On voudrait croire au
paradis....sur terre. Et puis l'enfer...pour personne.
Beloved, bien aimée.
Toni Morrison a ouvert les entrailles du monde, elle nous les a écrites.
A nous de trouver le courage de les lire.
«
L'oeil le plus bleu »... «
Home ». Et puis
Beloved. Bien aimée,
Beloved, l'enfant sans nom, le nom de tous et de personne.
On tue d'amour, comme on peut en mourir parfois.
Enfer,...
paradis, entre les deux ? de la terre, toute la terre dans le creux de nos mains.
On ne tue jamais par amour, mais de la haine, celle que l'autre vous a infligé.
Sethe n'est pas Médée. Sethe ne tue pas par dépit, par vengeance, elle ne détruit pas, elle ne sacrifie rien. Elle choisit. Elle choisit de sauver ses enfants. de la seule façon qu'il lui reste. Avec sa raison, avec son instinct, elle porte la main sur ses enfants pour crier le Non le plus irrémédiable qui soit. L'enfer pour personne.
Beloved. Qu'ils meurent plutôt qu'ils ne respirent en enfer. Parce que l'enfer la fait naître, elle l'a traversé, elle en revient, elle s'en est échappé. Alors : Non. Ils ne prendront pas ses enfants. Elle garde ce qu'elle a de plus cher, de plus précieux. Elle garde ses enfants. Ceux qui sont déjà sur terre, de sa propre main elle décide de les délivrer. Ils ne sont pas des bêtes, des animaux, de la chair à coton, ils sont ses enfants. Ils ne seront jamais le bétail du Maître et Maîtresse. Sethe n'est pas Médée. Sethe devient folle à lier, une mère déliée.
Toni Morrison a porté son esprit au delà, au delà de l'infanticide.
Elle nous fait entendre des voix. Profondes, terrifiantes, bouleversantes, puissantes, sublimes, terriblement humaines.
Elle n'effleure pas un drame, elle appose ses mains sur le cauchemar pour que nous puissions toucher la profondeur de l'Enfer. Elle fait remonter le fantôme du traumatisme des abîmes pour que nous puissions voir le vrai visage des crimes.
Pourrons nous comprendre ? Comprendre totalement, véritablement ? Non.
Mais nous pouvons tenter d'imaginer l'horreur du geste.
Pas celui d'une mère qui décapite l'enfant qu'elle a mis au monde, mais celui d'un monde qui a fait naître l'enfer sur la Terre en jetant le
paradis au fond d'un puits.
Astrid Shriqui Garain