Les Saisons de la Nuit n'a pas été seulement pour moi une première rencontre avec son auteur,
Colum McCann, mais une révélation. Plus d'un mois après en avoir terminé la lecture, je reste marquée par cette oeuvre coup de poing, puissante, sombre, violente, d'une beauté tragique.
Le roman se déroule sur l'espace d'un siècle. Il est autant une étude sociologique qu'une aventure humaine car les histoires particulières qu'il nous relate s'inscrivent dans la grande Histoire des USA.
Documenté et poignant, il nous présente le quotidien de plusieurs générations, dont le point commun est d'avoir passé le plus clair de leur temps sous terre :
- d'une part, les gens de couleur et les immigrés exploités dans des conditions cauchemardesques pour creuser des tunnels dans les entrailles de New York, autour de 1910
- d'autre part, les exclus de la société vivant comme des rats dans ces tunnels en partie désaffectés, à la fin du 20ème siècle.
La structure de l'oeuvre est particulièrement efficace pour entretenir le suspense et soutenir l'intérêt du lecteur.
Si les différentes trajectoires de vie nous sont d'abord présentées de manière parallèle, sans que l'on sache où et comment elles vont se rejoindre, on pressent cependant qu'un lien existe entre les personnages et on attend impatiemment le moment de la révélation.
Comment alors, au stade où les différentes histoires finissent par converger, ne pas être frappé et bouleversé par l'espèce de malédiction transgénérationnelle qui semble avoir pesé sur tous ces destins?
Par un habile jeu de contrastes qui nous fait successivement passer des ténèbres profondes (tunnels) à la lumière éblouissante de l'extérieur (neige), du ventre de la terre aux gratte-ciel, des moments de douleur aux instants de tendresse et de solidarité, l'auteur donne du poids à son propos à la manière d'un négatif qui rendrait les ombres plus menaçantes et les blancs plus lumineux.
Ainsi se mêlent laideur et rédemption dans cette belle fresque romanesque à la prose percutante, sans fioriture, et tellement évocatrice que je l'ai trouvée presque physiquement palpable (la traductrice a fait un travail remarquable).
Que n'ai-je lu ce magnifique roman plus tôt ... mais il n'est jamais trop tard pour d'aussi belles découvertes !