De
Pierre Nora, je ne connais que le nom et, de loin, sa réputation de grand historien. Si j'ai acheté «
Jeunesse » c'est parce que j'avais compris que celle-ci s'était déroulée pendant la guerre et que j'étais curieuse de savoir ce qu'elle avait imposé à l'auteur et à sa famille, et ce qu'elle avait laissé comme traces.
C'est l'objet du premier chapitre, et il est éloquent. Les traumatismes n'ont pas manqué, même s'il y a eu, comme le souligne l'auteur à plusieurs reprises, moins de disparus dans sa famille que dans beaucoup d'autres.
Le dernier chapitre, passionnant, est consacré à la genèse du métier d'éditeur de
Pierre Nora, et à l'orientation inédite et particulière qu'il a donnée aux collections qu'il a dirigées, en inventant la « Nouvelle Histoire ».
Mais entre les deux ? entre les deux, c'est l'histoire d'un jeune homme qui évolue dans environnement privilégié et favorable à un parcours d'intellectuel et de chercheur, avec la réussite qu'on lui connaît aujourd'hui, et dont
Pierre Nora ne peut qu'être satisfait, bien évidemment. Si on ne l'a pas supposée, cette satisfaction, on en prend vite conscience…
Au point que
Pierre Nora, assuré de sa position, évoque des faits ou des anecdotes dont je ne vois pas ce qu'ils apportent à la connaissance qu'on souhaite avoir de lui : l'alcoolisme de l'un, le suicide de l'autre, les ratages divers de certains proches, cités en passant, brutalement, en quoi expliquent-ils ce parcours ?
C'est aussi un amour de
jeunesse, tumultueux, et sa fin peu glorieuse.
Ce sont également les réussites, nombreuses, de la famille Nora, dont l'auteur est heureux, légitimement. Mais dont, de façon moins compréhensible, il s'attribue le rôle de patriarche, de tête directrice, de chef. Il est vrai qu'il en est le seul académicien. Cela suffit-il à faire de lui, la plus haute personnalité de l'ensemble ?
Bref, il manque à ce texte, à mon goût, un peu de discrétion et de pudeur. Il me semble qu'il eût été judicieux d'écouter le conseil donné par ses proches à
Pierre Nora : « Pendant que j'écrivais ce mémoire, mon entourage me reprochait de me tourner vers mes souvenirs personnels et familiaux plutôt que mes souvenirs d'éditeur et d'historien, les seuls intéressants pour un lecteur. »