Stephen King le décrit comme « le meilleur auteur de livre de poche aux États-Unis». Je vous présente
Michael McDowell ! Son nom doit vous dire quelque chose si vous êtes adepte des films d'horreur. Car en plus d'être auteur de romans gothiques, il est aussi scénariste et a notamment co-écrit le scénario de Beetlejuice et de L'étrange Noël de Monsieur Jack pour le non moins célèbre producteur star,
Tim Burton.
Michael McDowell est né en 1950 dans le sud-est de l'Alabama. Il a toujours été fasciné par la mort et le XIXe siècle. A l'université, il y consacre même une thèse, l'intitulant Comportements américains envers la mort, de 1825 à 1865. Une fois son doctorat en poche, plutôt que de devenir professeur de littérature, il décide de se consacrer à l'écriture. Il produira de nombreux écrits restés dans l'oubli avant que sa
carrière littéraire se lance dans les années 1980 et connaisse le triomphe sur le continent américain.
En 2022, les éditions
Monsieur Toussaint Louverture éditent la saga la plus remarquée de l'année : Blackwater. Composée de 6 tomes, ce thriller psychologique écrit en 1983 et jamais publié en France, envoûte le lecteur dès les premières pages.
Michael McDowell nous fait découvrir son univers sombre, surprenant et entêtant à travers une famille emblématique : les Caskey. Les notions de famille et de vengeance, sur fond de paranormal sont superbement entremêlées et tiennent le lecteur en haleine jusqu'à la fin (non sans éprouver de réels moments d'angoisse).
Face au succès retentissant de Blackwater, les éditions
Monsieur Toussaint Louverture annonce la création d'une Bibliothèque
Michael McDowell dans sa ligne éditoriale, avec le projet de publier six romans phares de l'auteur sur les années à venir.
Ce 6 octobre sont parues
Les Aiguilles d'Or, écrites en 1980 par notre auteur. L'ouvrage est tout aussi beau visuellement que les précédents grâce aux talents d'illustrateur de
Pedro Oyarbide. La couverture rouge et or, où se profile une image de ruelle newyorkaise des bas quartiers, laisse présager une histoire sombre et palpitante à la
Edgar Allan Poe.
Dès les premières pages, le lecteur est plongé dans le New York des années 1880. Si vous avez regardé Gangs of New York de
Martin Scorsese, vous voyez de quoi je parle.
New York, est alors une ville profondément segmentée où croissance démographique et puissance des natifs élargissent les fractures sociales. Il y a un contraste important entre les familles fortunées qui mènent une vie luxueuse, dispendieuse et la population miséreuse vivant dans une pauvreté sordide et sans espoir. le parti démocrate de Tammany Hall en vigueur, profite de l'immigration européenne naturalisée (irlandaise et allemande pour la majorité) pour se constituer un corps électoral sur fond de corruption. le parti républicain souhaite stopper la propagation du vice, de la dépravation des quartiers newyorkais. Ce nouveau roman nous entraine dans ce tourbillon politique mais profondément humain.
Les Aiguilles d'Or, c'est l'histoire de deux familles de milieux sociaux opposés mais liées par un passé commun. le clan Stallworth est composé de James, juge républicain et patriarche de la famille. Son fils Edward est pasteur et sa fille Maggie a épousé un avocat, Duncan que James prend sous son aile. Il entend bien en faire un député républicain et ainsi, accroitre son ascension sociale et son pouvoir.
Un homme respectable et fortuné, Cyrus Butterfields est retrouvé assassiné et dépouillé dans une rue sordide des quartiers populaires de New York. le juge Stallworth prend cette affaire scandaleuse comme une aubaine : la possibilité de blâmer le parti démocrate de l'insécurité qui règne dans la ville et la nécessité de nettoyer ces quartiers sombres. Grâce à l'appui du journal The Tribune, et à l'écriture d'articles anonymes reflétant la réalité des quartiers pauvres, les Stallworth gagnent du terrain. Tous les membres de la famille sont unis dans ce combat ; le pasteur mène ses prêches en vilipendant les abominations exercées dans le bouge newyorkais et Marian crée un comité de lutte contre la débauche et l'insécurité urbaine.
L'autre clan familial est celui des Shanks. Lena Shanks, receleuse de son état en est la matriarche. Autour d'elle, trois femmes puissantes ; ses deux filles Daisy et Louisa, et Maggie sa belle-fille. Chacune à sa spécialité : faiseuses d'ange, faussaire et prostituée. Elles mènent une vie confortable, voir aisée grâce à leur malice, leur droiture et leur nom. Les Shanks étant une famille respectée dans le milieu.
L'assassinat de Cyrus rebat aussi les cartes du côté des Shanks. Maggie, qui avait une liaison avec le défunt se retrouve inculpée et jugée coupable par James Stallworth, qui la condamne à mort, tout comme le mari tant regretté de Lena. Les Stallworth s'acharnent dans leur combat, provoquant la colère et la mort.
Lena Shanks eut un sinistre et horrible sourire en désignant les policiers de part et d'autre du perron, morts ou mourants, qui accompagnèrent sa malédiction de leurs gémissements graves : « Cachez-vous, dit-elle à Duncan et Benjamin et cachez votre famille et vos Kinder. Ca va vous arrivez, ajouta- t- elle en jetant un oeil aux hommes étendus par terre. Nous le ferons… Trois de nous sont morts…
Elle se recula dans l'obscurité de l'entrée par laquelle on venait d'emporter
le corps de sa fille. « Nous le ferons » répéta-t-elle, et la porte se referma en
silence.
Lena perd sa fille Daisy, et se remémore la perte de son mari, jugé par James Stallworth à l'époque. C'en est trop, Lena annonce sa sentence, préparant une vengeance digne de Machiavel. Grâce à sa réputation et son argent, elle va recruter toute une escouade des plus vils esprits newyorkais pour entrainer la perte des Stallworth. Comme dans Blackwater, nous retrouvons la symbolique de la famille oppressante et violente qui entame une vengeance lente, froide et diabolique. Mais aussi la puissance de la femme dans un clan, une sororité. Rien ne semble être trop inatteignable pour Lena et ses filles.
Cette matriarche force l'admiration du lecteur tout comme la crainte. Elle est digne, fière, ne plie pas face à plus puissant qu'elle, tout en cultivant une forme de cruauté, de perversion. Elle est prête à tout pour sauver les siens et perpétuer sa descendance…
Ce livre se lit avec avidité et effroi, et nous surprend jusqu'à la fin.
Je finis cet article par un petit mot sur Les Editions Monsieur Toussaint Louverture, une maison d'édition d'origine bordelaise fondée en 2004 par Dominique Bordes. Parmi ses valeurs : promouvoir et embellir des auteurs remarquables. La maison se consacre aux marges de la littérature, à la recherche d'auteurs ou de livres oubliés, ou à de nouveaux auteurs et de nouvelles écritures. La ligne éditoriale de
Monsieur Toussaint Louverture est marquée par la volonté d'un travail éditorial abouti passant par un ouvrage d'exception tant dans la qualité du papier et que dans celle de la couverture superbement illustrée. Un ouvrage de belle facture qui illumine une bibliothèque. Une pensée toute particulière pour Mr
Michael McDowell, qui est décédé prématurément à l'âge de 49 ans en 1999 et qui disait à un journaliste : « Je pense que c'est une erreur d'essayer d'écrire pour la postérité. J'écris pour que des gens puissent lire mes livres avec plaisir, qu'ils aient envie d'attraper un de mes romans, qu'ils passent un bon moment sans avoir à lutter. »
Le plaisir est bel et bien là, et les années à venir nous le confirmeront.
Vivement la suite !
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