Subjuguée, oui, j'ai été subjuguée par cet ouvrage dans lequel
Nicolas Mathieu sonde l'âme humaine avec intelligence et acuité, dans un discours soutenu par une écriture violente, charnelle avec de judicieux changements de registres de langage, en fonction des situations et de l'âge des protagonistes.
Il se livre à une étude approfondie des angoisses, tant de l'enfance et de l'adolescence, que de l'âge adulte au moment des bilans.
Comment est-on au mitan de sa vie, au seuil de la quarantaine, lorsque les jeux sont faits, qu'on s'éclate ou non dans un boulot qui correspond, ou pas, aux aspirations que l'on portait au fond de soi lors de cette adolescence de tous les espoirs, de tous ces rêves porteurs d'absolu ?
Hélène et Christophe viennent tous deux de Cornécourt, un bourg aux environs d'Epinal.
Elle, élève brillante, voulait la réussite sociale et s'est investie à fond dans ses études pour y parvenir. le but atteint, cadre brillante dans une entreprise parisienne, elle se retrouve victime d'un burn-out, nécessitant son retour dans sa région natale.
Lui, passionné par le hockey sur glace, se voyait déjà joueur star de son équipe et à l'âge de seize ans, le beau gosse collectionne les succès autant sur la glace que dans le coeur des adolescentes du coin, puis perd peu à peu de sa superbe en usant son existence dans un boulot pas très valorisant de commercial en produits canins.
Mais Hélène et Christophe qui ont eu des aspirations et des trajectoires si différentes peuvent-ils trouver un terrain d'entente en dehors du sexe ? (qui entre eux marche très fort, parole d'auteur !)
Le chassé croisé passé-présent utilisé tout au long de la narration par
Nicolas Mathieu attise le gouffre entre l'adolescence glorieuse, prometteuse de toutes les réussites, et le présent, lourd de toutes les compromissions imposées par la vie.
Au détour de son discours,
Nicolas Mathieu épingle sévèrement ces sociétés de conseils, avec leurs cadres aux dents longues impitoyables de férocité managériale et faussement empathiques avec leurs sous-fifres, arpentant l'open-space d'un pas martial et ne pensant qu'à faire du fric sur le dos de leurs clients, auxquels on en met plein la vue à grand renfort de tableaux, graphiques et vocabulaire abscons, grotesquement pompé de l'anglais. Un peu caricatural peut-être, mais fort réjouissant !
Quelques longueurs certes, mais on ne va pas reprocher ces peccadilles à un auteur capable d'exprimer avec autant de talent sa vision acérée de notre société malade d'un néolibéralisme effréné avançant avec conviction vers la destruction des relations humaines,
et de mener cette étude, hélas si juste, du devenir du couple, et de ses élans amoureux, voué à l'échec, grâce à l'effritement inexorable de l'ardeur des sentiments dans le quotidien lénifiant de l'existence.
Oui, au final que valent toutes ces petites existences étriquées, épouvantablement dérisoires, si bien, tellement bien contées par
Nicolas Mathieu, décidément très en verve, qui parachève son oeuvre par une fête de mariage, éblouissante de réalisme, où tout le monde s'agite sur la piste en braillant "
Connemara" l'inusable tube de Sardou.
Dérisoire, oui !