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3,59

sur 1027 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
C'est au premier étage de cette auberge de Dorset, de style géorgien, dans ce salon confiné, qu'Edward et son épouse, Florence, dînent en tête-à-tête. Après la cérémonie à l'église St Mary d'Oxford et la réception festive, le tout jeune couple s'offre une nuit de noces. Quoi de plus beau et de romantique que cette suite dans cette auberge, devant la porte-fenêtre ouverte, donnant sur la plage de Chesil avec ses galets à perte de vue. Dans la pièce voisine, le lit à baldaquin et sa courtepointe d'un blanc pur. Ce lit sur lequel ils s'allongeraient côte à côte et qui serait le fruit de leurs premiers ébats. Mais, chacun de son côté, redoute ce moment, s'inquiète de ce qui doit se passer maintenant que la noce est célébrée...

C'est dans cette suite que tout va se jouer. Qu'en à peine quelques heures, la vie de ces jeunes mariés va basculer, que les espoirs et les rêves, même les plus inavouables, vont s'évaporer... Une rencontre à Londres alors qu'ils étaient étudiants, lui en histoire, elle en musique. Une attirance mutuelle. Aussi, quoi de plus naturel que d'officialiser cet amour. Mais, à l'aube des années 60, dans cette Angleterre prude, Edward Mayhew et Florence Ponting, âgés d'une vingtaine d'années, ne connaissent rien à l'amour. Vierges, ils ne savent comment s'y prendre. Ce qui devait être une nuit inoubliable devient, au fil des heures, grotesque. Emplie de silences, de désirs enfouis, de peur et d'embarras, cette nuit de noces suffira à changer le cours des choses. Ian McEwan décrit avec sensibilité une relation à la fois confuse et malhabile. L'auteur exprime avec justesse les sentiments et les pensées de chacun, se glissant d'ailleurs parfaitement dans la peau d'une femme, et éclaire sur la différence de point de vue. Un roman subtil, touchant et intelligent sur le malentendu, l'ambiguïté, les non-dits. Un huis-clos délicat servi par une écriture sensible et minutieuse.
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Qu'est-ce qui peut provoquer le fiasco d'une nuit de noces, alors que les membres du couple sont amoureux, avec le même niveau d'instruction et de curiosité intellectuelle ?

Il faut dire que nous sommes en 1962, et cette année ne brille pas par son émancipation sexuelle ! le poids de la société rigide pèse sur les épaules des jeunes gens, surtout sur les jeunes filles, élevées pour se « préserver » jusqu'au mariage.
D'autant plus que notre jeune fille, Judith, a un gros problème : il lui manque une « simple attitude mentale que tout le monde possédait, un rapport immédiat et sensuel aux êtres et aux choses, ainsi qu'à ses propres besoins, à ses propres désirs. Toutes ces années, elle avait vécu isolée, à la fois en elle-même et d'elle-même. » En d'autres mots : elle a horreur de tout ce qui pourrait pénétrer (au sens premier du terme) son intimité. Alors qu'Edward, son mari depuis le matin, ne rêve que de « ça », ne pense qu'à « ça ». Bonjour l'incompréhension ! Et comme Judith n'en a parlé à personne, même pas à sa mère, surtout pas à sa mère, une froide intellectuelle de haute volée, elle est stressée, angoissée. Car elle aime son mari et elle voudrait tellement lui faire plaisir ...

Nous suivons donc la soirée de ce jeune couple, depuis le souper dans le salon attenant à leur chambre d'hôtel jusqu'à l'apothéose finale. Ian Mc Ewan nous guide tantôt vers le moment de leur rencontre et l'histoire de leur amour, tantôt vers leur passion et leurs études(Edward adore l'histoire et Judith est une violoniste sensible et talentueuse), tantôt vers leur enfance (bizarre quand même, le père de Judith...)
Et nous assistons à leurs tentatives maladroites pour se rejoindre physiquement. La juxtaposition de leurs pensées produit un hiatus révélateur du profond abîme qui les sépare. Cela en deviendrait même risible.
Mais on n'a pas envie de rire. Oh non. Je me dis que quelques gestes peuvent changer le cours d'une vie, quelques mots aussi, jetés dans le tourbillon d'incompréhension.
Ian Mc Ewan a disséqué de façon magistrale et profonde les coeurs et les corps, et curieusement, alors qu'on pouvait s'attendre à une histoire érotique, pleine de gestes sensuels, on a affaire à une histoire cérébrale et toute intérieure.
Et le cérébral dans une nuit de noces ? Cela donne un vrai fiasco.
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Tout commence par le dîner de nuit de noces d'Edward et Florence servi dans leur chambre qui fait face à la mer et à la plage de Chesil. Un dîner compassé et formel car pour l'heure les deux jeunes mariés, prisonniers de leur époque, n'ont vraiment jamais discuté de ce qui leur tient à coeur ; partager les sentiments, les analyser n'est pas encore entrés dans les moeurs.

Difficile à dire d'Edward ou de Florence celui qui est le plus angoissé par ce moment. Florence se sait incapable de surmonter sa frayeur, sa répugnance même d'un contact intime, alors qu'Edward, ignorant de ça, ne pense plus qu'à la manière de s'y prendre avec sa jeune femme qu'il désire plus que tout autre chose.

À l'heure où la Grande-Bretagne devient une puissance de second rang, son empire colonial disparaissant à mesure que les pays intégrés proclament leur indépendance, ces deux jeunes gens inhibés par le passé vont connaître une nuit de noces calamiteuse. Faute de dialogue, tout n'est que méprise sur les pensées, les émotions et le désir de l'autre et le mal est irréparable.

La rencontre des corps, la possession physique, un moment incontournable qui détermine et influe l'avenir d'un couple. Un moment qui n'appartient qu'à lui - mais dans lequel le poids de l'éducation et de la société pèse lourd quand il fixe ses règles : les interdits et les libertés. Une première intimité conjugale (pré-révolution sexuelle) que Ian McEwan analyse avec finesse, délicatesse et précision dans ce roman aussi troublant que magistral.
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Ian Mc Ewan aime beaucoup ces moments où ,dans une vie, tout peut basculer d'un côté ou d'un autre, pour un détail , pour quelque chose que l'on fait, que l'on dit, ou le contraire. Ici, c'est les deux.. Il y a ce que les deux protagonistes ne disent pas, la plus grande partie de ce court roman,ce qu'ils sont incapables de se dire, mais aussi ce qu'ils se disent, à la fin , et tout cela contribue au fiasco .

C'est un roman d'une finesse psychologique admirable. . L'auteur évolue dans les cerveaux de ces deux personnages, et restitue toutes leurs pensées minute après minute . Et j'admire encore une fois après Expiation, la capacité qu'a Ian Mc Ewan de se glisser aussi justement dans un personnage féminin comme Florence, qui, je pense, a plus qu'un problème d'ignorance, de timidité ou de frigidité inaugurale, mais un véritable manque qu'elle connaît et décrit très bien:
"Lui avait-il fallu tout ce temps pour découvrir qu'il lui manquait une simple aptitude mentale que tout le monde possédait, un mécanisme si ordinaire que personne n'en parlait jamais, un rapport immédiat et sensuel aux êtres et aux choses, ainsi qu'à ses propres besoins, à ses propres désirs? Toutes ces années durant, elle avait vécu totalement isolée, à la fois en elle-même et d'elle-même, sans jamais vouloir ni oser regarder en arrière. Dans cette salle dallée au plafond alourdi par des poutres apparentes, les problèmes entre elle et Edward étaient déjà présents dès les premières secondes, dès le premier regard."

Cette Florence note également ( ou du moins l'auteur..) à plusieurs reprises qu'elle n'a jamais été câlinée, touchée, embrassée, par sa mère, une intellectuelle pur jus froide et distante.
Elle est complètement ignorante du moindre élément de fonctionnement de la sexualité masculine, Florence, mais elle est intelligente et lucide.
Mais l'intelligence n'a jamais fait accepter à un corps ce qui est finalement un viol à venir. Un viol conjugal, un viol par quelqu' un avec lequel elle a des affinités intellectuelles, qu'elle aime bien, mais un viol quand même..

Prouesse d'écriture que de retranscrire tout cela en mots bien choisis.




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Une fine et minutieuse analyse psychologique d'une nuit de noce qui se présente comme un échec annoncé. Ca pourrait être rasoir et longuet mais la qualité de l'écriture (et de la traduction, remarquable) entretient l'attention tout du long. Rêves, attentes, désirs, frustrations, enthousiasmes, relations à la réalité et aux convenances, tout est décrit avec finesse. Sans se perdre, la narration rend particulièrement réaliste la confrontation des deux protagonistes et leurs ressorts intimes. Et si l'environnement du début des années 60 anglaises est clairement décrit et participe aux difficultés du couple, les tensions de celui-ci conservent une actualité et une pertinence universelles.
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Difficile de faire la critique de ce livre, lu il y a une dizaine d'années et qui m'a beaucoup troublé. J'en retiens surtout le passage de la nuit de noce, bien sûr. Mais aussi une étrange sensation de cette société du début des années 60. Je me souviens avoir été surpris par tant d'ignorance de la part de ces jeunes gens. Ce monde extrêmement figé, corseté, ritualisé. Je me souviens également du trouble de la jeune fille, trouble à la limite de la pathologie, à peine esquissée par la relation passée avec son père.
Je me demande si cette nuit de noce impossible ne serait pas, selon l'auteur, la métaphore de l'échec de la société anglaise de l'époque. Une société où l'amour n'était pas abordé, société du non-dit, du tabou.
Il en reste une intrigue très forte, menée par la finesse de l'écriture et d'une grande sensibilité. Un grand roman !
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Un livre court, 178 pages, ciselé en cinq actes. Au début des années 60, la rencontre de deux étudiants, Edouard et Florence, aboutit inévitablement à un mariage, convenances obligent. Problème, la jeune fille, vierge, éprouve un dégoût viscéral à l'idée de la pénétration. le premier acte voit le couple, marié de frais, dîner dans leur chambre qui servira pour leur nuit de noces. Chacun, lui étant puceau, cache son malaise, repousse le moment tant redouté. Puis, rythmé par le ressac incessant de la mer, McEwan fait durer le suspense avec des flashbacks, alternant entre le présent (le dîner) et le passé (leur enfance, leurs études, leur rencontre).

Une petite phrase anodine résume l'essence du roman : " Voilà, se dit l'un des deux personnages. Voilà comment on peut radicalement changer le cours d'une vie : en ne faisant rien. " Et ce rien est d'une importance capitale. le héros n'a rien fait pour retenir son premier amour et se le reproche ( " il l'aurait pu l'appeler " ce soir-là sur la plage de Chesil). Il aurait pu " s'élancer pour la rattraper ". Il n'en a rien fait. Que s'était-il passé ? Trois fois rien, si l'on y songe. Une nuit de noces ratée. Une lune de miel qui tourne au fiasco pour cause de maladresse au lit, d'une incapacité à communiquer. Une tragédie en huis clos auquel on assiste, impuissant, désemparé.

Ian McEwan, en entomologiste raffiné et un brin cynique, explore très finement l'intime et l'angoisse de deux personnes que la pression morale et sociale de l'époque (celle d'avant la révolution sexuelle) a complètement bridé. Leur amour si pur (et si chaste) ne suffit pas. S'aimer ne suffit pas... Edward et Florence vivent en quelque sorte en marge du réel, dans leurs illusions, leurs espoirs et leur candeur. Comme tous les autres personnages du livre, la mère d'Edward hors du monde, « folle », celle de Florence, absorbée dans son travail universitaire, froide et rigide.

Le texte est fort et touchant. Ecrit avec justesse, psychologiquement admirable, "Sur la plage de Chesil" se lit d'une traite.

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Très touchée par ce roman d'une incroyable justesse qui explore, autour du fiasco d'une nuit de noces de deux jeunes gens de conditions et complexions différentes, le poids de leurs passés respectifs et celui de l'époque (1962, avant que la cocotte minute de 1968 explose) dans cet échec.
Aurait-il suffi d'un peu plus de connexion et de quelques années pour dépasser cet abyme d'incompréhension qui les empêche de converger ?
Construction parfaite, plume impeccable : très envie de découvrir d'autres oeuvres de Ian McEwan que je ne connaissais pas.
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J'adore ces livres qui s'apprécient comme des parfums, laissant différentes senteurs se développer au fil des heures…
Le récit tourne autour d'une nuit de noces. Elle est prude, lui est maladroit. On pourrait se moquer, mais non: on ne se moque pas de quelqu'un qui nous fait le cadeau de se dévoiler, on est plutôt ému, attendri. C'est beau… Outre la nuit de noce, l'auteur raconte aussi le passé des deux jeunes, et leur rencontre. En fait, l'ambiance est étrange. L'histoire se passe en 1962, mais on se croirait un siècle plus tôt, tant dans les manières des personnages et dans le style du récit. Cela crée une sorte d'hiatus qui nous plonge dans un climat que je peine à décrire mais qui m'a charmé. J'ai beaucoup apprécié la langue calme et finement ciselée comme celle des bons auteurs de nouvelles (bien que ce livre-ci n'en soit pas une).
Et puis, juste avant que certains lecteurs plus impatients auraient pu trouver le temps long, le récit oblique vers un style plus vif, qui relance l'intérêt. L'amour prend une autre tournure, extrême, que je ne dévoilerai pas ici. Extrêmement romantique, peut-être. Cela fait rêver, quelque part. On referme le livre, on le pose, mais l'esprit reste dans le sillage de son parfum…
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1962. le soir de leur mariage, Edward Mayhew et Florence Ponting se retrouvent enfin seuls dans une petite auberge pour leur lune de miel. Mais dans cette Angleterre prude,les appréhensions et la peur de la sexualité des deux tourtereaux vont se transformer en un fiasco total. Dans ce roman d'une écriture ciselée, Mc Ewan passe d'un personnage à l'autre pour montrer toute la complexité de leur désaccord. Entre plaisir et douleur, l'incompréhension grandit et par petites touches Mc Ewan nous décrit les relations qui se tendent au fur et à mesure de la nuit. Jusqu'au final surprenant.
L'auteur anglais dissèque une nouvelle fois, ces petits grains de la vie qui provoquent des catastrophes, l'étude de moeurs des années soixante est formidablement contée et Mc Ewan réussit un roman brillant, subtil et sacrément grinçant.
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