J'ai dévoré ce livre que je trouve aussi intéressant dans le fond que dans la forme.
La trame du récit repose sur l'interrogation d'Akhila : que veut-elle faire de sa vie alors qu'elle a atteint quarante-cinq ans ? Ses plus belles années se sont enfuies en se dévouant à sa famille pour la sauver de la pauvreté et de l'indignité. Dès la mort de son père, elle s'est mise à travailler, a pris soin de ses jeunes frères et soeur, a assuré leur éducation, a veillé au confort matériel de tous et accepté de se sacrifier pour assurer l'avenir des siens. En contrepartie, elle a dû renoncer au mariage, travailler avec acharnement et tolérer les jugements peu charitables de sa famille sur son caractère difficile.
Alors, Akhila qui étouffe chaque jour un peu plus, décide de prendre le train pour se rendre au bord de la mer. Elle sait que sa situation lui est devenue intolérable, il lui faut réfléchir pour savoir si elle peut trouver en elle les ressources qui lui permettront de changer de vie. Elle monte dans un
compartiment pour dames où elle va partager la nuit avec cinq autres femmes. Chacune va lui confier l'expérience de sa vie pour l'aider dans sa quête.
Anita Nair fait défiler sous nos yeux la terrible condition des femmes indiennes. Soumises à l'autorité familiale, elles lui échappent pour se placer sous l'autorité d'un mari. Elles sont considérées toute leur vie durant comme des mineures, incapables de savoir ce qui est bon pour elles, et donc incapables de choisir leur propre voie. Qu'elles appartiennent à la caste des brahmanes, à la bourgeoisie des affaires ou à la petite paysannerie, qu'elles travaillent ou soient femmes au foyer, qu'elles soient éduquées ou ignorantes, elles ne peuvent décider pour elles-mêmes. L'omnipotence de la famille, le poids des convenances, la crainte de la stigmatisation dans une société où l'individu n'est rien en dehors du groupe, enferment ces femmes dans un carcan parfois insoutenable.
Cinq femmes, d'âges différents, racontent leur expérience à Akhila. Chacune a su desserrer son étau, en ayant recours à la ruse ou à la haine, parfois en refusant le regard des autres et en cherchant leur propre voie, toujours en plaçant leur dignité de femme au-dessus des préjugés sociaux.
En écoutant chacune de ces femmes, Akhila prend conscience de ses propres désirs : elle veut assumer sa condition de femme célibataire, elle veut enfin vivre seule, elle veut satisfaire ses besoins et accepter l'amour si elle le rencontre.
le
compartiment pour dames a été la chambre secrète où chacune s'est libérée par la parole d'une vie et d'une condition qu'elles ont rarement choisies, mais qu'elles ont appris à assumer sans nier leur identité de femme.