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4,01

sur 1201 notes
Célèbre et magnifique nouvelle d'Herman Melville. le lecteur passe de la drôlerie, à la bizarrerie, et pour finir...
il vaut mieux la lire si ce n'est déjà fait.
Il y a beaucoup d'humanité et de bienveillance dans ce texte, qui fait le constat des limites des uns et des autres. La description des personnages est remarquable, avec ce qu'il faut de caricature. Mais il manifeste aussi la part irréductible de mystère chez les humains. Chacun porte en soi une part d'inexplicable.
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" Je préférerais pas" m'avancer trop pour émettre un avis sur cette longue nouvelle étrange, désarmante et cruelle...

Tout comme le narrateur, jusqu'au bout, le lecteur est en proie au doute, à l'interrogation.Qui est cet être bizarre, Bartleby, arrivé comme scribe dans le bureau juridique? " Cette silhouette lividement propre, pitoyablement respectable,incurablement abandonnée" ?

La nouvelle débute sur un ton ironique, délicieusement acerbe, surtout lorsque le narrateur nous décrit ses deux autres improbables scribes, aux humeurs instables et singulières, répondant aux surnoms de Dindon, car sa rougeur s'accentue au fil de la journée et sa nervosité aussi ! et Lagrinche, qui, lui, au contraire voit son ardeur décroître vers le soir.

Mais l'angoisse et la mélancolie du narrateur apparaissent après l'arrivée de Bartleby.Celui-ci semble se refuser au monde, se replier derrière son paravent et quand on le sollicite, fait entendre toujours la même réponse " Je préférerais pas"...Et le narrateur, pourtant son employeur, n'arrive pas à le renvoyer.

On pense un moment, tant il est absent de la réalité, qu'il s'agit d'un fantôme.Mais sa fin tragique, en prison, nous le montre bien humain.

Parabole de l'absurdité du monde humain ? Image obsédante du rejet social ? Peinture de la solitude désespérée ? Symbole d'un univers moderne où l'anonymat domine ? Sans doute tout cela à la fois.

Le lecteur termine la nouvelle, avec une impression de malaise et de frustration ...

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Première incursion dans l'univers d'Herman Melville, j'en ressors impressionnée par cette nouvelle brillante, tragi-comique, mais déconcertante, qui échappe à l'interprétation. Lorsqu'on lui demande d'exécuter une tâche, une course, dans le contexte de ses fonctions, Bartleby, figure de la résistance passive tel qu'il a pu être analysé, répond: « Je préférerais pas. », introduisant ainsi un grain de sable important dans l'engrenage des conventions. Il nous est annoncé par le narrateur, son employeur, et ce dès le départ, que de son passé nous ne saurons rien, ou à peine, une rumeur, et cela contribue selon moi à l'inconfort, nous empêchant de nous construire une représentation rationnelle de ses attitudes et de ses comportements qui s'avèrerait rassurante. Il faut voir dans quels retranchements sera poussé le narrateur pour se défaire de cet encombrant qu'il perçoit comme une victime, ce qui lui permet peut-être ce faisant de conserver une image positive de lui-même, mettant à jour par ailleurs ses propres faiblesses. À lire.
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Grâce à mon ami daniel_dz de Babelio, j'ai passé un agréable moment en compagnie d'Herman Melville, ou plutôt de son scribe, le dénommé Bartleby et surtout son chef. Comme beaucoup de gosses, j'avais déjà été émerveillé par la baleine blanche de son fantastique "Moby Dick", un monument de la littérature mondiale, adoré pas seulement par les mômes, comme le prouvent les 89 appréciations sur notre site préféré.

"Bartleby, le scribe" est une petite oeuvre du maître, en fait une nouvelle d'à peine 38 pages. Écrite en 1853 et située dans la fameuse Wall Street de Manhattan à New York. Une rue créée au XVIIe siècle par les Néerlandais et faisant partie de la "Nouvelle-Amsterdam" sous la direction du célèbre Pieter Stuyvesant (1610-1672), avant que les Hollandais y furent délogés et remplacés par les Anglais.
Il existe une intéressante biographie de Pieter Stuyvesant - nom connu dans ma jeunesse comme marque populaire de cigarettes - par l'historien John Abbott.

Personnage central est le conseiller à la Cour de la Chancellerie, un homme d'une soixantaine d'années dont Melville ne mentionne jamais le nom. Appelons-le, pour les besoins de la critique, Trader. Trader emploie dans son bureau 3 collaborateurs ou scribes, c'est-à-dire des copistes de pièces juridiques. Les 3 scribes ont comme surnoms : Dindon, Lagrinche et Gingembre, qui ne rendent la vie de bureau pas exactement simple pour l'honnête et paisible Trader.

Les affaires de Trader marchent cependant bien et il cherche un scribe supplémentaire et qui se pointe ? Vous l'avez deviné : Bartleby ! Or Bartleby est une énigme ambulante : maigre comme un clou, très sérieux et surtout très silencieux. Au début, Trader en est fort content, car il est toujours là et s'acquitte de sa tâche consciencieusement. Puis, un beau jour, Bartleby déclare qu'il "préfère" ne plus participer au collationnement des textes.
À cette époque, en l'absence de matériel de bureau électronique et même électrique, collationner des documents constituait un exercice vital.
Ensuite, ce sont les courses, au bureau de poste, au magasin pour acheter du papier ou de l'encre..., que Bartleby "préfère" ne plus faire. Entre-temps, Trader constate que Bartleby a élu domicile au bureau et n'en sort pratiquement jamais.

Le pauvre mais brave Trader, devant le refus obstiné de toute explication et contact de la part de Bartleby, passe, envers lui, dans tous les stades des sentiments humains : l'étonnement, la pitié, la mélancolie, la mortification, l'exaspération et la colère. Finalement, la situation devient évidemment intenable, surtout que maintenant, Bartleby "préfère" (son mot lapidaire et fétiche) passer ses journées à regarder le mur d'en face.
À vous, chers lecteurs, de découvrir comment cette histoire sans issue s'achève.

Herman Melville s'exprime en phrases élaborées dans un style fort châtié et je plains le traducteur. Mais rassurez-vous celui-ci a fait un excellent travail en produisant un texte hautement littéraire.

La carrière d' Herman Melville (1819-1891), comme écrivain, a connu un parcours bizarre : après un certain succès initial, comme jeune homme avec bien sûr Moby Dick, publié à l'âge de 32 ans, il n'a presque plus vendu de livres pendant 3 bonnes décennies et cela malgré une oeuvre abondante. Oublié et inconnu à ce point que le pourtant estimé New York Times dans un minuscule avis de décès a trouvé le moyen de regretter la mort de "Henry" Melville !

Mais Herman Melville a eu sa revanche bien méritée et fait actuellement partie des grands classiques de la littérature américaine, au même titre que Nathaniel Hawthorne, Ralph Waldo Emerson et , bien entendu, Edgar Allan Poe.

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Faut il vous présenter Bartleby le scribe?
" Je vois à présent cette silhouette, celle 'un homme proprement mis mais livide, pathétiquement impeccable, incurablement désolé"
Le narrateur, Dieu seul connait son nom, a embauché Bartleby comme commis aux écritures. bientôt il doit affronter la passivité inexorable du scribe et ces "j'aimerais mieux pas" ...
Le narrateur est installé à Wall Street dans un immeuble digne d'apparaitre dans les romans de Dickens, au 1er étage , pas de lumière du jour, des fenêtres s'ouvrant sur des murs .. pas de quoi sortir quiconque de la neurasthénie ! de l'énervement à la colère il passe à la commisération ...
En quelques mots, Herman Melville brosse le portrait de cet homme au mal-être profond, dresse le portrait d'une société en devenir où l'argent devient la clef de toute réussite sociale, et par la bouche du narrateur pose les questions que chaque individu devrait se poser.
J'ai lu il y a quelques mois l'adaptation graphique de José Luis Munuera, publiée chez Dargaud, un pur bijou , je m'étais promis de lire le texte original c'est chose faite.
https://www.babelio.com/livres/Munuera-Bartleby-le-scribe-BD/1296814
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Qui es-tu Bartleby ? Quel est ton message ? Pourquoi ne réponds-tu aux demandes que par : Je ne préfèrerais pas ? Pourquoi t'obstines-tu à t'isoler, à dépérir, à t'effacer, à disparaître ?

Une nouvelle dont le narrateur, un notaire d'une soixante d'années, employeur de Bartleby nous raconte ce qu'il en sait ou croit savoir car Bartleby reste un mystère. Dans son étude à Wall Street,  ses trois employés portent un surnom qui le résume par rapport à sa personnalité : Dindon, Pince-nez et Gingembre. Pas Bartleby, lui ne portera aucun surnom car pour cela il faudrait le l'identifier. Il devient l'employé silencieux, efficace, solitaire exécutant son travail consciencieusement jusqu'à une demande banale de relecture de copies avec les autres employés. Et voilà qu'apparaît la réponse qui plus jamais ne quittera ses lèvres : Je ne préfèrerais pas, dite sans colère, sans violence, une phrase qui porte en elle à la fois la fermeté, la négation mais également comme une menace. le narrateur va tenter de comprendre, d'inciter Bartleby à changer d'avis, le pousser dans ses retranchements mais il n'obtiendra qu'une seule réponse : Je ne préférerais pas. Alors peu à peu Bartleby s'enferme, s'isole, dépérit....

Difficile de vous en dire plus, chacun(e) se fera sa propre opinion mais c'est un récit qui vous tient non seulement par les réponses que l'on cherche, le sens de ce que l'on pourrait imaginer être un conte mais également par la qualité de l'écriture, l'écriture d'un auteur que je découvrais et qui m'a très vite saisie à la fois par sa richesse mais également par tout ce qu'elle pouvait contenir dans l'évocation d'un personnage anonyme, les relations au sein de l'étude notariale, les tentatives du narrateur à comprendre, aider, à trouver la clé de cet homme dont rien ne transpire que sa détermination à ne pas préférer. Quatre mots, seulement quatre mots : Je ne préfèrerais pas sur lesquels repose son récit , quatre mots dits sans colère, sans désespoir mais avec conviction et fermeté, quatre mots qui pousseront son employeur à utiliser tous les moyens pour se débarrasser de lui, allant de la générosité à la fuite, 

Cette nouvelle est fascinante par le fait que chacun peut se faire sa propre interprétation de qui est Bartleby, un révolté, un résistant prêt à payer le prix, un homme libre auquel on ne peut rien imposer, rien proposer, rien offrir, qui refuse, un homme qui va, au prix de sa résolution à ne rien préférer, sombrer et paiera le prix de sa détermination ou bien un fou. Faut-il y voir un message : pour obtenir ne faut-il pas simplement exposer ses choix et n'en jamais dévier, sans argumenter. L'auteur nous laisse juge, à nous d'en penser ce que nous voulons. 

J'ai beaucoup aimé parce qui va rester longtemps en moi. Je l'ai lu il y a quelques jours et j'y pense depuis chaque jour, essayant de trouver des réponses, un sens. Qu'a voulu nous transmettre Herman Melville, quelle était son idée première et je l'admire d'avoir réussi à faire en 80 pages un récit où la multiplicité des interprétations en fait une oeuvre insolite, philosophique, énigmatique. Il y glisse des symboles comme le mur devant lequel Bartleby préfère travailler, semblable à lui-même face aux autres, un scribe qui  restera un mystère, lui dont le passé nous est inconnu mais qui contient, peut-être comme il l'est évoqué en toute fin, les raisons de son choix à ne pas répondre aux injonctions. Bartleby c'est lui mais cela peut-être n'importe qui, celui que l'on est, celui que l'on voudrait être, celui que l'on admire ou celui qui reste un mystère, agace, résiste.

Bluffant..... Coup de 🧡
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Court roman ou nouvelle, c'est selon (personnellement je considère qu'il s'agit plutôt d'une nouvelle), ne dépassant guère en tout cas une cinquantaine de pages, BARTLEBY est sûrement un très curieux objet littéraire, tout à fait particulier, voire unique dans l'histoire de la littérature occidentale. Publié tout d'abord en 1853 dans une revue mensuelle, à un tournant de la carrière littéraire de Melville où, financièrement exsangue et très affecté par l'échec cuisant de ses deux derniers romans, dont l'immense Moby Dick, l'auteur s'était vu obligé à écrire des nouvelles pour gagner sa vie, absolument rien au départ ne semblait pouvoir présager à «Bartleby, le commis aux écritures. Une histoire de Wall Street» (titre original lors de sa publication dans le Putnam's Monthly Magazine) une longévité aussi importante et un destin littéraire aussi glorieux !

Rarement, en effet, un opuscule dont la genèse paraît à ce point dépourvue d'ambitions littéraires aura bénéficié d'une telle célébrité, capitalisé une telle somme d'exégèses, de commentaires et de critiques littéraires, philosophiques, politiques ou psychanalytiques. Borges, Villa-Mattas, Blanchot, Pennac, Delerm, Deleuze, Derrida, Negri, J.-B. Pontalis comptent parmi les très nombreux écrivains, artistes et penseurs à s'être penchés sur les mystères et les ambiguïtés qui planent sur un texte empreint d'une modernité incontestable, intemporel, précurseur d'un courant littéraire dont les premiers remous ne seraient véritablement audibles qu'une soixantaine d'années après, avec l'avènement de cette autre grande figure littéraire d'exception, elle-même quelque peu bartlebienne, que fut l'immensurable Franz Kafka.

Le texte de BARTLEBY compte à ce jour pas moins de six traductions différentes en Français ! Quant à la célèbre formule aux pouvoirs obsédants et incantatoires de notre palot commis aux écritures: I WOULD PREFER NOT TO, cette dernière s'est vu également proposer un nombre tout aussi conséquent de versions en langue française : «Je ne préférerais pas», «Je préférerais pas», «Je préférerais ne pas» «Je préférerais ne pas le faire», «Je préférerais m'abstenir», et enfin dans une toute nouvelle traduction, celle que j'ai lue, par Pierre Goubert : «J'aimerais mieux pas». Selon Deleuze, n'étant «ni affirmation, ni négation», cette expression «atteint à l'irrémissible, en formant un bloc inarticulé, un souffle unique». J.-B. Pontalis l'a qualifiée comme l'expression langagière «d'une affirmation négative (...) d'un non qui aurait la douceur d'un oui». Pour le professeur de littérature et critique littéraire Philippe Jaworski, il s'agirait d'une parole qui dit en même temps «presque oui et presque non»...

Quant à moi, j'avoue que je n'adorerais pas l'idée d'avoir à choisir quelle version serait la plus judicieuse, la plus juste et plus proche de l'original. Face à une telle concentration de sens possible dans une expression, à l'apparence pourtant si anodine, je préfère ne pas m'y aventurer...

De toutes les façons, ce qui compte véritablement, n'est-ce pas, au fond, c'est l'effet surprenant, difficile à expliquer et créé simultanément par l'attitude générale d'un sujet dont, selon le philosophe Giorgio Agamben, la puissance proviendrait essentiellement «du fait de ne pas faire ou penser quelque chose» et par le discours qui l'accompagne -«I WOULD PREFER NOT TO» -, éliminant "aussi impitoyablement le préférable que n'importe quel non-préféré», selon la curieuse formule de Deleuze.
Une arme très efficace en définitive, susceptible de contrecarrer définitivement toute demande extérieure qui ne proviendrait pas de la zone neutre, aux frontières rigoureusement et préalablement établies par le sujet lui-même, entre moi et non-moi!

Voilà qui pourait expliquer en partie ce l'on a pris l'habitude d'appeler l'«effet Bartleby». Viral, il a le pouvoir de se propager assez facilement. Touchant tout d'abord le narrateur de l'histoire, «homme de loi», notaire de profession et zélé employeur de notre commis, l'effet finira par se disséminer insidieusement chez les collègues de bureau de Bartleby.
Et risquera fortement aussi, méfions-nous, de s'emparer également des lecteurs que nous sommes !

Terrible tout de même, dirions-nous, quand on songe aux renoncements et à la passivité que cela doit supposer ! Assez séduisant cependant, si on considère, d'autre part, le nombre de situations contrariantes auxquelles nous devons nous assujettir au quotidien pour être aimés, être reconnus et exister aux yeux des autres !! Non... ? Oui... je comprends, vous avez peut-être raison, vous aimeriez mieux pas...

Quelle prodigieuse réussite littéraire dans tous les cas, que ce Bartleby menant sa barque avec une économie extrême de moyens, "persona" par excellence, masque de la neutralité derrière lequel il nous est difficile de ne pas céder complètement à la tentation, quoiqu'en en vain comme le narrateur, d'espérer pouvoir lui attribuer un passé...une identité... une personnalité... un profil ( serait-il au fond une sorte de saint, de sadhou se soustrayant à l'illusion du monde, psalmodiant inlassablement son mantra ? ou bien un cas exemplaire 'Aspeger, ce syndrome inconnu à l'époque, faisant partie des troubles du spectre autistique et dans lequel le sujet, foncièrement dépossédé de ses compétences langagières et des ses habilités sociales, se réfugie le plus souvent dans des comportements et derrière des propos figés, stéréotypés? etc...etc....)

En écartant définitivement toute forme explicite de positivité ou de négativité face aux choix proposés par son entourage, refusant de partager une réalité régie par le vieux bon sens commun, Bartebly se transforme en une surface de projection pure pour ses semblables.
Voilà peut-être une de raisons essentielles pour laquelle lecteurs et commentateurs continuent de s'évertuer à vouloir le retourner dans tous les sens, à le disséquer interminablement afin d'en extirper son secret de fabrication.

Devenu une sorte d'icône de la «résistance passive» et non-violente, Bartebly incarne souvent l'image d'un «gréviste» dans l'âme.
Avatar de la page blanche qui permet à la fois l'émergence ou la disparition de l'écriture, ancêtre des personnages kafkaïens et beckettiens qui iront progressivement hanter l'imaginaire de la littérature moderne et, pourquoi pas (allons-y !) parangon d'un sujet contemporain dont les expériences subjectives dissolvantes favorisées par un environnement de plus en plus intelligent, désincarné, virtuel et compatissant, lui éviteraient d'avoir à négocier systématiquement avec le réel.. ?

Voyez-vous, moi-même, visiblement encore sous «effet Bartebly», je ne peux m'empêcher de m'y mettre aussi !
Sacré vertige ! Me voici assis depuis un moment déjà en train de réfléchir et d'écrire sur les raisons qui auraient amené un écrivain comme Melville à écrire l'histoire d'un notaire qui avait écrit l'histoire d'un commis aux écritures qui lui «aimait mieux pas» écrire !!!

Quelle histoire ! Quelle humanité !


...
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Une lecture atypique et très réjouissante.
Le personnage de Bartleby est unique par sa façon de faire. Il est si agaçant, impossible à gérer, réfractaire à tout avec sa petite phrase si connue. On ne sait pas par quel bout le prendre. Un homme qui vous donne envie de vous arracher les cheveux.
Une très belle découverte, une écriture magnifique, piquante, pleine d'humour grâce au patron de Bartleby qui nous raconte cette rencontre improbable et inoubliable. Et une fin inattendue.
Un roman à lire à découvrir, un vrai régal.
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Dans le New York du XIXème siècle, un notaire qui a déjà deux employés caractériels décide d'embaucher Bartleby comme copiste dans sa petite étude. D'abord très actif dans son travail, Bartleby refusera un jour de collationner ses écrits jusqu'à ne plus rien faire de ses journées.

Bartleby le scribe est l'histoire d'un homme qui décide de s'arrêter. S'arrêter de copier, s'arrêter de parler, s'arrêter de vivre. Mais il décide de s'arrêter avec une infinie politesse : "“I would prefer not to”. Cette politesse est désarmante, aussi bien pour le lecteur que pour l'employeur de Bartleby qui s'échine en vain à comprendre l'attitude étrange de son employé.

Pourquoi Bartleby décide-t-il un jour de tout arrêter ? Parce qu'il ne veut plus jouer le jeu des autres hommes ? Parce qu'il est dépressif ? Parce que son précédent métier lui a ôté son identité ? L'auteur ne nous donne pas toutes les clés, le mystère demeure, à chacun de trouver sa propre réponse.

C'est en cela que cette nouvelle est fabuleuse : Melville oblige le lecteur à réfléchir à sa propre existence à travers celle de Bartleby et à plonger au plus profond de lui-même. C'est une expérience aussi angoissante qu'enthousiasmante.
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Après l'échec de Moby Dick paru en 1851 , puis de l'éreintement de Pierre ou Les ambiguïtés (1852) Melville se tourne vers les périodiques pour s'assurer un revenu minimum lui permettant de vivre. Ce type de publications a ses contraintes : il faut écrire des textes relativement courts, et le soucis de plaire au lectorat est toujours présent. Certains sujets ou audaces ne sont pas permis. Bartleby le scribe, écrit pendant l'été 1853 sera publié en novembre et décembre de la même année dans le Putnam's Monthly Magazine ; la publication en volume aura lieu en 1856, dans un livre regroupant d'autres textes parus d'abord dans des périodiques.

Nous sommes à Wall Street, comme le précise le sous titre (Une histoire de Wall Street). Un juriste nous décrit les employés de son cabinet, de façon caustique, même s'il exprime une certaine sympathie pour les personnes qu'il croque. Un surcroît d'activité l'oblige à prendre un nouveau scribe, son choix se porte sur Bartleby, qui paraît fiable et calme. Mais très vite le nouvel employé résiste à son employeur, et se refuse à de plus en plus de tâches, avec toujours la même formule : « Je préférerais ne pas ». Il semble ne jamais quitter le bureau, y vivre même. Finalement il se refuse à tout travail, quel qu'il soit, et se contente de regarder par la fenêtre. le juriste n'arrive pas à le faire changer d'attitude, les menaces n'y font rien, et Bartleby se refuse à quitter l'endroit, introduisant une perturbation de plus en plus sensible du fonctionnement normal. le patron en arrive à fuir les lieux, à déménager ses bureaux pour ne plus avoir à subir sa présence silencieuse. Les nouveaux locataires font appel à lui pour essayer de s'en débarrasser, la seule façon d'y arriver sera de le faire enfermer en prison, où il va se laisser dépérir.

Le début du texte donne la sensation du réalisme : nous sommes à Wall Street, dans un endroit reconnaissable, des allusions à des faits d'actualité ancrent le récit dans l'ici et maintenant. La description minutieuse des employés et de leurs habitudes, qui fait un peu penser à première vue aux descriptions balzaciennes, semble renforcer l'aspect concret. Mais l'arrivée de Bartleby semble dérégler le mécanisme, son comportement en contradiction avec les règles de l'endroit où il se trouve semble faire pénétrer une inquiétante étrangeté dans le quotidien le plus banal en apparence. Peut-être même que le changement de perspective qu'il provoque, interroge sur ce quotidien : va-t-il vraiment de soi, comme semblait le penser au départ le narrateur ? On en vient à s'interroger sur le sens des activités habituelles du lieu, les employés si minutieusement racontés au départ se mettent à ressembler à des pantins qui s'agitent un peu sans raison. Au final, on ne sait rien d'eux, de ce qu'ils pensent, de ce qu'ils vivent par ailleurs, on les voit juste agir, d'une façon particulière dans un contexte particulier, qui en vient, devant la distorsion introduite par Batleby, à apparaître vidé de sens. le cabinet juridique, qui semble un cadre par définition sérieux et austère, devient un lieu absurde. L'aspect burlesque (et très drôle) des descriptions premières y participe : au final tout cela est-il vraiment nécessaire, et ne serait pas une sorte de farce grotesque que la société et les individus qui la composent jouent ? Est-ce Bartleby qui est fou ou plutôt la société et Wall Street en particulier ? Tant qu'un consensus existe, il est possible de considérer que l'étude juridique est un lieu solide et nécessaire, en passant sur les bizarreries des individus, mais une fois que le doute sur la légitimité de l'endroit et de son fonctionnement est introduit, la question du dérèglement qu'il produit sur les individus est posée. La seule solution que trouve le narrateur est la fuite, preuve que les questionnements posés sont fondamentaux et lancinants.

Texte à la fois très drôle et très riche, malgré sa relative brièveté, Bartleby le scribe est rentrée à juste titre parmi les classiques de la littérature américaine du XIXe siècle.
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