Connemara : des nuages noir qui viennent du Nord colorent la terre, les lacs, les rivières... Stop, ce n'est pas le décor du
Connemara, ni du Grand Est, et pourtant c'est un peu celui de notre histoire.
Au départ, un couple, départ classique, boy meets girl.. enfin, pas vraiment un couple, deux solitudes qui se croisent dans leur nuit et se séparent. Et en réalité, il y a bien d'autres choses. Patrick et Hélène sont tous deux issus de la même petite ville entre Lorraine et Vosges, dans une région qui n'existe pas, le Grand Est, au coeur d'une France qui fut en un temps pas si éloigné le moteur de la croissance, et, avec ses industries, a presque tout perdu. Oh je ne vais pas faire le procès de la mondialisation libérale, il a déjà été fait, et ce livre est une pièce supplémentaire au dossier. le procès ne sert à rien, ils gagneront toujours et nous repeteront qu'il n'y a pas d'alternative (d'ailleurs je crois l'avoir entendu récemment ) Et voilà deux vies écrasées. Pas trop quand-même. Hélène et Christophe s'en tirent assez bien, enfin surtout Hélène. Ils ne sont pas issus, Dieu merci pour eux, de la grande pauvreté.
Leur adolescence a été leur Grand Siècle, où tout leur semblait ouvert. Grâce au hockey sur glace, Christophe espérait une belle carrière sportive,, grâce à ses bonnes notes, Hélène attendait une belle carrière tout court. Christophe a échoué, il est resté là, il a encore de la chance, il a du travail, oh rien d'exaltant, il est commercial; il vend de la pâtée pour chien. A part ça ? Divorcé, un enfant. Il n'est pas malheureux, il y a les copains. Hélène a réussi à intégrer une école de commerce, mais pas la meilleure, a été recruté par un cabinet de consulting, mais pas le meilleur, et elle n'y obtiendra pas la promotion qu'elle espérait. Parce qu'elle n'est pas du bon milieu et n'a pas les codes, elle n'a pas pu intégrer une bonne école, parce qu'elle ne sort pas d'une bonne école... Vous avez compris. Mais elle n'est pas à plaindre, bien sûr. Elle gagne bien sa vie, bien sûr elle fait un métier qui consiste à vendre du vent, puisqu'elle est dans le consulting. Elle est intelligence, s'en rend compte, elle a bien essayé d'être corporate, elle est trop intelligente, elle n'y a pas réussi. L'ascenseur social, on le sait, est en panne depuis quarante ans.
Cependant elle a presque intégré les rangs des gagnants, des anywhere, alors que Christophe est resté un Somewhere pour reprendre la la classification de Guilluy dans La France périphérique. Cependant, à la faveur d'une mutation professionnelle, Hélène retourne dans la région, rencontre Christophe, et retrouve ( un peu) son milieu d'origine. D'ailleurs, la région, elle y restera. Ce n'est pas une happy end. Ni le contraire. Et nous voilà dans dans le corps de l'action. Certains reprochent au livre de manquer d'action. C'est sûr que ça manque de traders, de publicitaires, de cultureux en tout genre. Nous sommes chez les "gens de peu " au sens du livre de
Pierre Sansot ( ce n'est surtout pas péjoratif, Sansot n'est pas Macron parlant de ceux qui ne sont rien. Et donc, oui, il ne se passe peut-être pas comprendre, juste la vie, la mort aussi d'ailleurs, et tout le monde fait de son mieux. Au, quand-même, si, grâce à Hélène nous avons un aperçu sur le monde glorieux de l'entreprise, sur les chevaliers du consulting qui viennent la régénérer, et s'attaquent même aux "pesanteurs et rigidités de l'État", comme on dit, avec l'indigne complicité de ceux qui vendent la France à la découpe. Ils s'en donnent d'autant plus à coeur joie en l'occurrence que nous sommes à l'époque de l'absurde réforme régionale qui donna naissance au Grand Est et qui mit une pagaille effroyable dans le mille feuilles régional qui n'en manquait pourtant pas. Alors, une bonne couche de charlatanisme là -dessus, au point où on en est... Mais je m'énerve et suis à la limite du hors sujet.
Parce l'essentiel du livre n'est pas là. Parce que les héros du livre, ce sont les simples gens qui font de leur mieux, avec ce que les beautiful people ont bien voulu leur laisser. Et qui vivent, et qui essaient d'être heureux, et, bien sûr, n'y arrivent pas tout à fait. Parce la condition humaine est là, avec le temps qui passe, les enfants qui grandissent, les générations qui se succèdent, la maladie, la mort. Et ce dont parle ce livre, c'est de la vie, la vraie.
Et le
Connemara alors ? Oh, Matthieu l'explique mieux que moi. Disons simplement que c'est une chanson populaire, que les gens aiment, qu'ils chantent lors de leurs fêtes, et qui, d'une certaine façon, représente leur vie