Le soleil descend
I.
Tu n’auras plus soif bien longtemps, — cœur consumé ! — Il y a des délivrances dans l’air, — des bouches inconnues soufflent vers moi, — la grande fraîcheur arrive…
Mon soleil à midi était droit au-dessus de moi : — je vous salue, vous qui venez, — vents soudains. — frais esprits du crépuscule !
L’air passe, venant d’ailleurs et pur. — Ne m’œillade-t-elle pas avec son coulé — regard de tentatrice, — la nuit ?… — Reste fort, mon cœur vaillant ! — Ne demande pas : Pourquoi ?
II.
Jour de ma vie ! — Le soleil descend. — Déjà les flots, surface unie, — se dorent. — Chaude est l’haleine du rocher : — est-ce que peut-être le bonheur — a dormi sur lui son sommeil de midi ? — Dans les clartés vertes, — l’abîme brun hisse le bonheur en riant.
Jour de ma vie ! — Nous allons vers le soir ! — Déjà arde ton œil, — mi-brisé, — déjà ruissellent les larmes — de ta rosée, — déjà court, calme sur la mer blanche, — la pourpre de ton amour, — ta dernière hésitante félicité !…
Entre oiseaux de proie
Celui qui veut descendre, — que vite — l’engloutit le gouffre ! — Mais toi, Zarathustra, — aimes-tu encore l’abîme, — imites-tu encore le pin ?
Le pin plonge ses racines, où — le rocher même avec épouvante — regarde dans le gouffre, — mais l’arbre s’accroche aux abîmes, — tandis que tout, autour de lui, — veut s’élancer dans le gouffre. — Entre l’impatience — du sauvage roulement, du ruisseau qui bondit, — il attend patient, dur, muet, — solitaire…
Solitaire !… — Qui donc oserait — habiter ces lieux, — surplomber l’abîme ? — Un oiseau de proie peut-être : — il se suspendrait aux cheveux — du tenace Patient, — joyeux de lui faire mal, — grinçant d’un rire fou, — d’un air d’oiseau de proie…
Pourquoi si tenace ? — dit le moqueur cruel : — On doit avoir des ailes — quand on aime l’abîme… — on ne doit pas rester suspendu — comme toi !
Ô Zarathustra, — tout cruel Nemrod ! — Récemment encore toi le chasseur de Dieu, — le filet de toute vertu, — le pilier du mauvais ! — Maintenant, — chassé par toi-même, — proie pour toi-même, — vrillé en toi-même…
Maintenant, — solitaire avec toi-même, — scindé en deux dans ta propre science, — entre cent miroirs, — faux à tes propres yeux, — entre cent souvenirs, — incertain, — fatigué à chacune de tes blessures, — glacé par chaque froid, — étranglé par ton propre lacet. — Connaisseur de toi-même ! — Bourreau de toi-même !
Pourquoi te lias-tu — avec le lacet de ta sagesse ? — Pourquoi t’attiras-tu — dans le paradis du vieux serpent ? — Pourquoi te glissas-tu — en toi-même, en toi-même ?…
Malade à présent, — malade du venin du serpent ; — prisonnier à présent, — sur toi s’est abattu le plus dur destin : — dans ta propre fosse — tu travailleras courbé, — voûté en toi-même, — t’enterrant toi-même, — sans aide possible, — raide, — un cadavre, — avec, dessus, des tours de fardeaux, — accumulées par toi-même, — un savant ! — un connaisseur de toi-même ! — le sage Zarathustra !…
Tu cherchais le plus lourd des fardeaux : — tu t’es trouvé, toi, — et tu ne te jetteras pas toi-même par-dessus bord… — Épiant, — mâchant, — déjà tu ne tiens plus droit ! — Même ta tombe est contrefaite, — Esprit contrefait !…
Et récemment encore, si fier, — hissé sur les échasses de ta fierté, — récemment encore anachorète sans Dieu, — compagnon solitaire du diable, — prince à toge écarlate de tout Orgueil !…
Maintenant — entre deux néants — courbé, — point d’interrogation, — énigme harassée, — énigme pour les oiseaux de proie…
Ils sauront bien te délivrer, — ils ont faim déjà de ta délivrance, — ils voltigent déjà autour de toi, énigme, — autour de toi, pendu !… — Ô Zarathustra !… — Connaisseur de toi-même !… — Bourreau de toi-même !…
Dernière volonté
Mourir ainsi, — comme un jour je le vis mourir, — Lui, l’ami, qui lança ses éclairs et ses regards — divinement dans ma sombre jeunesse ! — Joyeux dans son courage et profond, — il dansait dans la bataille.
Le plus joyeux des guerriers, — le plus puissant des vainqueurs, — chargeant un destin sur son destin, — dur, pensif, prévoyant, — vibrant à la victoire, — criant la joie, vainqueur en mourant :
À l’heure de la mort il ordonnait, — il ordonnait que l’on anéantît !…
Mourir ainsi, — comme un jour je le vis mourir : — en créant la victoire et le néant…
La vérité n’est pas quelque chose qui serait là d’avance et qui serait à trouver, à découvrir, mais quelque chose qui est à créer et qui renonce à son nom en faveur d’un processus qui, en soi, n’a pas de fin.
Fabrice Midal vous présente "La théorie du bourgeon", son nouveau livre, disponible en livre audio !
Résumé :
Le découragement est le problème majeur de notre temps. Là où nous pourrions avancer, nous baissons les bras. Là où nous pourrions être victorieux, nous partons perdants. On nous a fait croire que nous devions être dans le contrôle permanent, dans l'efficacité absolue. Mais la vie ne se contrôle pas, elle ne se gère pas. Comment inverser le mouvement ? Comment retrouver l'élan pour sortir de la paralysie qui nous guette, pour rejoindre enfin le monde et essayer de le réparer ? Se fondant sur les enseignements de philosophes qui, comme Nietzsche, Bergson ou Hannah Arendt, ont affronté ce péril majeur avec lucidité, Fabrice Midal nous amène à reprendre confiance en nous et en l'humanité. Avec La théorie du bourgeon, il nous apprend à cultiver la vie dans son surgissement, ce bourgeon qui réside en nous et qui ne demande qu'à croître pour donner des fleurs, pour donner des fruits. C'est ce remède anti-découragement que je vous invite à découvrir.
"Écoutez un extrait" : https://www.lizzie.audio/content/la-theorie-du-bourgeon
"Rejoignez-nous sur nos réseaux sociaux"
Instagram : https://www.instagram.com/lizzie_livresaudio/
Facebook : https://www.facebook.com/Lizzie.LisezAvecLesOreilles
Activez la cloche pour être informé de nos nouvelles vidéos et abonnez vous !
+ Lire la suite