El Hadj tue son ami dès les premières pages. Ensuite il va raconter comment il en est venu à ce meurtre.
Né en Afrique, El Hadj a perdu toute sa famille dans un incendie allumé par sa soeur pour se venger de l'excision dont elle a été victime.Devenu chauffeur d'un chef de gang il navigue entre magouilles et arnaques dans les banlieues de la proche couronne parisienne où quelques familles se partagent le marché de la drogue. Entre rivalités et ambitions El Hadj doit régler les ardoises de ses chefs…
Roman nerveux, écrit de courts textes, quelquefois d'une seule phrase, El Hadj raconte la misère quotidienne de types paumés, sans attaches et en marge d'une société où il sont des exclus en même temps que des reclus.
Le narrateur ne se perd pas en descriptions il navigue dans un univers sans repaires comme pour marquer son manque d'attache, d'histoire et de perspectives. Il n'a pas trop le temps de réfléchir : il faut tirer le premier. Question de survie.
El Hadj voudrait quitter la cité avec Julia, s'installer en Espagne et y faire fructifier son pécule. Mais on ne quitte la pas si facilement, on ne rompt pas les ponts sans l'accord des tous puissants.
Le roman, noir à souhait, a toute sa place dans la bibliothèque polar, entre Manchette pour le style épuré et Despentes pour la violence des cités.
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“Le terrain de jeu de mon enfance était un parking ; nos héros, les figures du grand banditisme. On n’avait pas d’alternative. J’entends, on ne connaissait que ça.
Nul n’est bon volontairement.
On devient ce que notre société attend de nous, il y a une prédisposition, une collusion, la génération spontanée n’existe pas.
On avait tendance à se tirer vers le bas.” (p. 70-71)
“Je reposai mon verre. Il n’avait pas besoin de me faire un dessin, je savais ce que cela signifiait. Thierno allait se faire dessouder, ainsi que toute son équipe, moi y compris.” (p. 172)
Vivre à la cité de la Muette, c'est vivre dans un temps qui n'est pas le vôtre, un temps qui ne vous appartient pas; cette proximité, cette promiscuité avec l'Histoire est prégnante.
On est tout le temps confronté au passé, il suffit de traverser la rue pour aller chercher le pain, traverser la rue et revenir dans la cité, pour voir encore et encore ce monument, ce wagon, ce préau, ces bâtiments…Le camp.
Il se dégageait de lui quelque chose de sombre, de malchanceux, il avait tout l'air du pauvre type. Et c'est justement pour ça qu'il était bon dans son domaine.
Il n'y a pas d'escroquerie sans confiance.
Des mots et débat du 10/01/2014 Mamadou Mahmoud N'dongo