réussit jamais à les sauver en virtuel non plus.

C'est en apprivoisant le garçon que John va mener à bien son projet et cela ne sera pas facile : Gabriel ne jure que par Verne mais a sa propre logique et ses propres motivations.

Véritable génie du code, il ne travaille que lorsque le projet l'intéresse et peut facilement l'abandonner pour passer à autre chose. John va devoir ruser pour entrer dans son univers et tenter le convaincre tout en l'aidant à réaliser son deuil pour se projeter à nouveau vers l'avenir.

La manière dont Gabriel accomplira le Projet Verne semble totalement délirante sur le papier mais pas totalement irréalisable : c'est le projet d'un passionné qui va mettre en avant ses compétences peu communes ainsi que celles de ses camarades afin de créer quelque chose inconnu jusque là. Une belle manière pour l'auteur de mettre en avant un personnage différent qui apporte une touche d'espoir pour les lecteurs souffrant d'autisme.

Une touche de fantastique (Attention spoilers)...



Quelques bémols

Hormis un univers formidable, j'avoue avoir eu des difficultés à terminer ce roman du fait de sa construction. L'auteur créé un effet d'attente assez long pour nous dévoiler les motivations de son personnage principal, en passant par des digressions sur son identité et sa vie. Moi qui attendait de savoir comment il allait mener à bien son projet, je me suis sentie assez frustrée de la lenteur de l'intrigue. Par ailleurs, la seconde partie a un rythme presque trop rapide avec beaucoup d'éléments qui s'enchaînent et qui auraient mérité d'être plus développés. Cela m'intéresserait de retrouver la suite de ce roman sous forme de nouvelles pour explorer la suite des aventures du héros ou d'explorer davantage son univers.

L'autre bémol qui m'est tout à fait personnel, est mon manque d'intérêt pour le personnage de Kurts, le hacker/tenancier du bar du village avec lequel va s'associer John dans l'histoire. J'ai été très agacée de sa manière de s'exprimer en franglais qui était totalement exagérée. Cela fait sans doute partie du personnage, pour lui donner un côté international, mais cela m'a beaucoup dérangée dans ma lecture, au point que je sautais parfois les passages où il s'exprimait.

En conclusion : Jacques Martel nous livre un véritable hommage à Jules Verne en proposant au lecteur la suite des aventures de l'auteur nantais mais dans un univers cyberpunk, marqué par la technologie et des mesures écologiques. C'est également une formidable histoire d'amour, où un homme est prêt à tout pour sauver celle qu'il aime, tout en ouvrant de nouvelles possibilités dans le monde où il évolue. Un récit positif qui nous invite à la réflexion sur notre propre univers.


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ll y a, enfin, deux romans en un : un récit chronologique dans un monde futuriste peu éloigné du nôtre avec ses usages abusifs, où posséder du papier est presque un crime, et une partie plus réfléchie, plus philosophie ou quasiment..
C'est un texte ambitieux qui brasse d'influences et thématiques car Jacques Martel rend un bel hommage à Jules Verne et y accumule les références aux oeuvres et aux personnages emblématiques d de l'île mystérieuse au Nautilius, en passant par le capitaine Némo, Robur le Conquérant ou encore Michel Strogoff.
Ce ne sont pas que des clins d'oeil ou des référence, mais carrément des prolongements…ainsi que ce goût de l'aventure et de l'exploration.
Ce roman est agréable mais j'avoue ne pas avoir été réellement autant transportée que je l'avais espéré, mais, mais… si vous aimez Jules Verne, la SF, je vous recommande de ce bon roman !
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Quand je vois le nom de Jules Verne sur une couverture, même au sein d'un titre, ça attire toujours mon regard, ça m'intrigue et me donne forcément envie, car c'est un univers qui me rappelle mes rêves d'enfant. Quand en plus, comme ici, c'est accompagné d'une couverture dont l'illustration vient encore plus titiller ma curiosité, je ne peux que craquer !

Jacques Martel est un auteur connu en France, mais qui jusqu'à présent avait surtout offert des récits de fantasy dans des univers un peu barbares de différents horizons, à l'exception d'un autre déjà chez Mnémos et Hélios en 2014 : Bloody Marie, qui proposait une aventure de pirates dans l'espace. Ici, nous sommes dans un tout autre genre de SF, une SF non pas spatiale mais plus orientée vers steampunk et réalité virtuelle et comprenant bien des surprises.

En effet, en début La Voie Verne jamais je n'aurais imaginé l'aventure que j'allais vivre ici. Véritable intrigue à tiroirs, ce roman suscite surprise sur surprise et donne l'impression d'être dans une vieille maison et d'écarter à chaque fois un nouveau voile révélant une nouvelle pièce totalement différente de la précédente. L'auteur a créé pour cela un récit qui est un mélange de steampunk et de pulp mâtiné de réalité virtuelle. C'est hyper savoureux, entraînant et intriguant.

Le début est très lent mystérieux, presque capiteux, tandis que nous faisons la découverte de notre héros, John, un homme d'âge mûr qui devient majordome dans une riche demeure pour de mystérieuses raisons. Il y fait la rencontre du jeune, Gabriel, autiste de haut niveau, passionné par Jules Verne qu'il connaît par coeur et qu'il retrouve dans l'univers virtuel qu'il s'est crée recréant un XIXe siècle plus vrai que nature. John semble très intéressé par Gabriel et l'histoire de sa famille et de leur rapport à l'oeuvre de Jules Verne, on se demande bien pourquoi.

Le lecteur va se retrouver happé par cette ambiance mystérieuse, capiteuse dans un premier temps avant de se transformer en véritable tourbillon qui va l'emporter rapidement telle une tornade pour l'éjecter là où il ne l'attend pas. Après un début à la Downton Abbey, un milieu à la Atypical, il se retrouve dans une fin purement SF avec I.A, réalité virtuelle et voyage dans l'espace. Jamais, on ne se serait attendu à ça !

L'ambiance est vraiment géniale dans ce roman. L'auteur joue des différents temps et tempo de celle-ci avec brio pour mieux nous alpaguer et nous retourner la tête. A chaque tiroir de l'intrigue, correspond un thème et une ambiance différente, qui est pourtant toujours une variation sur les mêmes personnages nous entraînant juste plus profondément dans les méandres de leurs espoirs et souvenirs. C'est fascinant.

J'ai beaucoup aimé avoir ici des thèmes aussi variés que le devenir de l'écrit et des livres quand la numérisation et les virus menacent tout comme dans Library Wars et Fahrenheit 451, la réalité virtuelle et ses possibilités comme ses faiblesses, l'évolution géopolitique de notre monde et nos aspirations d'ailleurs à quel prix, quelle place dans la vie pour ceux qui sont différents comme notre héros autiste ou encore la question philosophique mais concrète de jusqu'où on peut aller par amour. J'ai adoré avoir ce sentiment de surprise de découvrir tout cela dans un récit qui ne s'y prêtait pas selon moi au début. Ce côté surprise et atypisme, j'ai surtout apprécié de trouver en Gabriel et John des héros différents. Chacun cache des trésors d'ingéniosité dans sa petite tête. Avec le premier, c'est cette faculté à comprendre les grands plans comme un Psychohistorien d'Asimov juste grâce aux chiffres. Avec le second, c'est l'identité et les sentiments profonds qu'il cache qui m'ont émue et surprise.

L'auteur mélange ainsi craintes pour l'avenir des livres et des récits qu'ils recouvrent, désir des terriens de voyager toujours plus loin dans les étoiles mais aussi dans une réalité virtuelle les détachant de leur quotidien peut-être morose avec cette Terre en fin de vie. Il dépeint une réalité virtuelle imaginée par les deux héros juste fascinante dans sa construction et son utilisation mais aussi ses influences verniennes, nous faisant passer du steampunk au cyberpunk d'un coup de baguette virtuelle. Magique !

Au final, le seul point noir de cette lecture sur laquelle je ne veux pas trop en dire pour ne pas vous gâcher la découverte, c'est qu'il existe en fin de tome un riche glossaire auquel on n'est jamais renvoyé au cours de la lecture. On y perd énormément car en le lisant avant ou au fur et à mesure de celle-ci, on se serait rendu compte de la richesse de l'univers imaginé par l'auteur, notamment de toute l'évolution sociale, politique, économique, écologique et technologique de notre planète et ses habitants. C'est dommage.

La Voie Verne fut un peu pour moi comme une lecture-jeu. J'ai adoré y découvrir des sortes d'Easter Egg au fil des chapitres et des rebondissements qui s'y cachaient. C'était jouissif à lire et en même temps, l'auteur ne s'enferme pas dans un schéma juste ludique, il propose aussi un récit profond avec des thèmes intimes touchant et émouvant sur l'altérité, avec l'autisme de Gabriel, ou sur l'amour, avec le secret de John. Quand on y ajoute le rôle des écrits de Jules Verne et l'amour pour les livres papiers qui y transpire, on peut comprendre pourquoi j'ai autant aimé cette lecture surprenante. Merci Monsieur Martel !
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