J'ai acheté ce livre parce que j'avais adoré le précédent , “
la deuxième Femme “ , petit bijou de roman sur les mécanismes d'emprise et de soumission exercés par un homme toxique sur sa compagne. “
Petite sale “, promettait de rester un peu dans la même veine. Catherine, la “
petite sale” en question, est une jeune fille pauvre de 19 ans, timide, n'osant à peine parler, le regard constamment rivé sur ses chaussures, inexistante au regard des autres. Elle est employée, exploitée plutôt, corvéable à merci, par le riche propriétaire terrien du coin. Je m'attendais donc, inconsciemment ou pas, à une filiation directe avec l'opus précédent, tant au niveau du contenu que du style.
Et bien, pas du tout, en fait. J'avoue avoir été un peu décontenancé, au fur et à mesure de la progression du récit. La narration, du point de vue de Catherine est très rapidement abandonnée au profit d'un jeune policier parisien, accompagné de son supérieur plus âgé, venus enquêter sur la disparition de la petite fille du magnat local. Ces deux personnages de flics sont très attachants. L'un, très humain, mais blasé et revenu de tout. L'autre, la justice et l'empathie chevillées au corps.
Nous sommes en 1969, en hiver, dans une campagne perdue, à même pas 100 kilomètres de Paris. Les 2 policiers ont pourtant l'impression d'avoir changé de monde. Ciel gris permanent, froid qui glace les os, boue, neige, et silence. L'autrice a adapté, sûrement pour mieux coller à l'ambiance et à l'époque, un rythme narratif très lent, voire un peu contemplatif. On est très loins de la tension extrême qui habitait “
la deuxième femme” , et des thrillers actuels. Plutôt dans un policier père peinard à l'ancienne, avec enquête qui progresse au rythme d'un sénateur arthritique. D'ailleurs, d'enquête, il n'y aura quasiment pas, les policiers et gendarmes seront continuellement dépassés par les journalistes, plus doués pour tirer les vers du nez des autochtones plutôt taiseux. En fait, il sera beaucoup question des états d'âme du jeune flic.
Et aussi des rapports et mépris de classe via la figure de l'empereur de la betterave, abject salopard, qui aurait sans doute pu être plus nuancée. Et surtout, en filigrane, se dessine une étude de la place de la femme dans la société à cette époque. Et là, évidemment, on est encore dans le patriarcat absolu, à des années lumières de me#too et autres. J'ai apprécié ce livre aussi pour son immersion dans les années 60 finissantes. Ah, l'odeur du skaï des sièges de la Renault 4L et du percolateur au petit matin dans le bistrot du village, le journal que l'on consulte en mangeant son croissant, etc…
Finalement, j'ai trouvé courageux le parti pris de
Louise Mey de ne pas avoir fait une resucée de son roman précédent. Ceux qui ne jurent que par les thrillers avec rebondissements tous les chapitres peuvent passer leur chemin. J'ai aimé l'observation subtile et juste de la condition féminine de l'époque et l'épilogue, en forme de pied de nez à la masculinité toxique et au mépris social, est un symbole des futures luttes à venir. Mais, bémol tout de même, j'ai ressenti des longueurs, notamment lors des apitoiements du jeune flic, franchement redondants, qui viennent un peu plomber le propos et le rythme. Maintenant, malgré ces défauts, je recommande ce livre, surtout aux plus jeunes lecteurs, pour découvrir une époque qu'ils n'ont pas connue, et pour mesurer les progrès, certes insuffisants et timides, qui ont été faits en matière de droits des femmes.