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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Entamé dans un tgv lancé à vive allure, je n'ai pu lâcher ce livre. Dès les premières pages, le lecteur se retrouve happé par les souvenirs d'enfance de Pierre Nora dans une France envahie et occupée. Comment ne pas se sentir touché(e)s par cet enfant angoissé qui tente – comme chaque enfant – de trouver sa place au sein de la fratrie et de se construire. Nous savons bien, tous, que, quelles que soient les circonstances, il s'agit d'un exercice compliqué. Mais il est évidemment encore bien plus compliqué lorsque, votre pays étant en pleine guerre, vous êtes né dans une famille juive, et que les nazis occupent le terrain !

Page après page, Pierre Nora prend son lecteur par la main et lui ouvre les portes de sa vie sans crainte, sans pudeur, sans essayer de mettre quelque distance que ce soit entre lui et son lecteur. Il a, et c'est notable, la bienveillance de ne pas nous prendre de haut. L'homme que certains considèrent comme providentiel, celui à qui l'on pourrait croire que tout à réussi, a pris la plume pour remonter à contre-courant ce chemin. Mais Pierre Nora nous montre précisément que ce qui aurait pu sembler être un atout – la position sociale de la famille, le fait d'évoluer dans les hautes sphères – n'en a pas forcément été un. Il nous donne à voir comment sa réussite est en partie due à de nombreux échecs – identité juive perdue, vocation contrariée et avortée et enfin concours raté !

Et puis, il y a cette vie, cette vie si incroyable, si dense, si intense qui impressionne et qui impose le respect. L'homme est un historien de la mémoire, un enseignant, un éditeur et également un académicien, de quoi en faire pâlir plus d'un ! Mais ses réussites, dans tant de domaines différents, ce n'est pas à des succès permanents qu'il les doit. Ce qui lui a permis d'avancer, c'est que, malgré les échecs, malgré les claques qu'il a pris comme tout un chacun, il a su rester debout, sans vaciller, tout en continuant à prendre des décisions à contre-courant pour être là où on ne l'attend pas. La leçon de vie qu'il nous donne, c'est que, parfois, il faut savoir passer par là où le chemin est le plus ardu.

Le personnage ne parlera peut-être pas à beaucoup d'entre vous, mais pour moi, ces mémoires m'ont ému aux larmes. Ses phrases m'ont parfois rappelé pourquoi j'ai voulu m'engager sur ce chemin, pourquoi les questions mémorielles me faisaient et me font toujours vibrer. Cet homme « qui n'a jamais fait rien fait comme les autres » selon son père, me rappelle que rester debout dans les périodes compliquées peut être le chemin vers un avenir plus tranquille. Bref, la lecture de ce livre, pour moi, donne de l'espoir !

Soucieux d'humilité, de transmission et de don, Pierre Nora nous livre là un récit honnête et qui permet une immersion dans des mondes que nous n'avons pas l'habitude de côtoyer tel que le microcosme universitaire ou bien la bourgeoisie juive parisienne.
Lien : https://ogrimoire.com/2022/1..
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Il est des êtres dont l'intelligence et les valeurs humaines donnent à leur conversation un mélange de densité et de légèreté exceptionnel. Leur intelligence hors du commun, loin de nous faire sentir nos limites, nous donne l'étrange sentiment de pouvoir être à leur hauteur le temps d'une lecture ou d'une conversation. Evidemment il n'en est rien, mais ils sont d'une telle élégance qu'ils nous parlent comme si nous étions des leurs. Pierre Nora est de ceux-là, brillant causeur auprès duquel on aimerait pouvoir partager une soirée au coin du feu.
Jeunesse est un magnifique livre, celui d'un vieil homme extraordinaire qui se penche sur sa jeunesse et nous la raconte avec simplicité, comme une jeunesse ordinaire. le livre nous permet de pénétrer par effraction dans le monde des jeunes intellectuels des années 50 : Normal Sup, la Sorbonne, Derrida, Furet, Tulard, Le Roy Ladurie et tant d'autres. D'autres lecteurs ont parlé de name dropping. A mon sens, il ne s'agit pas de cela, mais juste d'un récit de famille où l'on se reconnait et s'estime.
Les esprits chagrins parlent de "l'importance d'être bien né et d'avoir de l'argent pour réussir." Peut-être, mais il existe pas mal de gens riches et bien-nés qui ne réussissent pas tant que cela… Il est sûr que Pierre Nora, qui appartient lui-même à une famille hors du commun, a été façonné par une longue histoire familiale qui l'a précédé et se poursuit après lui. Il en est parfaitement conscient. Qui pourrait le lui reprocher? Inné , acquis, déterminisme social, hérédité… Je n'entrerais pas dans le débat, mais me réjouis de rencontrer au détour d'un livre des personnes telles que lui.
Paradoxalement, Jeunesse montre aussi les limites de nos élites intellectuelles : des êtres d'une intelligence exceptionnelle, certes, mais aussi un tout petit monde qui se reconnait, s'attire et finit par cultiver un certain entre-soi. Seule une grande humilité peut permettre de sortir de ce piège.
Pour finir, on pourra rapprocher cette lecture de celle d'Une Brève Libération de Félicité Herzog, qui apporte un autre regard sur la famille Nora.
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Quand un nonagénaire contemporain vous décrit sa jeunesse, il vous présente tout un vaste pan de la société qui l'a porté et du milieu social qu'il a traversé. S'il s'agit d'un intellectuel, quasi-normalien, académicien, historien, éditeur ayant battu tous les records de présence chez Gallimard, vous êtes non seulement sûrs de ne pas vous ennuyer, mais tout au contraire de retrouver tout un monde littéraire que vous n'avez pas approché autrement que par la lecture et dont vous croisez les auteurs comme s'il s'agissait de personnages proches.

Ce plaisant et honnête récit rassemble pour nous dans ce "lieu de mémoire" des épisodes qui pourraient être, selon l'auteur, la matière d'un roman d'apprentissage. Pierre Nora a été marqué par son enfance dans le Vercors de 1940 à 1944 où, enfant juif caché, il a assisté entre neuf et treize ans à des scènes généralement épargnées à ceux de son âge. Il réalise alors qu'il n'est pas un Français comme les autres. Dans les années cinquante, promis à un brillant avenir, il échoue par trois fois à l'entrée à Normale Sup et transforme rapidement cet échec en une étonnante et vertueuse maturité.

Ses années d'études lui permettent de prendre pleinement conscience de sa judéité ; il est vrai que la guerre l'y avait en quelque sorte déjà préparé. Selon lui, le judaïsme est plus qu'une religion et plus qu'une culture, c'est une histoire dont il prend une conscience aiguë lors de la guerre de 1967, lorsque la menace d'anéantissement de la nation naissante est devenue une réalité tangible : au jeune juif qu'il était, l'idée d'un second holocauste était "absolument insupportable".

Historien de la mémoire, Pierre Nora est un brillant exemple de synthèse entre les deux facettes juive et française d'une identité singulière. Il nous a offert une histoire de France "au travers du prisme de la mémoire".

"Jeunesse" est un livre d'une lecture très agréable : son écriture démontre à l'envi la justesse du jugement porté très jeune sur lui : "Tu es fait pour écrire". Au milieu des chapitres présentés par thèmes et dans un apparent désordre chronologique on découvre au côté de René Char l'hyper-romanesque Marthe et on perçoit combien cette femme flamboyante brille de mille feux au milieu de l'intelligentsia française de l'époque.

Une nouvelle fois, le lecteur peut vérifier l'adage populaire selon lequel les grands esprits se rencontrent : Pierre Nora nous invite à faire un agréable voyage dans le milieu intellectuel d'une France encore récente mais déjà en partie révolue.
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Les Mémoires d'un intellectuel de cette trempe sont toujours intéressants à découvrir, comme l'ont été ceux de Jean-François REVEL ou Edgar MORIN, qui évoluaient d'ailleurs tous deux dans le même cercle. Ces gens ont côtoyé l'élite des intellectuels à leur apogée et leurs souvenirs sont passionnants. Pierre NORA est de ceux-là, bien qu'ayant choisi de moins s'exposer. Il est brillant, sa carrière est incroyable, son écriture est facile, les personnages qui émaillent son parcours sont la plupart du temps des noms (plus ou moins) connus. le livre est assez court et se lit très facilement. Et Pierre NORA est par ailleurs plein d'humilité et de lucidité sur lui-même, ce qui ajoute à sa réputation.
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Historien, éditeur, académicien, enseignant, Pierre Nora est un intellectuel à l'ancienne.
Dans « Jeunesse », titre qui est presque une imposture car le livre retrace toute la vie de l'auteur, il fait oeuvre de mémorialiste de lui-même comme il le fit de la France dans son travail de chercheur. Je pense en particulier aux « Lieux de mémoire ».
C'est au moment de la débâcle de 1940 que commence le récit de celui qui est né neuf ans plus tôt. « Des routes de l'exode, je n'ai de souvenirs que reconstruits par les images » confie Pierre Nora.
Son père Gaston, brillant chirurgien à l'hôpital Rotschild, est conscient du danger nazi qui menace les Juifs. Il avait lu « Mein Kampf » et avait compris la détermination de Hitler. Contrairement à une bonne partie de la « bourgeoisie française qui se croyait à l'abri de toute persécution ». Il avait même « omis » de déclarer les siens comme juifs à l'administration.
Cette clairvoyance lui a permis de sauver sa famille en lui trouvant des abris. Tout d'abord du côté de Rambouillet puis dans les Pyrénées, à Montpellier, à Grenoble chez les Jeanneney. C'est dans cette ville que le Maréchal Pétain, alors en déplacement, tapota la joue du petit Pierre. Un comble !
Les rumeurs de rafles enflant, les Nora quittent la capitale de l'Isère pour le Vercors, haut lieu de la Résistance à laquelle les frères aînés de Pierre participent. Malgré son jeune âge, le garçon «prend « conscience de la tragédie qui se jouait ». C'est à quelques encablures de Villard-de-Lans qu'il est scolarisé au Portique, « un repaire d'intellectuels engagés » où le marxisme est à l'honneur. C'est au cours de cette période qu'il se plongea dans la lecture de Montaigne, Gide ou encore Rilke et qu'il tint un journal.
Ayant échappé aux camps mais ayant néanmoins vécu une jeunesse chaotique et en danger, il est de retour à Paris où il refuse de faire sa Bar Mitzvah. Dès son plus jeune âge, il entretient avec la judéité un rapport ambigu et variable. de même, il souffre de son retour à une vie normale, bourgeoise et sage alors que des millions de Juifs ont péri.
Pour décrire ce qui l'a construit, Nora fait appel à son biographe François Dosse qui souligne, dans son parcours professionnel, la présence d'une double identité : juive dans sa « préoccupation pour la mémoire » et française « dans la dimension historique ». Il concède alors : « ce n'est peut-être pas un hasard si j'ai été historien de la mémoire ». Il ajoute : « que « Les lieux de mémoire » portent alors la marque d'un historien qui fait partie du peuple de la mémoire et se met à jour avec la France ».
Avec « Jeunesse », Pierre Nora se fait le témoin d'une époque vécue par un intellectuel plutôt discret. La plus grande partie de son autobiographie est consacrée à sa famille dont le membre le plus iluustre est le frère Simon Nora, « modèle du grand serviteur de l'Etat », avec lequel il entretint des relations de plus en plus tourmentées. Se succèdent aussi les amis et les amours...
Dans les dernières pages, Pierre Nora promet, dans un prochain livre, de délaisser l'intime pour s'atteler à ses « souvenirs d'éditeur et d'historien ».

EXTRAITS
- Les Juifs avaient pris conscience de leur histoire quand ils avaient cessé d'être une mémoire ; et (…) les Français étaient « tombés » en mémoire en cessant d'être une histoire.
- J'avais développé l'idée que les grands moments de la définition identitaire de la France - (…) - avaient été en même temps les dates-clés du destin juif dans le monde moderne.

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Une vie très riche sans doute et pourtant, je reste un peu sur ma faim : l'impression d'être entre chien et loup et que des souvenirs plus académiques ou professionnels que ceux personnels évoqués dans ce livre m'auraient davantage contenté. Qui sait ? Et en tout cas, l'eau à la bouche pour découvrir le reste de ses ouvrages, en tant qu'ecrivain, éditeur ou ceux de ses proches.
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