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Lire bien sûr! Mais relire? Alors que chaque année littéraire nous propose mille ouvrages de plus, et qu'ainsi se creuse le fossé des possibles. Et pourtant, la nouveauté n'est pas le garant de de la félicité attendue. le bouche-à-oreilles non plus. Alors se replonger dans un récit qui vous a enchanté jadis ou naguère, ou tenter une fois de plus de vaincre les obstacles qui rendent une lecture absconse, malgré les dithyrambes d'admirateurs inconditionnels?

C'est cette démarche qu'a voulu étudier Laure Murat. de façon méthodique, avec un questionnaire adressé à des spécialistes des mots écrits, qu'ils soient éditeurs, comédiens, écrivains ou universitaires.

Que relisez-vous? 'que relisiez vous lorsque vous étiez enfant? Quid de Proust ? (qui fait partie de ces classiques qu'on n'avoue jamais lire, mais toujours relire). Quel est le but de parcourir à nouveau les lignes déjà connues? Quel livre a pu vous décevoir après avoir été culte quinze ou vingt ans plutôt? Et réciproquement.

Ce sont toutes ces questions et bien d'autres encore qui sont soumises aux quelques dizaines de lecteurs triés sur le volet.

Et c'est intéressant, par le jeu des différences et ressemblances exposées. L'on se retrouve ou non en tant que re-lecteur, dans ces témoignages.

C'est aussi remarquable que les mêmes livres d'enfance puis les mêmes classiques soient cités. il est vrai que pour les lectures d'enfance, le marché offrait peu de choix : on a tous lu la comtesse de Ségur et les ancêtres du polar dans la bibliothèque verte. C'est à l'adolescence que se crée la frontière et que se dessine le profil du futur gros lecteur.

Un essai réussi sur cette passion solitaire qui ne demande qu'à être partagée. A lire (et relire?)
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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"Patrick Chamoiseau

Relire c'est l'âme du lire, son accomplissement. "(p. 139)

Si on m'avait dit que je me plongerai avec délice dans cet essai sur la relecture, j'aurais "ricané"... tant l'idée de la relecture durant des années a été dans ma tête un gâchis de temps...tant de livres nouveaux et classiques non lus... m'attendaient !

Il aura fallu un einième déménagement... des bouleversements de vie... et puis mon inscription pour Babelio... qui m'ont franchement incitée à "reparcourir" ou "relire" les textes qui étaient fortement restés dans mon souvenir, et que j'avais envie de partager ou de faire découvrir ....

Et devinez !! eh bien j'y ai trouvé de nouvelles saveurs et parfois j'ai re-découvert véritablement le texte, l'ayant lu trop superficiellement, ou dans une disponibilité médiocre,
sans oublier les changements , les évolution de pensée de tout un chacun.

Une première partie d'analyse sur la relecture, et la présentation des auteurs les plus relus... s'ensuit la partie la plus conséquente et la plus vivante du livre qui présente les réponses de dizaine d'auteurs à cette enquête sur la "relecture"...

Parmi ceux-ci: - Marianne Alphant , Christine Angot, Stéphane Audeguy, Patrick Chamoiseau, Eric Chevillard, julia Deck, Agnès Desarthe, Jean Echenoz, Annie Ernaux, Philippe Forest,
Cécile Guilbert, Bernard Hoepffner, Luc Lang, Linda Lê, Céline Minard, Dominique Noguez, Olivier Rolin, Thiphaine Samoyault, Philippe Sollers, Cécile Wajsbrot.

Un ouvrage épatant que l'on peut lire d'une traite, ou piocher selon l'envie, l'humeur et l'attirance du jour... et ne vous affolez pas. Votre PAL augmentera inévitablement !!!
Par contre, parmi les incontournables des relus et relus..il y a "La recherche"..... et j'avoue humblement ...que ce monument de la littérature... me reste à découvrir...
J'ai un mal fou à comprendre mes "résistances"...J'espère , un jour, parvenir à les dépasser... Mais d'autres oeuvres m'attendent, comme celle de Faulkner... jamais
abordée !

Par contre un petit mouvement d'humeur de ne pas voir cité Albert Camus !!!(ou trop peu; 3 malheureuses fois) un cruel manque, à mes yeux ! Cela n'enlève rien à la qualité de cette enquête ...

"Montrez-moi votre bibliothèque, et je vous dirai qui vous êtes. Dites-moi ce que vous relisez, et je recueillerai vos secrets" (p. 274)

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Ce livre est-il indispensable ?
Le bandeau est accrocheur : « Pourquoi garde-t-on ses livres, sinon pour les relire un jour ». Entre nous, je vois bien d'autre raisons : pour les prêter à ses amis, parce qu'une bibliothèque bien remplie, c'est beau, ça réchauffe le coeur, ça réveille des souvenirs, pour faire parler, pour le plaisir de reclasser, etc.
Le sujet est attirant : pourquoi, comment relit-on, et que découvre-t-on en relisant ? La manière, adresser un questionnaire à environ deux cents personnes (ayant à voir avec la littérature) puis exploiter leurs réponses, est à la fois un gros travail et une facilité : beaucoup de rencontres, de dépouillement, de sélection, mais moins de réflexion personnelle. Les deux tiers du livre sont une sélection de réponses, parfois contradictoires, mais dans lesquelles les interrogés, surtout des auteurs, ont fait l'effort d'argumenter, voire de proposer des points de vue inattendus, avec un certain talent d'écriture. Cette partie, intéressante pour la forme travaillée des réponses (un auteur sachant qu'il sera publié soigne sa réputation), m'a toutefois parue un peu longue, répétitive et contradictoire tout à la fois, quoique semée de jolis cailloux colorés (je ne vais pas jusqu'à pépite, mot d'ailleurs galvaudé).
J'ai préféré la partie rédigée par Laure Murat, qui outre les aspects statistiques (pourquoi si peu d'auteures relues?), explique bien les effets spécifiques de la relecture (lisez vous-mêmes). Surtout, son chapitre sur Proust, près de 25% des relectures et un de mes auteurs fétiches, m'a passionné. J'ai lu la Recherche jeune (comme beaucoup des interrogés), dans l'ordre, et ma relecture à l'âge mûr, toujours dans l'ordre, me permet les mêmes découvertes qu'aux autres, même si elle n'avance pas vite. Ce chapitre a excité mes petits neurones de la relecture, qui sont très bien connectés aux neurones du plaisir.

Un point ne ressort pas de cette enquête, et j'ai du mal à le comprendre : quand on a peu de temps devant soi, et même par principe, il me semble que relire un texte court, nouvelle, et surtout poésie s'impose. J'ai relu bien plus de poésie (et parfois même par volumes entiers, ce qui est hors de ce propos) que de n'importe quoi d'autre, et je suis surpris que ce ne soit pas le cas de ces professionnels de la littérature (guère plus de 10% des relectures). Au point que j'aurais envie de proposer là-dessus un sondage sur ce site. Si on arrivait à l'organiser proprement, ce serait une base de données bien plus riche que cette étude.
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Pourquoi relit-on ? Vaste question ! Pour comprendre ce qu'une première lecture ne nous a pas révélé ? Pour apprécier les détails sur lesquels nous sommes passés trop rapidement, trop absorbés par l'intrigue ? Pour se replonger dans une oeuvre que l'on a adorée et que l'on a envie de retrouver ?
Mais dans le fond, lit-on vraiment le même livre quand on le lit à 20 ans puis à 40 ? Franchement, je me garderais bien de relire des oeuvres qui m'ont éblouie quand j'étais gamine ! Je pense par exemple au Grand Meaulnes, à Gatsby le Magnifique…
Parfois, j'ai un peu honte d'être happée par l'envie irrésistible que j'ai de lire toutes les nouveautés qui envahissent les tables des librairies lors des rentrées littéraires. Lire une fois, comme nous le pratiquons très souvent, aurait quelque chose à voir avec la naissance du capitalisme, une espèce d'idéologie de la consommation. Je veux bien le croire mais je ne résiste pas ! Et pourtant j'aimerais tellement relire Proust, Flaubert, Giono… Mais je repousse cela à plus tard ! Je devrais faire comme François Bon : 22h/23h : lectures, 23h/0h30 : relectures ! (ça risque de piquer au réveil le lendemain !!!)
Barthes, plus sage et plus philosophe que moi, disait que « c'est dans le même qu'on trouve le nouveau ». En effet, selon lui, « dans le nouveau, on risque de ne chercher que le même. » Je veux bien le croire ! Selon lui, la vraie lecture est celle qui détruit le suspense. Elle « se passionne pour ce qu'elle sait » et est la seule garantie non seulement d'une grande jouissance mais aussi d'une vraie découverte. Peut-être...
En tout cas, Laure Murat va donc adresser le 11 janvier 2013 à deux cents participants (écrivains, universitaires, éditeurs…) un mail contenant dix questions permettant d'étudier leur rapport à la relecture. Chacun d'eux va s'emparer du sujet à sa manière pour nous révéler, dans le fond, des choses assez intimes… Dis-moi ce que tu relis, je te dirai qui tu es.
Un essai stimulant qui à mon avis dépasse même le sujet de la relecture pour évoquer le rapport à la vie et au temps.
Des textes passionnants ( Chevillard, Audeguy, Angot, Forest, Ernaux, Desarthe, Echenoz…) qui nous conduisent à nous interroger sur nos pratiques et qui nous proposent aussi des références littéraires susceptibles de faire encore grimper votre PAL de quelques centimètres !
Du petit lait cet essai !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Dans cet essai passionnant, Laure Murat analyse le phénomène de la relecture.
Le livre est divisé en deux parties : la première est une synthèse des questionnaires et un décryptage et une analyse des différentes pratiques de relecture, la seconde reprend les questionnaires détaillés de certains écrivains, critiques ou journalistes.
Cette construction implique d'ailleurs un certain nombre de redites, ce qui fait que j'ai trouvé la première partie plus intéressante.
Au départ, j'avais choisi de lire ce livre pour découvrir l'interview d'Annie Ernaux, mais au final ce n'était pas la plus intéressante (ce qui n'enlève rien à mon admiration pour cette auteur). En fait, ce que j'ai surtout aimé dans cet essai, c'est qu'il m'a amenée à m'interroger sur ma propre pratique de la relecture à l'aune des motivations décrites par les différents auteurs.


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Je suis allée faire un tour inopiné à la bibliothèque et j'ai trouvé ce livre sur le présentoir des nouveautés. C'est surtout l'accroche qui m'a convaincue : " Pourquoi garde-t-on ses livres, sinon pour les relire un jour?"

Cet essai est basé sur une enquête auprès de 200 personnes (écrivains et gens du livre pour la majorité) sur la relecture.

Dans la première partie intitulée "La relecture en question" l'auteure analyse les résultats de l'enquête (données chiffrées).

La deuxième partie, beaucoup plus intéressante, nous offre le "témoignage" de 20 auteurs (j'en connais un ou deux de nom, j'ai lu un livre d'Agnès Desarthe).

C'est un peu difficile de résumer tous les avis en quelques lignes. J'ai bien envie d'aller l'acheter pour le relire ^^ . Ce serait bien pratique d'avoir mon exemplaire, car pas question de faire des petites notes dans les marges dans un livre de la bibliothèque!

J'ai bien aimé ce qu'a écrit Agnès Desarthe : "Quand j'ai terminé un livre qui m'a plu, je n'ose pas en entamer un nouveau, de peur que ce nouveau livre ne pâtisse de mon enthousiasme." C'est souvent le cas, surtout quand j'ai terminé un David Gemmell :-)

Bref, j'ai passé un bon moment de lecture qui m'a donné envie de quelques relectures.

Challenge multi-défis (62)
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"C'est peu dire que ce livre s'inscrit à contre-courant. A l'heure où les réseaux sociaux imposent une vitesse supersonique à nos échanges, de préférence limités à cent quarante caractères, où l'on n'entend que cris et lamentations à propos de la disparition des librairies et de l'érosion du lectorat, un essai sur la relecture, éloge inévitable de la lenteur et hommage à la récidive, passera pour une provocation. Disons plutôt : un défi. Celui d'accéder au noyau dur de la passion littéraire, dont la relecture est à la fois le symbole et la métaphore."

En 2013 Laure Murat envoya un questionnaire sur la relecture à deux cents "grands lecteurs" (écrivains ou gens du livre, français ou francophones). La moitié ont répondu, elle a dépouillé les questionnaires, écrit une intéressante synthèse, et choisi de reproduire les réponses de vingt d'entre eux.

Parmi les auteurs cités comme relus, 93% d'hommes et 7% de femmes. Aucun homme (à une exception près), n'a cité de femmes. 59% des auteurs cités sont francophones et parmi le reste, 45% d'anglophones. Proust arrive largement premier et fait l'objet d'une question particulière, d'ailleurs.

Dans son billet Cuné s'est intéressée plus fortement que moi aux réponses aux questionnaires, assez dissemblables, certaines longues et/ou amusantes, contradictoires entre elles parfois, passionnées pour certaines, assez sèches pour d'autres. Allez voir chez elle pour les passages cités!

Bien évidemment il est difficile de lire ce "relire" sans interroger nos propres pratiques (et j'en ai profité pour ajouter sur mon blog une rubrique "relecture", qui d'ailleurs était en projet). On y trouve pas mal de relectures à l'occasion de lectures communes (pour entraîner une blogueuse rétive ou non), ou du Blogoclub, ou la Chaîne des livres. Mais aussi quelques choix sans pression extérieure aucune. de toute façon, pour relire, il faut déjà que je sache que le plaisir sera là! Quitte à ce qu'il le soit moins que prévu...

"Une bibliothèque, ce serait donc d'abord cela: un réservoir à relectures potentielles. Selon ce principe : je veux pouvoir être sûr, même si l'occasion ne se présentera jamais, de pouvoir un jour accéder à telle oeuvre, dans telle édition annotée, et retrouver l'émotion de ma première lecture."
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Relire est-ce faire une nouvelle lecture ou simplement répéter la lecture précédente s’interroge l’auteur.

« j’ai décidé de relire la Recherche » ou encore « j’ai relu les Rougon-Macquart » ou encore une lectrice qui plonge dans Shakespeare

Laure Murat note avec humour que l’on ne parle que de relecture de GRANDS livres et plus rarement de pécadilles (comme moi)

Son enquête, car enquête il y a, porte donc sur la pratique de la relecture. Elle a adressé à 200 intellectuels français un questionnaire, elle a reçu 100 textes en réponse.

J’aurai bien aimé être interviewé, pourquoi toujours les intellos célèbres ? et jamais nous pauvres lecteurs ? Car pour moi comme pour beaucoup des lecteurs interviewés relire est « une passion littéraire ».

Pourquoi relire demande Laure Murat ? Les réponses vont de l’addiction pure et simple de celle qui relit chaque année les 8 volumes de la Petite maison dans la prairie, à ceux qui relisent pour des raisons professionnelles, ou pour répondre à la demande d’un professeur, c’est ce que martèle Laure Murat à ses étudiants « la relecture (d'un poème, d'un roman, d'un essai, d'une pièce) est essentielle pour se saisir soi-même du sens d'un texte. »

Mais viennent ceux et celles pour qui la relecture est un refuge ou une façon de lire une oeuvre commencée et jamais terminée.( pour moi c’est Ulysse de Joyce...)
Certains redoutent la relecture c’est J Echenoz qui dit qu’il veut « garder intact l'éblouissement de la première lecture.»

Un auteur domine les autres par le nombre de ses relecteurs. Vous ne serez pas étonnés car il était déjà celui qu’on emportait prioritairement sur une île déserte : Il s'agit de Marcel Proust.

J’ai été heureuse de constater que je n’étais pas la seule à aimer relire dans une édition particulière, j’ai beaucoup de mal à relire le Journal d’Anne Franck autrement que dans mon livre de poche portant le n°287 ou Vipère au poing n° 58 ou les Années d’illusion n° 198 ou enfin Le Grand Meaulnes n°1000. Ils sont plus qu’écornés car ils sont passés de mains en mains et de mère en filles.
Dans les livres un peu anciens les plus relus par les lecteurs de Laure Murat sont Montaigne, à moi toute seule j’aurai fait pencher la balance, mais aussi Mme de Lafayette ou les Liaisons dangereuses. Virginia Woolf est en bonne position mais cité essentiellement par des femmes

« Je relis maintenant Don Quichotte [...]. J'en suis ébloui, j'en ai la maladie de l'Espagne. Quel livre! Quel livre! » c’est Flaubert qui le dit dans son journal, du coup le relecteur se sent en bonne compagnie.


Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Laure Murat s'intéresse sur les pratiques et les mécanique de la relecture et invitent des dizaines d'écrivains à parler de leurs expériences personnelles.
De la lecture doudou pour les enfants ou par pénurie de livres, l'adulte relie le plus souvent par fragment.
Nécessité ou jouissance, la relecture est une expérience différente à chaque fois dû à l'évolution du lecteur.
Car très souvent la relecture change le point de vue de la première lecture révélant une vie intime.
Un essai où l'on constate beaucoup de divergences .
Pour ma part je relis rarement devant le foisonnement des auteurs contemporains. Cependant je peux confirmer ce twist dans ma relecture de "L'adieu à la femme sauvage" de George Coulon; de la jeune fille à la femme la lecture a révélé une cassure nette avec l'insouciance.
Un essai peu indispensable sans révélation extraordinaire.
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L'ouvrage de Laure Murat est fait de deux parties distinctes. La première est un essai sur la relecture, où elle a recours aux sciences humaines, à la psychanalyse, à la théorie littéraire, pour rendre compte de ce phénomène. L'étude est très intéressante et instructive. Elle se fonde sur le témoignage de plusieurs dizaines d'écrivains à qui elle a envoyé un questionnaire sur leurs pratiques de relecture. Les réponses détaillées de ces écrivains (mais aussi universitaires et traducteurs) figurent en seconde partie du volume. Cette deuxième moitié est assez pénible à lire, pour des raisons de fond : Laure Murat, décrivant sa méthode, la présente comme "une enquête auprès de grands (re)lecteurs" (pp. 19-20). Quels critères président au choix de ces "grands" relecteurs ? Chacun est introduit par une brève notice qui annonce, sans plus de recul critique, les raisons de sa présence : avoir été lauréat d'un prix littéraire (Angot, Chamoiseau, Echenoz, Ernaut etc), ou avoir au moins publié des livres, ou enseigner à l'université (mais l'érudition s'accompagne toujours d'humour, n'est-ce pas, voir Noguez p. 243). Peut-on espérer de tous ces personnages publics, à qui l'on demande d'écrire sur leur culture personnelle, qu'ils ne feront pas les malins ? Qu'une fois de plus, qu'ils ne joueront pas aux auteurs devant un public ? Est-il innocent de dire qu'on a lu six fois Proust ou Joyce, ou, pour comble de snobisme, "La petite maison dans la prairie" ? A ce titre, la réponse de Sollers, qui avoue n'avoir rien à ajouter sur la question après les quatre tomes définitifs qu'il a écrits et qu'il énumère, a le mérite de la sincère et grossière vanité. Comment faire une enquête auprès de pareils témoins, dont le témoignage biaisé est donné tel quel, charge au lecteur de le décrypter et d'écrire lui-même une troisième partie du livre ? Ainsi, Laure Murat appelle "grands lecteurs" les écrivains à prix, ne s'interroge jamais sur leur représentativité, et ne se demande pas si une enquête sur la relecture gagnerait à se pencher sur les "petits relecteurs". Ainsi Philippe Lejeune, après avoir étudié l'autobiographie en théorie et en profondeur sur de grands textes, a consacré ses efforts et son attention à l'écriture autobiographique non publiée, commune, celle des anonymes. Il sait bien que la partie invisible de la littérature, les lecteurs, est l'essentiel. Laure Murat, qui croit naïvement que les "grands (re)lecteurs" sont ceux que les médias distinguent et encensent, n'a enquêté que sur la relecture à Saint-Germain des Prés. Elle accrédite l'idée que la création littéraire s'adresse à d'autres créateurs, que les écrivains écrivent pour d'autres écrivains (et pour les journalistes qui feront la retape). Nous, lecteurs et relecteurs, nous ne sommes que les témoins muets de ce théâtre, comme d'habitude.
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