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EAN : 9782343091976
286 pages
Editions L'Harmattan (01/06/2016)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Nous croyons savoir que les sexes sont différents. En réalité nous ne le savons pas, nous le croyons. La croyance à la Différence des sexes représente ce « nid de croyances » (Wittgenstein) qui affirme une différence essentielle entre les sexes et leur complémentarité sous laquelle se dissimule tout un ensemble d’inégalités entre les femmes et les hommes. Dieu, la Nature, la Science ont été invoqués par les sociétés pour donner un fondement transcendant et une légit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Demander toujours des preuves, la preuve est la politesse élémentaire qu'on se doit

« Un des plus grands renversements apportés par les recherches féministes ou les « études de genre » a consisté à remettre radicalement en question la croyance construite au XIXe siècle selon laquelle la bicatégorisation sexuée est naturellement fondée sur des différences biologiques qui détermineraient des différences psychologiques et sociales entre les sexes ».

Dans son introduction, Nicole Mosconi insiste, entre autres, sur la réfutation du naturalisme biologisant, la minimisation de l'intelligence de femmes, les inégalités juridiques-sociales-politiques-culturelles, les rapports entre les êtres humains, « c'est dans ces rapports que femmes et hommes se définissent », les peurs de l'« uniformité-indifférenciation », les catégories rigides, les heurts à ce qui est nommé le « savoir commun », la certitude qui ferait que « les hommes et les femmes sont différents » mais qui signifie surtout que « ce sont les femmes qui différent des hommes, sans réciprocité ».

Il faut donc comprendre la « force de la croyance à la Différence des sexes », les résistances aux questionnements et les fortes affectivités engagées, les pratiques qui font vivre les croyances…

Sommaire
Introduction : Croire à la différence des sexes
Chapitre I La force de la croyance à la Différence des sexes
Chapitre II La division par sexe comme croyance collective. Mythe, religion et idéologie
Chapitre III La Différence des sexes comme idéologie scientifique
Chapitre IV Comment apprend-on à croire à la Différence des sexes ? Normes sociales et socialisation
Chapitre V Se déprendre de la croyance à la Différence des sexes
Chapitre VI Parenté, sexualité et croyance à la Différence des sexes
Chapitre VII du politique comme origine de la croyance à la Différence des sexes
Chapitre VIII La critique politique de la Différence des sexes chez les féministes
Chapitre IX La croyance à la Différence des sexes comme illusion.
Conclusion La croyance des sexes comme mythologie

Nicole Mosconi commence par discuter de l'évidence du « les sexes « sont » différents » et de ce que recouvre « la Différence des sexes ». Elle aborde les divisions entre sexes et la hiérarchie qu'elles instituent en même temps entre eux. Et c'est bien cette différenciation hiérarchisée que l'auteure désignera comme « la Différence des sexes ». Différence entre femmes et homme qui serait « pré-sociale », sans histoire, inscrite dans la « nature » éternelle, hors des sociétés humaines et de leurs transformations historiques. Ces différences « naturelles » engendreraient des ordres sociaux entre sexes, un « ordre sexué », accompagné d'inégalités pensées hors de la sphère politique du pouvoir et des inégalités du pouvoir, « Il y aurait un déterminisme naturel du biologique sur le psychologique et le social ». de plus, les inégalités sont souvent niées au nom de « différences inévitables »…

Institution imaginaire, construction d'une norme organisatrice d'un rapport de pouvoir, bref une croyance… Nicole Mosconi interroge la « croyance », la polysémie du terme, les aspects subjectif et objectif, « on ne dit pas que l'on croit, on est réaliste et convaincu de dire les choses telles qu'elles sont », les rapports entre science et opinion, la non différence faite par les croyant-e-s entre « croire et savoir », l'énigme du « tenir-pour-vrai ». Elle développe des analyses de Ludwig Wittgenstein sur la « certitude », le « croire et connaître ». J'ai été séduit par cette approche, mais ne connaissant pas les textes de cet auteur, je ne saurais en discuter les analyses.

Quoiqu'il en soit, l'auteure traite de la science, de la différence entre « je sais » et « je crois », de la question « du vrai et du faux », des preuves et des domaines de la croyance où l'idée même de preuve semble inutile. Il ne s'agit pas de survaloriser les sciences dont les apports sont susceptibles d'être revus-modifiés-remis en cause, mais de montrer que les croyances ne relèvent pas du domaine de l'établissement historique de savoirs.

Les croyances forment système, « image du monde » ou « forme de vie ». Reste que ces systèmes ne sont pas sans contradiction, d'autant que chacun-e aménage et réaménage ses relations aux croyances – ce qui permet par ailleurs de les penser – en fonction de « ses besoins ». Mais « la Différence des sexes » résiste comme un ancrage solide, « Toute mise en doute de cette croyance risque d'apparaitre comme un bouleversement fondamental et inquiétant ». Et les réactionnaires de tout genre n'hésitent ni à descendre dans la rue pour exiger que leurs croyances fassent force de loi pour toutes et tous, ni à se battre contre l'autonomie pleine et entière des femmes au nom de la défense de la famille, de la complémentarité des sexes ou des assignations procréatives des femmes.

L'auteure insiste sur les changements au cours de l'histoire, les variations suivant les groupes sociaux, la « prégnance des déterminations sociales et culturelles », les transformations de connaissances scientifiques depuis l'entrée massive de femmes dans les recherches, la production masculiniste des hommes, la notion d'erreur qui ne peut exister qu'en référence à un certain savoir, le point de vue situé – et les intérêts particuliers – omis par les chercheurs, les « noeuds » de croyances et de pratiques…

Nicole Mosconi aborde, entre autres, « cette relation arbitraire que la pensée commune établit entre le biologique et le social », la différenciation dichotomique et hiérachisante des individu-e-s, le symbolique des réalités sociales, l'arbitraire du genre grammatical, le féminin et le masculin comme un non préexistant aux rapports sociaux, les cohérences et les conflits internes aux rapports sociaux, l'asymétrie « entre les dominants et dominés », les mythes dans la production sociale, le mythe que « l'ordre sexué est un ordre indépendant de la volonté des individus, voir des groupes, sur lequel ni les femmes ni les hommes ne peuvent rien et auquel elles et ils doivent se soumettre »…

J'ai notamment apprécié les analyses sur la substitution de la nature à dieu, la naturalisation de la division des sexes, la légitimation de la domination et son réaménagement depuis le XVIIIème siècle.

L'auteure analyse « la Différence des sexes » comme idéologie scientifique, le mouvement de biologisation de la pensée, les tentations de rechercher une « Loi » dans une « transcendance ». Elle rappelle que le social ne peut s'expliquer que par le social, que « les faits biologiques » ne peuvent être « soustraits à l'historicité et à l'instabilité des rapports humains ». Elle souligne aussi le « caractère provisoire et rectifiable » de la « vérité scientifique ».

Nicole Mosconi discute des normes sociales et des processus de socialisation, « socialisation sexuée et sexuelle », des inscriptions dans le droit, « pour avoir une existence sociale et civique, il faut avoir un des deux sexes et un seul », de la dichotomie sexuée en regard de possible exercice indifférenciée des diverses activités sociales, de la base pratique de la division-différenciation-hiérarchie, des institutions éducatives, et des « cirruculum caché », des sentiments de moindre compétence et dévaluation de l'estime de soi, des dessins du possible et des impossibles, de la non discussion des réalités de l'ordre sexué, de division socio-sexuée des savoirs et des formations, de l'apprentissage de « la Différence des sexes », des rôles esthétiques, des usages différenciés du temps, des occupations de l'espace extérieur par les garçons, du désir masculin s'adressant de manière prévalente au corps sexué des femmes, du double standard en matière de sexualité, de la culture viriliste… « la Différence des sexes » est donc un fait social total.

Si croyance il y a, il convient de construire les conditions pour se dépendre de cette croyance.

L'auteure reprend le cours des constructions, la constatation de la différence entre porteurs/porteuses de pénis ou de vulve, la sexuation des corps et celle des individu-e-s, les différenciations et les hiérarchisations socio-historiques produites, le passage d'organes dits génitaux à « la Différence des sexes »…

Il convient d'examiner « ce qui ne suppose pas d'examen », la différenciation sociale, les rapports sociaux de sexe / système de genre, d'aller au delà du principe politico-juridique de l'égalité conjugué au maintien d'un ordre sexué profondément inégalitaire. Ce qui doit être discuté est bien l'« inégalité, radicale, structurelle, entre les femmes et les hommes ». Point de vue scientifique, point de vue politique, « Ainsi, le mouvement féministe apparaît à la fois et indissolublement comme une contestation et une volonté de transformation pratiques de l'ordre sexué et comme une pensée théorique, critique, qui met au jour les contradictions économiques, politiques et culturelles de l'ordre social et sexué actuel tel qu'il se dissimule sous la croyance en la Différence des sexes ». Regarder du coté de la complexité et refuser les réductions simplificatrices, ne pas désigner le tout par une partie, prendre en compte le développement après la naissance des êtres humains fortement dépendant des relations sociales concrètes, « nos conduites échappent au déterminisme biologique et en particulier au déterminisme de sexe », ne pas passer sans réfléchir de femelle/mâle à femme/homme ou féminin/masculin, sans oublier que sur les questions de droit « la biologie n'a rien à dire ».

Pour légitimer le pouvoir que les hommes, en tant que groupe social et individuellement, exercent sur les femmes, en tant que groupe social et individuellement, l'« évidence » non questionnée est une force matérielle considérable.

L'auteure aborde aussi la linguistique, « la matérialité linguistiques des marques discursives », les règles grammaticales invisibilisant les femmes, la règle oubliée de proximité, les dérives sémantiques, les agencements syntaxiques et pragmatiques, les langages sexistes dans les sciences humaines, la représentation idéologique des femmes en tant que femelles et des hommes en tant qu'humains, les conventions juridiques et sociales, l'absence de référents humains féminins par rapport aux référents humains masculins…

Je souligne aussi les pages sur la violence exercée contre les femmes et son euphémisation, la parenté – « la parenté peut-elle se fonder sur la génétique ? » -, la naturalisation de la sexualité et de la maternité, l'ethnocentrisme et l'andocentrisme dans l'anthropologie, l'absence pour les femmes des pleins droits « sur elle-même », l'idéologie de la complémentarité des sexes, « La complémentarité crée une apparence d'égalité et permet ainsi de masquer l'inégalité réelle et surtout l'injustice », l'hétéro-normativité, le refus de considérer les luttes des femmes comme des luttes politiques, le contrat social arrêté à la porte de la « sphère domestique », les inconséquences des théories du « droit naturel », le lien intrinsèque « entre l'affirmation politique de l'individu indépendant et l'affirmation de sa domination domestique », le modèle « libéral » de la famille, la révolution française et l'incapacité civile des femmes, la naissance comme privilège, la fiction de l'universel, la division sexuée du travail et « la division des sphères public-privé ne sera pas reconnue pour ce qu'elle est », les luttes féministes, « le personnel est politique », l'imbrication des rapports sociaux et des dominations, les normes sociales et les normes psychiques, la non distinction entre le sexuel et le sexué, l'identité « plutôt que de se définir, « se fait » »

De ce riche ensemble, j'ai mis l'accent subjectivement sur certaines analyses et certains développements. Certains points ou quelques articulations me semblent discutables. La croyance en « la Différence des sexes », comme toutes les croyances qui « innervent » l'organisation politique des sociétés, à bien une histoire. Elle participe à la légitimation de rapports de pouvoirs qui sont sociaux et politiques. La définition du sexe est à la fois dépolitisée et des-historicisée. « la Différence des sexes » participe pleinement à rendre invisible les rapports inégaux entre les sexes… L'égalité dans la différence ou l'égalité des chances ne sont pas l'égalité. A celles et ceux qui ne sont reconnu-e-s que comme appartenant à « leur groupe » est dénié la pleine appartenance à l'humanité et leur singularité individuelle, comme l'écrit si bien l'auteure.
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Un des plus grands renversements apportés par les recherches féministes ou les « études de genre » a consisté à remettre radicalement en question la croyance construite au XIXe siècle selon laquelle la bicatégorisation sexuée est naturellement fondée sur des différences biologiques qui détermineraient des différences psychologiques et sociales entre les sexes
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Ainsi, le mouvement féministe apparaît à la fois et indissolublement comme une contestation et une volonté de transformation pratiques de l’ordre sexué et comme une pensée théorique, critique, qui met au jour les contradictions économiques, politiques et culturelles de l’ordre social et sexué actuel tel qu’il se dissimule sous la croyance en la Différence des sexes
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La complémentarité crée une apparence d’égalité et permet ainsi de masquer l’inégalité réelle et surtout l’injustice
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on ne dit pas que l’on croit, on est réaliste et convaincu de dire les choses telles qu’elles sont
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cette relation arbitraire que la pensée commune établit entre le biologique et le social
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