Certes je ne crois pas que personne puisse comprendre la tristesse qui habite mon âme, je souris, je ris comme tout le monde, mais chaque sourire est une larme de plus qui se concentre dans mon âme jusqu'à ce qu'éclatent ces perles d'amertume sur ces pages où elles restent.
Ces yeux gris si doux
Quand on n'est point fous.
Ces yeux si terribles
Quand on le mérite
Ces yeux qui percent la nuit
Pour me suivre quand je fuis,
Ces yeux sombres qui percent
Mon coeur;
Ces yeux tentants que parfois je fuis pour leur trop grande douceur
Hélas où me cacher ?
Le mal fait, ils sont si fâchés !
Et le bien, si doux, si bon,
Tant que mon coeur se fond.
Et les yeux-illusion peut-être,
Ce sont ceux de la conscience
De mon être.
(À Arcachon, 9 ans)
Oh, Océan sévère
Aux couleurs de ciel en colère,
Qui semble gémir jour et nuit
Avec un lent murmure comme un rêve qui fuit.
Oh, Océan sévère
Qui semble pleurer la folie
De ce monde que l'on dit joli
Et qui gronde lentement et se venge
Dans une plainte éternelle et étrange.
Oh, Océan sévère
Qui berce une force impuissante
Contre cette terre pleine de joie trompeuse et incessante.
Oh, Océan sévère
Qui berce une ambition étouffée
Qui semble vouloir s'élancer
Et engloutir dans un éternel oubli
Cette terre objet de son juste courroux,
Alors, oh! Océan sévère,
Tes tristes plaintes et tes larmes seront taries,
Et tu deviendras une caresse au lieu d'un océan en furie.
(8 décembre 1915, douze ans)
Confident que j'aime, me promets-tu de toujours garder mon coeur que je t'ai donné, les pensées qu'à toi seul j'ai exprimées ? Oh ! Réponds-moi ? Oui, n'est-ce pas, quand même je suis sûre que personne ne voudra t'écouter si tu te mettais à dire tout ce que je t'ai donné ou confié. Non, personne n'écouterait les idées d'une folle comme moi.
Maintenant plus calme j'ai relu ces pages, mais j'ai pensé que si, après que je ne serai plus, quelqu'un venait (par une indiscrétion que je pardonne d'avance) à lire ces lignes, il dirait: Cette enfant, pour penser au divorce de cette manière, doit avoir lu cela quelque part. Non, et malgré mon âge je connais la vie, je peux juger le monde rien qu'en le voyant qu'une fois.
Dans Grand seigneur, Nina Bouraoui se tourne vers l'écriture pour conjurer la douleur de la mort de son père, entré en soins palliatifs en 2022. Entremêlant les souvenirs de sa vie et le récit de ses derniers jours, elle illumine par la mémoire et l'amour un être à l'existence hautement romanesque.
Le désir d'un roman sans fin rassemble quant à lui de nombreux écrits de l'autrice, portraits, nouvelles, chroniques, parus dans la presse ou publiés entre 1992 et 2022. Une oeuvre à part entière, qui pourrait se lire comme un roman racontant la vie, ses arrêts, ses errances.
Ces deux parutions récentes prolongent l'oeuvre prolifique et lumineuse d'une romancière majeure de la littérature contemporaine. Elle reviendra sur son parcours d'écriture à l'occasion de ce grand entretien mené par Lauren Malka, dans le cadre de l'enregistrement du podcast Assez parlé.
Nina Bouraoui est l'autrice de nombreux romans et récits dont La Voyeuse interdite (Gallimard, prix du Livre Inter 1991), Mes mauvaises pensées (Stock, prix Renaudot 2005) ou Otages (JC Lattès, prix Anaïs Nin en 2020). Elle est commandeur des Arts et des Lettres et ses romans sont traduits dans une quinzaine de langues.
Rencontre animée par Lauren Malka dans le cadre de l'enregistrement du podcast Assez parlé.
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