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4,16

sur 898 notes
Un roman-récit majeur à la construction complexe, il m'est difficile d'en écrire une critique tant sa lecture a été puissante par ses multiples angles d'exploration. Un livre d'un humanisme profond très enrichissant.
Réalité indélébile, une lecture qui ébranle.

A l'image de son titre « Apeirogon » figure géométrique, polygone au nombre dénombrablement infini de côtés ; un récit kaléidoscope, mille et un fragments, tragédie du conflit israélo-palestinien, mêlant intime et grande histoire, parsemé de digressions en écho.

Un style recherché, de grande qualité, pour un roman très fourni, richement documenté, fort et intelligent.
Une étude à la fois historique et politique, philosophique et religieuse, de la situation en Israël et en Palestine, d'un conflit qui n'en finit pas à la complexité infini de l'apeirogon.

Rami Elhanan israélien et Bassam Arami palestien, l'un est juif, l'autre musulman ; tous deux ont perdu une fille.

« Smadar. La vigne. L'éclosion de la fleur.
Abir. le parfum. La fragrance de la fleur ».

Les métaphores, les analogies, tout au long du récit sont magnifiquement évocatrices et lourdes de sens. Poésie et musicalité.

Rami et Bassam choisissent de mettre la force de leur chagrin au service de la paix.
Se battre pour la paix.
Ils ont le courage de leurs idées. Une force mentale admirable s'en dégage et nous secoue.
« Bassam et Rami en vinrent à comprendre qu'ils se serviraient de la force de leur chagrin comme d'une arme ».
Mise en lumière de l'humanité de deux individus, de manière très émouvante. Témoignage poignant.
L'histoire vraie d'une amitié.

« le ton du chant est donné quand l'oiseau déplace la tension sur les membranes. le volume est contrôlé par la force de l'expiration.
L'oiseau peut contrôler deux côtés de la trachée indépendamment l'un de l'autre, de sorte que certaines espèces peuvent produire deux notes distinctes à la fois ».

Israël, Palestine, deux identités, même terre, diamant sacré aux mille et une facettes, concentré d'Histoire, de mysticisme, de richesse historique et culturelle. Terre trois fois sainte.
Infinitude des possibles.

Paix, une espérance aux mille et une colombes, par-delà les murs.

La fraternité plus forte que la haine.

« Pardonner mais ne pas excuser ».

*
Je souligne le passage de l'auteur Colum Mc Cann à LGL :
- « le monde nous frappe de ses coups de foudre. Nous devons apprendre à nous servir de notre douleur ».
- « le monde est fait d'histoires et de récits ». « Dans la difficulté on trouve l'excellence ».
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Il est des piétinements de l'histoire et certaines régions du monde en paient plus lourdement le prix que d'autres. le Proche Orient est dans ce cas.
On pourrait remonter aux croisades médiévales mais il suffit de s'arrêter aux conséquences que la 2ème guerre mondiale y a entrainées, pour en trouver un bel exemple.
Depuis 1948, au lendemain de la naissance de l'État d'Israël, la guerre a déterminé des camps, des vainqueurs et des vaincus, elle a modelé la vie des populations et des territoires.
Colum Mac Cann nous fait arpenter ce labyrinthe aujourd'hui, sur la moto de Rami, israélien, ou dans la voiture de Bassam, palestinien. La route, le mur, les checkpoints, dessinent une carte sans fin, le polygone infini auquel l'auteur nous renvoie est une manière d'en rendre compte tout comme ce polygone nous dit l'émiettement des vies, jusqu'au hasard de la mort, au tournant d'une rue. L'écriture épouse ici le fractionnement du temps, la construction est toute entière inscrite dans l'histoire ;
Deux parties numérotées, avec un chiffre pivot :499.
Dans la première, on part de 1 jusqu'à 499, dans la deuxième on part de 499 jusqu'à 1 pour clore le livre, comme si on n'avait pas avancé, pas bougé, comme si les mots avaient piétiné avec l'histoire. Les paragraphes qui s'égrènent sont plus ou moins courts, ils portent des numéros, c'est la rigueur des chiffres pour dire le désordre des vies.
Entre ces deux parties, Rami et Bassam racontent leur histoire, d'un jet, en continu, ils recousent ce que les paragraphes numérotés ont énuméré, comme autant de fragments éclatés. Ces deux chapitres sont de même taille, de même facture, ils portent chacun le numéro 500. Rami et Bassam, l'israélien et le palestinien, à égalité de vies, à égalité de souffrance.
Entre ces deux chapitre 500, un chapitre 1001 d'une page, le narrateur reprend la main pour associer les deux hommes, dont les vies s'additionnent dans la perte de leur fille respective. A moins qu'il ne s'agisse des Mille et une Nuits dont Smaldar aimait tant le conte du Bossu, ou encore de la magie des nombres qui fait que les nombres dits amicaux ne se trouvent qu'en deçà de 1000. Bassam et Rami se sont trouvés pour porter leur message de paix, un peu comme deux nombres dits amicaux, parce que, nous disent les mathématiciens, quand on additionne les diviseurs de ces deux nombres, leurs sommes sont égales. (p117)
Le livre est donc construit comme une respiration hachée, un kaléidoscope des vies saccagées, tout y éclate mais tout y est lié, autant d'histoires en forme d'allégorie, chacune fait sens, les routes migratoires des oiseaux ou la traversée de la vallée du Hinnom par le funambule Philippe Petit. Ces histoires font lien avec celles de Smaldar er d'Abir, mortes assassinées à 10 ans d'intervalle, comme dans un temps arrêté, et leurs père, Rami et Bassam, n'ont de cesse de porter leur souvenir en message de résistance contre la haine.
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"Une pierre conduit à une balle. Et un autre kamikaze conduit à une autre frappe aérienne. Et ça n'arrête pas. Jamais."
Rami Elhanan est Israélien. Agé de  67 ans, il est graphiste. Bassam Aramin quant à lui est un  Palestinien âgé de 48 ans.
Ils n'étaient pas faits pour se rencontrer, pour devenir amis. Ils auraient pu être ennemis, souhaiter la mort de l'autre. le drame de leur vie, la mort de leurs enfants, le hasard a permis leur rencontre et les a, au contraire, rapprochés.
Tous deux militent dans l'association "Fight for Peace"
Smadar, fille de Rami, avait treize ans, quand elle a été tuée dans un attentat palestinien en Israël. Abir, fille de Bassam était, quant à elle, âgée  de dix ans  quand elle est morte touchée derrière la tête par une balle en caoutchouc tirée par un soldat israélien. 
Deux victimes collatérales d'un conflit qui n'en finit pas, deux destins d'enfants, qui n'auront sans doute pas fait l'objet d'un entrefilet dans les colonnes des journaux, tant ils font partie d'une certaine forme de normalité...de la vie de ces israéliens.
Deux morts d'enfants, de deux innocents à dix  années d'écart.
Depuis les pères se sont rencontrés, se sont appréciés....deux pères, l'un israélien, l'autre palestinien unis dans une même souffrance s'appuyant l'un sur l'autre, parlant...la parole pour se comprendre, pour comprendre leur similitude de souffrance, pour s'épauler.
"Ils étaient les amis les plus improbables qui soient, au-delà même du fait évident que l'un était israélien et l'autre palestinien."
Colum McCann quant à lui, a rencontré ces pères, et en a fait un texte à la construction inhabituelle, parfois déroutante au début. 1001 petits textes, de quelques lignes à quelques pages, retours en arrière ou réflexions des deux papas, sans chronologie...les souvenirs leur reviennent en tête. Ils se rencontrent, ont besoin l'un de l'autre , éprouvent le besoin de se parler...de parler des aberrations de cette politique, de parler de cette violence sans fin.
Souffrance de deux papas, mais aussi de tant d'autres familles, qui n'arrivent pas à comprendre cette politique, ni non plus à faire leur deuil.
Découverte pour le lecteur de la condition de vie de ces israéliens et palestiniens , du fait du nombre important de digressions fourmillant d'informations et des photos illustrant l'ouvrage.
Pour information, l' « Apeirogon », est un mot qui désigne une figure géométrique au nombre infini de côtés....
Oui, c'est un livre qui m'a bousculé, à la fois du fait des situations relatées, des personnages, de sa construction particulière et remarquable...
C'est rare, mais j'ai besoin de le relire...de revivre ces émotions .Gros coup de coeur !
"Le meilleur jihad est celui que l'on mène contre soi-même."(P. 139)
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Il faut dire que le titre est assez mystérieux, mais avant d en connaître la signification, l auteur nous invite à penetrer dans cette terre de conflit à travers la grande migration des oiseaux. Ce qui nous donne une première perspective intéressante.
Nous entrons dans la vie de deux hommes, un juif et un palestinien qui après avoir perdu tragiquement chacun une fille , s unissent pour lutter pour la paix. Cela semble dénué d émotions écrit ainsi, mais on s engouffre au fur et à mesure dans la tragédie de ces deux pères.

Ce n'est pas un roman comme les autres, l auteur nous emmène dans les milliers de ramifications qui longent le conflit israélien-palestinien. C'est sa force. On s attache peu à peu à Rami et à Bassam avec leurs doutes, leurs souffrance, leur colère, leurs souvenirs et leurs propos justes qu ils sèment à leur manière.
Un livre d une grande intensité qui redonne un peu d espoir ou du moins à le grand mérite de nous aider à comprendre sans forcément juger. Je dirai même qu'il veut que nous elargissions notre vision pour avancer vers la paix, qui sera pleine avec deux peuples, deux États.
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Ce bon vieux blog respire encore un peu. Et quand on tombe sur un livre extraordinaire pas question de garder ça pour moi. J'étais déjà un lecteur fidèle et zélé de l'Irlandais Colum McCann, que ce soient ses nouvelles (La rivière de l'exil, Treize façons de voir) ou ses romans (Les saisons de la nuit, Transatlantic). En fait seuls deux romans traduits en français m'ont échappé. Ceux qui me lisent depuis longtemps savent ma folie irlandaise. Ce n'était donc pas une surprise de lire un bon livre de McCann.

le destin d'Israel et de la Palestine m'a toujours passionné. La littérature israélienne* est d'ailleurs absolument remarquable de clairvoyance à ce sujet. Je n'ai pas eu l'occasion de lire un auteur palestinien. Colum McCann vient d'un pays qui s'y connait en dissensions internes, quel bel euphémisme. On dirait que cela lui a donné une extraordinaire acuité pour nous infiltrer à ce point dans les méandres de l'immémorial conflit.

Un apeirogon est une figure géométrique au nombre infini de côtés. C'est déjà vertigineux. Tout aussi vertigineuse est la dextérité de McCann quant au destin des deux peuples. Et des deux familles, celle de Rami, israélien, fils d'un rescapé de la Shoah, ancien soldat de la guerre du Kippour, et celle de Bassam, palestinien, qui a surtout connu geôle et spoliation. Tous deux vont se rencontrer, se connaître et devenir des militants de la paix, mais c'est plus que ça. Tous deux ont perdu une fille. Tout les sépare.

L'auteur ne se contente pas de dire les sentiments et les actes des protagonistes, de leurs épouses respectives. Il ne se satisfait pas non plus de d'exprimer leur courage, leur noblesse et leurs faiblesses face à l'indicible in-fini de la situation. Long aller-retour sur la genèse du conflit, les enfances et les jeunesses perdues de Rami et Bassam, leur évolution, leur volonté. Découpé en 1000 chapitres, de 1 à 500, puis de 500 à 1, certains ne font qu'une ligne, Apeirogon passionne intégralement (chose rare en littérature) et nous rend un peu plus compétents sur le sujet. Et l'émotion est là, qui sourd à chaque expression, comme l'eau d'un puits du Neguev pourtant avare, comme un thé partagé, comme le rire de Smadar, 13 ans ou d'Abir, 10 ans, fracassées par L Histoire, enfants sacrifiées.

On trouve tout dans ce livre, la vie quotidienne à Jérusalem ou à Jericho, de somptueuses références aux mathématique, à la poésie, à la médecine, à l'ornithologie. Tout cela est irracontable et magnifique, comme la relation entre Rami et Bassam, jumeaux de douleur, membres du Cercle des Parents, ils sontaussi l'Esoir...Mais Apeirogon, si l'on est autorisé à en parler et à le conseiller, il faut le lire, impérativement. Je pratique peu les extraits mais en voici quelques-uns. Rami, Bassam, vous ne les oublierez pas.

Les morts se produisent à dix ans d'intervalle: Smadar en 1997, Abir en 2007. Lors d'une conférence à Stockholm, Bassam se leva pour dire qu'il avait l'impression que la balle en caoutchouc avait voyagé pendant toute une décennie.

La plupart des 750 000 Palestinens ne transportaient rien de trop lourd, persuadés qu'ils étaient de regagner leurs pénates quelques jours lus tard: d'après la légende certains avaient laissé la soupe bouillir sur les fourneaux.

Rami est allé en Allemagne avec moi il y a quelques années de ça, mais c'est une longue histoire, j'ai dû le convaincre d'y aller, il haïssait les Allemands. Il n'avait jamais cru pouvoir y aller. Mais il y est allé. Et il a vu un pays différent de celui qu'il imaginait.

Pris dans sa totalité, un apeirogon approche de la forme d'un cercle, mais un petit fragment, une fois grossi, ressemble à une ligne droite. On peut finalement atteindre n'importe quel point à l'intérieur du tout. Tout est atteignable. Tout est possible, meme l'apparemment impossible.

Ma plus belle lecture depuis un nombre indéfinissable de jours et de mois. Vertigineusement vôtre. Une envergure exceptionnelle.

* Lu récemment, peut-être y reviendrai-je, l'excellent Réveiller les lions d'Ayelet Gundar-Goshen.

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Coup de coeur et enthousiasme colossal pour cette lecture. L'apeirogon est une figure de géométrie possédant un nombre dénombrablement infini de côtés. Apeirogon raconte 1001 histoires, qui ne sont en fait qu'une seule histoire, à 1001 facettes.

Colum McCann nous plonge dans le conflit israélo-palestinien. Au coeur d'Apeirogon se trouvent deux fillettes, Abir et Smadar, leur assassinat, leurs pères devenus amis, Bassam Aramin et Rami Elhanan, qui mènent un combat commun pour la paix. Bassam est musulman palestinien. Rami est juif israélien. Abir a été abattue par un garde-frontière israélien à Jerusalem-Est en 2007, elle avait dix ans. Smadar a été tuée à quatorze ans à Jerusalem-Ouest par trois kamikazes palestiniens, en 1997.

Colum McCann a tissé leur histoire, leurs histoires et l'Histoire, dans ce roman qui n'en est pas un.

Comme ces chansons jeux de mots que l'on récitait enfants, trois petits chats, chapeau de paille paillasson, somnambule, Colum McCann passe de l'arme à la poudre à la Chine, du cadavre en pièce au fonctionnement du nerf optique, de la guerre de 1948 à David et Goliath, des souvenirs d'un homme au présent d'un autre, mais il y a toujours un lien. Intrication, fondu enchaîné. 1001 fragments contés qui se reflètent les uns dans les autres sans discontinuer, un lien de soi, de soie, de son, de sens, la pensée ricoche et semble s'éparpiller mais en fait elle ne dévie jamais. Colum McCann construit, tricote, raconte et recrée un ensemble, un tout qui entrecroise les destins, les gens, les pays, les généalogies, la géographie, les arts, les sciences, les inventions.

Apeirogon est une lecture souvent exigeante, par sa forme éclatée et son contenu parfois vraiment éprouvant. Ce n'est pas un livre qui se picore cinq minutes ici, huit minutes là, entre préparer le dîner et sortir le chien. J'ai eu besoin d'avoir la soirée devant moi ou une journée de repos pour m'y plonger. Apeirogon nécessite des pauses, mais c'est pour mieux y revenir, toujours. L'auteur crée également du lien vers son oeuvre à lui. On croise le funambule Philippe Petit (Et que le monde poursuive sa course folle) ou les tunneliers du métro de New-York (Les saisons de la nuit).

Apeirogon est tel le minbar de Saladin (la chaire prodigieuse de la mosquée al Aqsa), dont le « secret résidait en ce que ses milliers d'éléments n'étaient aucunement accrochés à une structure, mais harmonieusement intégrés ensemble ».

L'auteur ne nous cache rien. Il ne juge pas, il ne prend pas parti. Il énonce, raconte, décrit. Il développe. Il vient et revient sur le métier à tisser de la vie. Et le message est imparable : « Ca ne s'arrêtera pas tant que nous ne discuterons pas ». Pages 217 et 218, on apprend que l'un des kamikazes qui a tué Smadar en se faisant sauter était auparavant étudiant en graphisme. Il transformait du matériel de guerre récupéré – balles en caoutchouc, grenades lacrymogènes, cartouches – en cages à oiseaux, en carillons, en mangeoires. Un jour qu'il glanait du matériel d'émeutier à la fin d'une manifestation, il a été arrêté, accusé d'avoir jeté des pierres et jeté en prison pour quatre ans. Il s'y est radicalisé. Il s'est fait sauter. Smadar a été tuée. « Ca ne s'arrêtera pas tant que nous ne discuterons pas ».

J'ai appris un nombre considérable de choses, tant dans ce livre qu'en allant fouiller ensuite sur le net et dans les livres. Il y aurait tant à en dire. Apeirogon est à relire.

Je suis époustouflée par le talent de Colum McCann. Apeirogon est magistral. Ambitieux et totalement maîtrisé, inspiré et passionnant, poignant. J'applaudis au génie de l'auteur et je rends grâce à cet ouvrage qui, par son humilité d'envergure et sa neutralité engagée, est un véritable manifeste de paix et de fraternité.
Lien : https://lettresdirlandeetdai..
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Qu'il va être difficile de parler de ce livre tant il est puissant, exigeant, émouvant.
Aussi puissant que la colombe de Picasso qui figure dans ces pages.
Il s'agit d'un récit remarquable sur la mort tragique, violente et insensée de deux enfants : une jeune écolière palestinienne tuée par des soldats israéliens et une adolescente israélienne tuée par des attentats-suicides palestiniens.
Leur père, Rami et Bassam se sont engagés en tant que « frères d'âme » au sein d'organisations oeuvrant pour la fin de l'Occupation et la résolution du conflit : Combattants for Peace et Cercle des parents endeuillés.
Les conditions d'adhésion ? Un enfant mort et la volonté de parler. Que pouvez-vous faire lorsque votre enfant meurt ?
Les pères endeuillés doivent survivre, doivent faire quelque chose de cette douleur indicible.
C'est une histoire racontée en mille chapitres fragmentés : un fait ici, un fait là, des évènements historiques, des sujets apparemment indépendants.
Chaque mot est important. Chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe est soigneusement introduit au bon endroit, juste au bon moment pour créer une grande mosaïque de l'histoire.
L' histoire a de nombreuses facettes. Il s'agit d'humanité et d'inhumanité, de bien et de mal, de choix, de courage, d'absurdité.
L'écriture est subtile, nuancée, puissante. On est parfois oppressé, bouleversé en tournant les pages.
L'auteur décrit la façon dont les oiseaux volent, de ce qu'ils font, de leur lutte pour comprendre et pour survivre ; comme les pères d'Abir et de Smadar.
On sort grandi en refermant ce roman.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices de Elle
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Il existe une multitude de très bons livres, sans qu'ils n'aient pourtant grand chose en commun. Certains vous touchent, appuient sur un point sensible, font écho à une histoire personnelle, et sont des coups de coeurs sentimentaux. D'autres vous glacent le sang, génèrent des palpitations, vous collent la chair de poule et vous accrochent jusqu'à la dernière page, la dernière goutte de sang, c'est maléfique mais c'est magique. Parfois, c'est la beauté de la langue qui enivre, ça tangue, ça chavire, vous vous laissez embarquer par les mots, vous les écoutez, les relisez, appréciez la justesse des phrases, la rotondité des formules dans la bouche, c'est savoureux comme un bon vin, et longtemps après la lecture vous pensez encore : quelle écriture !

Apeirogon est pour moi un roman extraordinaire par sa portée, son intelligence, pour sa thématique, sa façon de l'aborder, d'expliquer sans interpréter, de dire les choses qu'on ne veut pas entendre. C'est sa puissance, qui en fait un très bon livre, en plus de bénéficier d'un découpage atypique, fait de petits chapitres ciselés qui en rebuteront certains, c'est évident, mais qui m'ont permis de m'accrocher, de respirer quand ce fut difficile, douloureux, bouleversant.

Cette histoire, c'est celle mi-relatée mi-romancée de deux pères, Rami et Bassam. Deux pères que les patries opposent, que les conflits séparent, mais que le deuil réuni. Rami l'israélien a perdu sa fille Smadar dans un attentat suicide causé par un kamikaze palestinien, tandis que Bassam le palestinien a vu sa fille Abir mourir après qu'un jeune garde-frontière israélien lui ai tiré une balle en caoutchouc dans la tête juste devant son école. Ces deux pères endeuillés vont se retrouver dans le cercle des parents, une association israélo-palestinienne qui réunit des parents des deux nationalités autour d'une même volonté : transformer leur deuil en énergie positive pour la paix entre leurs deux nations.

Et il en faut de l'amour pour ses enfants pour surmonter son réflexe primaire de haine, sa soif de vengeance, celle que les deux camps exploitent à dessein pour perpétuer la violence, légitimer le pire, sans jamais chercher à discuter et à dire : on arrête ? Il y sera question des origines des civilisations, de l'occupation des territoires, de leurs vies, des insultes reçues par leur propre camp, qui les voient comme des traitres. On y retrouve une humanité éblouissante, une amitié simple mais solide, la beauté de l'intelligence et du dialogue plus que de la haine et de la violence. C'est un superbe roman, il m'a embarqué en Cisjordanie et en Israël dans cette aventure singulière pour la paix. Sublime.
Lien : https://www.hql.fr/apeirogon..
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Dans ce roman, Colum McCann associe fonds et forme avec une rare intelligence.
Deux hommes, l'un israélien, l'autre palestinien, deux hommes dont la vie a été brisée le jour où leur fille est morte, Smadar (13 ans) dans un bus lors d'un attentat palestinien, Abir (10 ans) des balles d'un soldat israélien à la sortie de l'école. Et ces deux hommes, au lieu d'ajouter de la haine à la haine, n'auront de cesse de témoigner leur douleur pour contribuer à la paix.
Composé de 1001 chapitres, numérotés de 1 à 500, puis 1001 et de 500 à 1 avec pour clés de voûte les témoignages reproduits tels quels de Rami Elhanan et de Bassam Aramin (chapitres 500), ce roman, inspiré de faits réels, de par sa forme est tout simplement vertigineux. L'auteur a construit tel un puzzle, le récit des deux hommes, le drame des deux filles, l'histoire du conflit israélo-palestinien avec de nombreuses anecdotes, rappels historiques et autres digressions. Et même si certains chapitres semblent a priori éloignés du sujet de base, on en comprend rapidement l'importance. Par cette construction (tout en restant très lisible), l'auteur décrit avec justesse toute la complexité d'un conflit qui semble se nourrir de la violence passée pour engendrer celle à venir.
Émouvant sans être larmoyant, touffu sans être étouffant, intelligent sans être hermétique, Apeirogon est une réussite totale et Colum McCann confirme ici une fois de plus qu'il est un auteur contemporain majeur de la littérature mondiale.
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Une bombe à fragmentation!
Construit comme un apeirogon, ce livre assemble en mille et un chapitres les mille et un fragments, les mille et une facettes d'un tout qui caractérise le conflit israélo-palestinien. Cette mosaïque convoque l'histoire du monde pour se définir dans de denses relations de causes et d'effets. Au centre de cette construction, se trouvent Rami Elhanan, Israélien, juif, père de Smadar, et Bassam Aramin, Palestinien, musulman, père de Abir. Bassam et Rami ont tous deux perdu leur fille à cause de la guerre qui déchire leurs pays. L'une avait 13 ans, l'autre 10. Tout les destinait à se haïr et pourtant, l'un et l'autre vont trouver un chemin pour dépasser la haine et le désir de vengeance. Dans la douleur et pour la transcender, ils deviendront les meilleurs amis en oeuvrant pour la paix.
Une lecture poignante, une lame de fond qui bouleverse au plus profond, tant le texte nous amène au plus près des protagonistes, ouvrant notre conscience sur l'urgence de faire cesser ce terrible conflit, cette injustice.
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