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sur 459 notes
Un des genres de musique les plus jusqu'au-boutistes se nomme le lowercase. Il s'agit d'un dérivé de l'ambient discret, minimaliste, au volume bas, parfois presque inaudible ; la musique qui se rapproche le plus du silence. Là encore, il en existe différents niveaux : Tetsuo Inoue est nettement plus accessible et mélodique que Bernard Günther, la palme revenant quand même à celui qui a enregistré tout un album juste avec des bruits de pliage d'origami.
Il s'agit d'une musique à laquelle il est difficile d'adhérer, mais dont il existe des portes d'entrée, et où il est possible d'éprouver du plaisir tant physique qu'intellectuel. Il est possible de l'analyser, de voir pourquoi tel élément a été mis ici plutôt que tel autre derrière cette apparence dépouillée, d'avoir de longues discussions intellectuelles dessus. Mais le piège est alors de se tourner vers des artistes de plus en plus hermétiques et ne plus se soucier de ce qui est beau ou universel.
Tout ça pour vous dire que c'est l'effet que m'a fait "Villa triste" de Patrick Modiano : une plume extrêmement minimaliste, passant inaperçue, au point qu'il serait facile de dire que le style est inexistant. Ce serait totalement stupide de ma part (Modiano est un des auteurs contemporains auxquels on consacre le plus de thèses), mais on en aboutit à tout ce que je fuis dans la littérature blanche, à savoir un roman sans action, sans divertissement, sans attachement aux personnages ni grand questionnement sur la société — quelque chose de peut-être bien plus déconnecté du réel que la trilogie de high fantasy à quatre sous.
Elles sont ainsi bien longues, ces 200 pages où le comte Victor Chmara se fraie un chemin dans la bourgeoisie alpine, sur fond d'une vague intrigue dans le monde du cinéma. À un moment, il nous annonce que la Suisse n'existe pas ; pourquoi ? comment le développe-t-il ? On saura seulement qu'il a tenté de rentrer dans ce pays, de saisir... quoi exactement ? son esprit ? (encore une fois, c'est vague), sans jamais y parvenir, mais mon esprit trop rationnel me souffle déjà que ce n'est pas parce qu'une chose est inaccessible qu'elle n'existe pas (et pour une fois, mon esprit croyant est d'accord aussi, puisqu'on pourrait citer Dieu comme exemple). Et quand l'auteur pourrait justement partir dans le domaine de l'irrationnel avec "Ce bleu velouté avait un pouvoir hypnotique puisque j'ai failli m'endormir, en le fixant", il utilise le connecteur logique "puisque", comme s'il y avait une relation de cause à effet, bref quelque chose de mécanique. À un autre moment, c'est tout un programme de cinéma qui nous est retranscrit tel quel, quasiment sans commentaire et sans incidence sur le reste du récit. Seuls les tout derniers paragraphes ont déclenché quelques émotions en moi, de par leur symbolique bien plus marquée que le reste du roman.
Il ne se passe rien sur la forme, mais il se passe des choses sur le fond, me diriez-vous ? Même pas. Pour reprendre les mots d'une camarade de fac qui m'avaient bien fait rire alors que je lui faisais part de mon incompréhension pour l'engouement autour de ce roman, c'est "une histoire de bourgeois en villégiature luxueuse pendant que le monde extérieur se déchire dans des conflits indépendantistes". Les personnages sont tous des riches qui se regardent le nombril avec leurs petites querelles d'égos, n'ayant même pas l'amabilité de s'envoyer de petites piques féroces au cours d'un dialogue subtil pour réveiller la curiosité du lecteur (on passe d'un langage châtié à "SA-LO-PE !") ; je ne demande pas non plus une grande fresque sur la lutte des classes, mais leur mode de vie aurait mérité d'être remis en question.
Bref, je ne remets pas en cause le talent de Modiano et je n'aurais aucune légitimité pour le faire, mais il s'agit clairement du type de littérature auquel je suis le plus insensible. Dans "L'emploi du temps", au moins, il y avait un aspect ludique, derrière la dépression spongieuse d'un héros insupportable et ses phrases à rallonge qu'on finissait très vite par lire en diagonale ; ici, il n'y a rien qu'une écriture quasi-blanche, dont la subtilité est si microscopique que seuls les gens de la haute société peuvent se vanter de la déceler. J'ai toujours préféré le baroque au minimal art, le romantisme au naturalisme, la fresque épique au Nouveau Roman. "Villa triste" est passé entre les deux oreilles du bourrin que je suis, et j'en ai déjà oublié les trois quarts ; ça tombe bien, c'est un roman sur la perte des souvenirs.
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Villa triste
Patrick Modiano


Le 9 octobre 2014, l'oeuvre de Patrick Modiaon est couronnée par le prix Nobel de littérature pour « l'art de la mémoire avec lequel il a évoqué les destinées humaines les plus insaisissables et dévoilé le monde de l'Occupation », comme l'expliquent l'Académie.
Villa Triste est son quatrième roman publié en 1975.
Tout au long du récit sévit une ambiance insoucieuse ; feutrée d'une communauté dans une petite ville au bord d'un lac près de la suisse. Cette communauté retrace approximativement la bourgeoise française des années 60 sur un fond de vacances éternelles (les années yéyé ; la fin progressive du colonialisme ; la revendication publique des penchants homosexuels ; le rêve américain ; le cinéma …)
Les principaux protagonistes se côtoient sans se connaitre, ils cherchent à se connaitre mais se trouvent comme face à des fantômes ; ils dépensent leurs temps et leurs imaginations à pourchasser leurs passés respectifs mais ceux-là se dérobent devant eux.
C'est un roman des impressions ; des arrêts sur images ; des non-dits ; des chimères. On évolue dans la lecture à travers la brume ; de quoi Victor avait peur ? quelle la part du passé dans la vie d'yvonnes ? quelle sont les activités secrétes de Rene ?
A travers ces personnages Modiano pratique avec abondance ses propres quêtes de l'histoire ; des histoires ; des personnages. A plus d'un passage le lecteur retrouve sa manie de cartographier les villes (Paris surtout) à travers les noms de rues ; de cafés ; de faubourgs. Si ce n'est pas les rues ce sont les bottins (le personnage principal trimbale en malle entière remplie de bottins)
Le lecteur tombe nez à nez sur :
• Un programme de cinéma d'époque
• Un annuaire de cinéma avec les adresses des acteurs et des techniciens
• Une liste des noms des sociétés cosmopolites des ports francs et des comptoirs d'outre-mer
• Des termes typiques d'époques « démarrer sur les chapeaux de roues » « demander à brûle-pourpoint »
« Il y a des êtres mystérieux – toujours les mêmes – qui se tiennent en sentinelles à chaque carrefour de votre vie »
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L'histoire se déroule le temps d'un été, dans une ville de villégiature, au bord d'un lac en Haute Savoie. le narrateur avait notre âge. Douze ans après, il revient sur les lieux, marche à reculons, à l'aveugle, et tente de faire resurgir ce qu'il a oublié. Elle s'appelait Yvonne, (c'est si facile d'oublier l'état civil des gens qui ont le plus comptés), elle lui avait souri et il avait décidé que ce jour était le plus beau de sa vie, elle était actrice, un peu plus âgée que lui, toujours accompagnée par son ami d'enfance. de chambres d'hôtels aux salons des villas, des longues avenues aux rues tortueuses, qui mentait à qui ? Yvonne avait un accent mais d'où ? Les identités sont troubles, les existences auréolées de mystère. le narrateur déambule comme dans un rêve, évitant les gestes trop brusques et les questions précises, pour ne pas se réveiller. Les noms et les lieux égrenés, sont des repères rassurants même si fantomatiques. Comme les parfums, celui du jasmin, ou des images devenues floues qui redeviennent nettes un instant. Des cheveux auburn, une robe verte et une écharpe qui vole.
Comme eux, nous n'aurions jamais dû nous séparer, une autre vie aurait pu commencer. Ces moments sont fixés et liés inexorablement aux pages de « Villa triste »: « Je me dis qu'elle vivait ce moment de la jeunesse où tout va bientôt basculer, où il va être un peu trop tard pour tout. le bateau reste à quai, il suffit de traverser la passerelle, il reste quelques minutes… Une douce ankylose vous prend. »
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Patrick Modiano est un cas. Prix Nobel de littérature en 2014, il est cité par nombre d'écrivains, de comédiens, de lecteurs comme une référence absolue. Il est ainsi un des grands auteurs français contemporains. Il vient de publier deux nouveaux ouvrages : un roman et une pièce de théâtre. Cela m'a donné envie de (re)découvrir son travail, que je n'avais fréquenté qu'une seule fois il y a au moins quinze ans. C'était avec Rue des boutiques obscures, livre qui lui avait valu le Goncourt à la fin des années 70. J'en gardais le souvenir de quelque chose de flou, d'éthéré, de mystérieux, comme nimbé d'un voile. Et bien quinze ans plus tard, Villa Triste m'a fait exactement le même effet!



Victor Chmara ou plutôt l'homme qui se fait appelé Victor Chmara – c'est un faux nom – revient dix ans après l'avoir quittée dans une ville thermale proche de la frontière suisse dont le nom commence par A ( Annecy ? nous ne le saurons jamais, pas plus que le vrai nom du héros). Il avait au moment de son départ dix huit ans et fuyait – probablement, mais ce n'est pas sûr – la conscription pour la guerre d'Algérie. Pourquoi est-il revenu? Nous ne le saurons pas non plus. Enfin si, peut-être suite à la lecture d'un article dans un journal relatant un suicide. Mais ce n'est pas sûr. Quoi qu'il en soit, de nouveau à A, il se remémore l'été qu'il y a passé et sa liaison avec Yvonne, jeune actrice en devenir venant de tourner dans un film énigmatique. Yvonne traînait son spleen et son élégance dans un grand hôtel de A. Elle y vivait avec un dogue allemand neurasthénique, une grosse somme d'argent en liquide et fréquentait un jeune médecin homosexuel aux relations douteuses, faisant avec la suisse un commerce sulfureux. Lequel? Nous ne le saurons pas non plus… Ensemble, ils formèrent le temps d'un été un trio complice passant de soirée chics et étranges en concours d'élégance, de promenades en bateau en moments d'ennui, cloîtrés dans la “villa triste” du médecin homosexuel où ils atterrissaient régulièrement et qui donne son nom à l'ouvrage….



Modiano choisit de raconter une parenthèse dans une vie. Un moment de respiration entre deux périodes, comme une halte. Mais le héros ne sait plus trop avec précision comment était cette halte. Tous ses souvenirs sont imprécis et donc peu sûrs, soumis à caution et les lieux ont tellement changé en dix ans. Pire que cela, le héros lui-même est indéfini. On ne sait pas qui il est. On sait simplement (un peu) pour qui il essayait de se faire passer à l'époque. L'ensemble du roman est à l'avenant: trouble, mystérieux. Cela donne une atmosphère très particulière au récit, qui n'est pas sans charme.



Mais est-ce suffisant? Je comprends que l'on puisse aimer les récits plein de mystères et de non-dits où le lecteur peut s'inventer ce qu'il veut à partir de vagues postulats disposés à droite, à gauche, au fil de la lecture. Il y aurait ainsi presque une enquête à réaliser à partir des quelques éléments tangibles qui jalonnent l'histoire pour reconstituer au plus près la vérité. Mais le problème – à mes yeux – est que rien n'est réellement donné, tout est trop lointain, trop fugace, trop indécis pour véritablement emporter. Pourquoi me soucierai-je de quelqu'un que je ne connais pas, qui vit des choses dont il se rappelle mal avec des gens dont je ne sais rien? La forme est intrigante et originale, mais elle ne me permet pas d'adhérer au récit, de vivre avec le héros des aventures. Pire même, elle ne permet pas de rencontrer de personnage(s).



Avec de tels partis pris, je suis étonné que Modiano fasse à ce point l'unanimité. Son oeuvre propose pourtant une mécanique très particulière et clivante. Reste qu'une véritable musique s'en dégage. C'est peut être déjà beaucoup. A vous de juger.



Tom la Patate
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Victor, un jeune homme en fuite, se réfugie dans une ville thermale, à quelques rames de la Suisse. Il y fit la rencontre d'Yvonne et Meinthe, vit une relation avec Yvonne et se laisse mener par ces deux personnages, entourés de gens excentriques.
Plus de 12 ans plus tard, il recroise un Meinthe vieillissant et se souvient de cette période de refuge auprès d'Yvonne dans cette ‘Villa triste'. Ce vieux Meinthe le guide à travers les rues d'aujourd'hui dans la brume de la nostalgie.
Comme toujours, Modiano nous emmène dans sa nostalgie de son enfance, des années 60, de ce qui a été et ne sera plus. Il mélange le présent au passé, dans style très épuré.

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Je me suis un peu ennuyée, surtout dans les détails des rues, on dirait un itinéraire Michelin, et en même temps je suis restée sur ma faim. Un roman qui me laisse perplexe.
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Je n'avais jamais lu de Modiano. Voilà c'est fait ! J'ai lu exactement ce à quoi je m'attendais : un style fluide, une atmosphère éthérée, une histoire sur le fil. Pour le reste il ne se passe pas grand chose même si on ne s'ennuie pas. de la littérature intellectuelle de bon aloi…
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Victor Chmara Yvonne Jacquet René Meinthe Daniel Heindrickx Tounette et Jackie Roland-Michel....personnages dont on tente de deviner l'avant et dont on ne connaîtra pas l'après...c'est à une subtile et belle quête d'identité, où les lieux sont pratiquement les seuls indices, que Modiano nous convie. Quelques esquisses et pourtant ils vont accompagner longtemps, à jamais, le lecteur. Magnifique tout simplement.
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C'est beau, c'est bien écrit, finement observé. En revanche, il ne se passe rien. le seul mouvement est le va et vient entre le narrateur et ses souvenirs. Je m'en suis vite lassé.

Alors, oui, je veux bien croire que la mémoire est une matière inépuisable pour trouver du contenu, recyclable à l'infini... Et qu'il ne faut pas ménager ses efforts pour déchirer son voile.

Mais, comme lecteur je n'ai pas trouvé de wagon pour me raccrocher. Les personnages sont plats, sans relief, sans psychologie, médiocres et l'assument. L'intrigue brille par son absence.
Heureusement que "la reine des belges" arrive parfois à nous secouer de cette inertie.
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