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Un chef-d'oeuvre, depuis le XIIe siècle au moins, est un ouvrage que faisait un aspirant ou une aspirante pour se faire recevoir maître ou maîtresse dans le métier qu'ils avaient appris ; « Nul artisan n'est agrégé à aucune société ni n'a ses lettres de maîtrise sans faire son chef-d'oeuvre » disait La Bruyère.

En 1883, 20 ans après la sortie des Misérables, 3 ans après la mort de Flaubert, son « maître », Guy de Maupassant publie son premier roman (après de nombreuses nouvelles), et réalise, selon certains, l'oeuvre de sa vie. Avec Une vie, il est définitivement consacré par les plus grands, comme un maître à son tour. Tolstoï dira, « une vie est un roman de premier ordre ; non seulement c'est la meilleure oeuvre De Maupassant, mais peut-être même le meilleur roman français depuis les Misérables, de Victor Hugo (…) Cette fois la vie n'est plus, pour l'auteur, une suite d'aventures de débauchés ; ici, le fond du roman, comme le titre l'indique, est la description d'une vie détruite, de la vie d'une femme innocente et charmante, prête à tout ce qui est noble, et détruite précisément par cette sensualité des plus grossières et des plus bestiales qui apparaissait à l'auteur, dans ses récits antérieurs, comme le phénomène le plus essentiel de la vie. Cette fois la sympathie de l'auteur se porte vers le bien ».

Une vie est, par ailleurs, sans doute la preuve que l'on a tort de réduire Maupassant à un misogyne. Son problème n'est pas les individus, mais bien les institutions. Ici : le mariage, qui jette, dans les bras l'un de l'autre, deux inconnus et, malheureusement, Jeanne, une pucelle qui entend des voix lui conter des histoires d'amour chaste et pur, dans les bras d'un Julien fourbe, un bellâtre intéressé qui dévoile son vrai visage une fois servi : celui de la turpitude la plus accomplie, faite de brutalité, d'indifférence, de manipulation, de méchanceté en somme, à force d'égoïsme. le mariage ne protège en rien l'épouse, entièrement soumise à son mari, ni l'époux d'ailleurs lorsque celui-ci, coeur fidèle et profondément épris, l'est d'une femme volage. C'est encore le procès de la foi institutionnalisée, de la religion donc : simple caution du pouvoir temporel, elle couvre les exactions des puissants pour sauver la face des convenances sociales et, ainsi, justifier le maintien de l'ordre établi. Prétendante à la direction des âmes et au monopole du pouvoir en lieu et place de tout autre force, elle se fait alors tyrannique et n'est plus que l'inverse de l'enseignement de son prophète. Maupassant y oppose la vertu sincère et droite de Jeanne, qui préfère « le Dieu des honnêtes gens au Dieu d'un parti ».

C'est enfin la condamnation du règne de l'argent, qui corrompt les esprits, assèche les coeurs les plus faibles, souvent les plus isolés (Julien sans doute qui n'a point de famille, Paul, jamais aimé par son père), qui détourne de la vérité (« avoir » pour « être » selon Julien, et non pour « partager » comme dans cette généreuse famille le Perthuis des Vauds ; se marier pour 20.000 francs pour sortir de sa pauvreté…). Voilà « l'humble vérité » qui choqua sans doute autant, et au-delà de certaines scènes, la société bien (mal) pensante, bien peu empathique avec son prochain quoi qu'elle respecte tous les sacrements. Voilà tout ce qui fait d'Une vie un chef-d'oeuvre quand « la vie, voyez-vous, ça n'est jamais ni si bon ni si mauvais qu'on croit. »
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S'écartant du cynisme dont il est coutumier, Maupassant livre ici l'histoire d'une vie, celle de Jeanne, dont le destin se chargera de lui ôter ses illusions de jeunesse pour enfin lui faire prononcer une phrase fataliste, devenue proverbiale et applicable à tous : « La vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit. »
On a vu dans ce roman – à juste titre – l'influence de Flaubert, son aîné et ami, sur Maupassant, les deux eux-mêmes influencés par La Femme de trente ansDe Balzac. Mais ce qui fait la singularité d'Une vie c'est ce personnage de Jeanne, figure presque christique face à l'adversité. Une ancienne connaissance me raconta un jour ce qu'une parente lui avait dit au sujet de ses malheurs : « le Bon-Dieu ne nous donne que ce qu'on peut supporter. » Remarque qui aurait pu sortir de la bouche de Jeanne.
S'agissant du style, Une vie, c'est écrit avec aisance : les phrases, quoique porteuses de tristesse, de dureté et désenchantement, glissent sans difficulté, comme si le destin de Jeanne suffisait à ne pas l'accabler d'une lecture trop lourde.
Par ailleurs, c'est un texte qui montre encore une fois le sens de la psychologie qui caractérise l'oeuvre De Maupassant.
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J'aime beaucoup Maupassant. Comme à son époque Balzac, il a su dans son oeuvre faire une critique acerbe de la bourgeoisie de son temps, mettant en avant ses travers pour mieux les opposer à la pureté et l'honnêteté de quelques êtres d'exception. C'est ce que raconte "Une vie". Les désillusions d'une jeune femme qui pensant avoir trouver l'amour, se retrouve face à la méchanceté et la vilénie de son époux. Bref, un grand classique drôlement bien.
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N°1832 – Février 2024.

Une vieGuy de Maupassant – Librio.

Jeanne, 17 ans, la fille unique du baron et de la baronne le Pertuis des Vauds sort du couvent où elle recevait une éducation chrétienne comme c'était l'usage à l'époque dans la noblesse. Ses parents organise sa vie dans leur château normand en espérant bien la marier et avoir ainsi une descendance. Un peu par hasard, elle rencontre le vicomte Julien de Lamarre et ils se marient rapidement . de l'amour elle ne connaissait que celui que chantent naïvement les poètes dans leurs quatrains mais, petit à petit, elle prend conscience du vrai visage de ceux qui l'entourent, gouverné par l'hypocrisie, le mensonge, la trahison, l'adultère, une autre vision des choses, inattendue pour elle, ce qui est bien souvent l'ordinaire de la famille et du mariage. Son mari se révèle un être pingre, autoritaire, volage, sa mère moins vertueuse qu'elle ne l'aurait pensé... Ainsi se tourne-t-elle vers l'église et Dieu comme une compensation ce qui n'est pas sans accentuer le sentiment de solitude qui peu à peu envahit sa vie.

Maupassant bien qu'il ait mené une vie parisienne quelque peu libertine aimait revenir dans sa Normandie. Il y retrouvait ses racines et son décor. Il se souvient du séjour qu'il fit dans un établissement confessionnel d'Yvetot, et dont il fut exclus pour écrits licencieux à travers la figure de deux curés. L'un d'eux, l'abbé Picot, vieux, tolérant et débonnaire semble avoir sa préférence, l'autre, l'abbé Tolbiac, jeune, mystique autoritaire et inquisiteur souhaite moraliser cette paroisse rurale. Il ne plaît guère à l'auteur qui qui donne de lui une image déplorable et règle ainsi quelques comptes avec l'Église.

Que penser de cette vie qui ne fut jamais heureuse et dont il est difficile d'imaginer qu'elle ne tient que de la fiction ? Que le malheur s'acharne sur certains êtres alors qu'il en épargne d'autres, qu'il existe des mariages, arrangés ou non, dont l'amour est absent ou qu'il déserte rapidement, qu'il ne faut pas longtemps pour que le conjoint qu'on croyait connaître se révèle sous son vrai jour à travers l'hypocrisie, la trahison, l'adultère, la violence, que les enfants ingrats pour qui on se sacrifie désertent le foyer ou font simplement leur vie ailleurs, que le destin funeste mène ainsi son cours dans une vie où les apparences se révèlent trompeuses et où le fatalisme finit par l'emporter malgré la vie qui naît et l'avenir qu'on croit pouvoir maîtriser, tout cela est une réalité contre laquelle nul ne peut rien,

En digne héritier littéraire de Flaubert et de Zola, Maupassant nous offre de belles descriptions de la nature, de la campagne, du bord de mer, de la montagne… Il se révèle aussi être un témoin de son temps mais aussi un fin observateur de la nature humaine dans tout ce qu'elle a de détestable, de perfide.
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Je partais avec beaucoup d'appréhension étant donné que je gardais un avis plus que mitigé sur mes lectures collégiales, dont Bel Ami qui m'avait tourmenté un moment à l'époque.
Et la vie étant ce qu'elle est, m'a rappelé avec ce livre que l'on se trompe souvent, et cette fois encore, je me suis trompé.
Le récit est très bien écrit et je n'ai eu aucun mal à le parcourir. L'histoire est pleine de rebondissements et l'on ne s'ennuie pas en suivant la vie d'une jeune bourgeoise qui rencontrera les pires moments tout au long du livre. le moins que l'on puisse dire c'est que sa vie ne fût pas simple, bercée par maintes trahisons, décès, ruines et autres gentillesses...
Un très beau livre qui se lit avec gourmandise.
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Le sentiment qui m'est resté en refermant le livre, c'est celui d'avoir quitté un univers qui était le mien, où je me sentais chez moi. Je me suis sentie abandonnée, au début. J'avais appris à vraiment apprécier ces personnages, leur petit monde, leurs intrigues...Manoir de bords de mer, barons, paysage normands, à croire qu'il fait surgir en nous des réminiscences de vies antérieures. La vie et les états-d'âme de ces personnages ayant vécus il y a plus de 200 ans, étant tellement actuels ! On évolue au fil de l'histoire côte à côte avec Jeanne, on est là, à sa sortie du couvent, pleine d'espoir à l'aube de son existence et de ses premières émotions, et c'est ainsi que débute "Une vie". n a une vraie pluralité de caractères et de tempéraments, entre le baron philosophe, la baronne nostalgique, le vicomte avare, la comtesse passionnée, son mari solitaire et bien sûr Jeanne, cette grande sentimentale. Très convaincant lorsqu'il s'agit de décrypter l'âme pure d'une jeune femme au début de la vingtaine, il se révèle finalement encore meilleur en narrateur des souffrances, de la tristesse résignée et de la monotonie d'une vie campagnarde. On se remémore alors sans fin les souvenirs de jeunesse, à la recherche du temps perdu, comme s'il n'y avait plus rien à attendre de cette vie. Jusqu'à la conclusion du roman, et cette dernière phrase ouvrant malgré tout sur l'espoir, encore et toujours : "La vie, voyez vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit".
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Jeanne sort du couvent, elle est pleine de vie, elle veut profiter de tout, elle retrouve ses parents et découvre les premiers émois de l'amour avec Julien mais le bonheur est de courte duré. Julien la trompe, s'éloigne, a un enfant illégitime avec la bonne, sa mère meurt, son père meurt, l'infidélité de Julien finit par le tuer mais au milieu de tout ça elle met au monde un fils qu'elle aime, qu'elle surprotège, qu'elle étouffe d'un immense amour. Mère craintive et naïve, elle ne voit pas son fils la manipuler, la voler. Ce roman est une route, une route de vie semée d'embûche mais dont l'héroïne se relève toujours. C'est une tranche d'histoire dans une Normandie du 19e siècle. le style est agréable, j'ai eu tendance à vouloir dire à Jeanne "bon sang ouvres les yeux !" J'ai bien aimé ce roman. La fin est idéalement trouvé, une petite porte ouverte sur une autre VIE !
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J'ai adoré ce roman .
Une belle histoire, un décor magnifique.
Jeanne est une jeune femme à peine sortie du couvent qui rêve que sa vie soit un conte de fée. Elle ne le sera pas...
Désillusion, amour, richesse, joie et peine. On retrouve tout cela.
J'ai apprécié aussi le personnage de Rosalie qui est très forte. Et aussi le parallèle entre les deux femmes : l'une riche qui fait un mariage malheureux et supporte mal les problèmes de la vie alors qu'on pourrait croire que tout peut lui réussir et l'autre pauvre qui porte à bras le corps sa vie de bonne et réussit à s'en sortir et à être heureuse.
Une très belle découverte.
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Une vie laisse une sensation de tristesse après sa lecture. Comme son titre l'indique, c'est toute une vie que l'on découvre, la vie de Jeanne qui après avoir vécue sa jeunesse enfermée en couvent est pleines d'espoirs et d'envies qui ne demandent qu'à se réaliser et qui semblent à sa portée. Et au lieu de ça, Jeanne fait la rencontre qui va faire de sa vie une suite de drames et de déceptions. En lisant ce roman, c'est presque de l'agacement qui m'a envahi : une envie de secouer Jeanne et la sortir de son apathie. Mais j'ai particulièrement aimé cet attrait pour la Normandie et les descriptions lors du voyage en Corse. Et la petite note d'espoir qui se profile à la fin : un renouveau ou une deuxième chance pour Jeanne qu'il n'appartient qu'à elle de saisir… Malgré le pessimisme omniprésent, c'est un très beau roman De Maupassant.
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Premier roman de Guy de Maupassant et je suis litteralement séduite par sa plume factuelle, tendre, forte et bienveillante.
L'histoire est juste, les personnages attachants et la dimension artistique prend toute sa place au fil des pages, telle une peinture.
Nous traversons le 19ème siècle avec beaucoup de grâce et nous avons qu'une seule hâte... en découvrir d'autres.
Une oeuvre à lire et à relire pour sa beauté.
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