CRITIQUES PARUES SUR BABELIO
Les Braises, par
Sandor Marai. Auteur hongrois du XXe siècle,
Sandor Marai est souvent comparé à
Stephan Zweig, dont il se rapproche effectivement par la clarté, la concision du style et le goût pour l'analyse psychologique des personnages et des situations. Cela frappe très vite à la lecture de ce livre, mais on finit par adopter l'écriture de cet auteur en oubliant les références à d'autres. Peut-être est-ce Vienne qui agit similairement sur ces écrivains et sujets de l'Empire Austro-Hongrois !
Les Braises est un ouvrage à thèmes, le premier étant un éloge marqué de l'amitié masculine, parfois un peu daté (ce n'est pas la concordance des goûts, ni la sympathie), parfois d'une étonnante modernité (une manifestation d'Éros, un dérivé de l'amour, une sorte de passion, un service, n'exigeant aucune réciprocité et excluant la vanité et l'égoïsme).
Henri et Conrad sont donc des amis d'enfance, d'adolescence, de jeunesse, tous deux militaires, mais différents (et la notion de différence sera disséquée, sans grand intérêt d'ailleurs. Henri est un vrai militaire, sociable et riche, Conrad n'a pas la fibre, c'est plutôt un artiste, musicien solitaire, et pauvre. Il y aurait déjà de quoi les opposer, la différence invisible entre eux au début, prenant de la consistance jusqu'à devenir une barrière . Et si survient en plus une femme, belle et intelligente.… Elle aimera l'un et épousera l'autre, dans une opposition entre confort et passion. La haine et le désir de meurtre ne sont pas loin. La vengeance non plus.
La "fuite" de Conrad éloigne les deux amis pendant quarante et un ans. Leur retrouvaille est le sujet du roman et devient un dialogue entre deux vieillards, ou plutôt un monologue, celui d'Henri qui nous amène, en s'attardant parfois longuement sur des sentiments, des descriptions, des situations, à la vérité. On ne la dira pas. On notera qu'elle est amenée avec intelligence, qu'elle ne se laisse pas trop vite deviner, même si elle peut sembler disproportionnée au vu de son contexte. Quelques questions restent sans réponses exprimées, mais on comble sans difficulté ces lacunes.
Au final, un huis clos réjouissant. Une approche délicate des sentiments humains que sont l'amour et la haine, antagoniques et si proches, ou le reproche et le ressentiment. Une exploration fine des ressources et des failles des êtres. Enfin une construction du récit ménageant un certain mystère et une progression entremêlée des questionnements et des existences de ces deux amis.