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Erri De Luca (Autre)Gérard Fellay (Traducteur)
EAN : 9782829006579
192 pages
Editions d'en bas (02/12/2022)
3.5/5   3 notes
Résumé :
D’un certain point de vue, Sante Notarnicola n’est qu’un assassin coupable de hold-up sanglants. Très exactement un de ces droit commun, haïs par la bourgeoisie et largement méprisés par les socialistes.
La manière dont Notarnicola raconte son itinéraire oblige à réfléchir autrement. On voit comment d’une situation typiquement sous-prolétarienne (la pauvreté rurale, l’institution pour enfants, les travaux occasionnels d’un immigré du Sud dans la banlieue de T... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Sante Notarnicola ? Illustre inconnu pour moi. J'ai déjà du mal avec l'Histoire de France… pour l'Histoire italienne, je me suis arrêtée à Malaparte

Bref c'est une vraie « découverte » pour moi, intéressante et riche d'enseignements. Nous avons là une tranche d'Histoire entre 1950 et 1970 vue sous le prisme d'un « révolutionnaire » sans parti exact mais très apparenté au communisme et à l'ultra-extrême gauche radicalisée.

Le début de cette histoire ne se situe pas si loin de la fin de la guerre, à peine 5 ans ; autant dire que l'esprit de résistance face au fascisme et de solidarité des masses dites populaires (ouvrières surtout) est encore très vivace et le communisme a encore de beaux jours devant lui.

L'auteur est originaire de Tarente, une des régions les plus pauvres de l'Italie où le seul choix qui est offert à leurs habitants est le chômage et pour le Nord, l'usine (Fiat). Beaucoup émigrent donc de ce Mezzogiorno vers les grandes villes du nord : Turin, Gênes, Milan… avec l'espoir d'une vie meilleure ; surtout avoir de quoi manger tout simplement. Et la colère de Sante voyage avec lui.

C'est un activiste convaincu pour qui le Parti (le PCI) est vite trop « restrictif » pour cet esprit rebelle et combattant. Il poursuit donc une quête personnelle et solitaire qui selon lui doit logiquement passer par une lutte armée pour obtenir une justice sociale que les patrons ne reconnaitront ni n'accorderont jamais avec un dialogue pacifique. Il ne peut se contenter de négociations à multiples concessions où le seul perdant sera toujours le même, le prolétariat, les masses laborieuses.

Mais il faut de l'argent pour mener une révolution et pour s'en procurer il ne reculera devant rien mué par une rage inextinguible contre les bourgeois qui exploitent les prolétaires. Il devient avec quelques camarades, braqueur de banques pour nourrir son idéal. A l'échelon national ils seront connus sous le nom de « Banda Cavallero ». Ça l'amènera inéluctablement à la prison. Il découvre alors l'amertume de la trahison. En tant que « vulgaire » bandit, jugé « droit commun » il prend perpète.

Comme le souligne Erri de Lucca dans sa préface, très intéressante pour la compréhension du contexte d' avant les désillusions, les échecs et l'effondrement de l'idéal communiste marqué par ses dérives et ses extrêmes.

Les luttes d'aujourd'hui ne s'exprime plus de la même manière même si l'esprit de solidarité reste. le contexte de sortie de guerre est très loin désormais. Les discours politique se sont diversifiés et ont perdus en crédibilité avec l'éclatement des gauches. Les dissensions ont divisé au lieu de trouver un consensus et de rester groupés.

La lutte ouvrière ne s'exprime plus en termes de fraternité, de camaraderie mais en termes clivants stigmatisant les différences en jouant sur les peurs des autres. Ils basculent d'un extrême à l'autre qui ne sont pas si loin l'une de l'autre finalement.

Ce témoignage reste nécessaire pour les générations futures. Même si les mots ne sont plus les mêmes, elles pourront comprendre que les acquis d'hier et d'aujourd'hui, qu'ils ne leur semble pas si important de défendre, n'ont pas été le fruit de simples négociations faciles mais de véritables luttes pour des droits arrachés au sens propre du terme : le samedi férié, les huit heures dont ½ de pause déjeuner (eh oui, jeunes gens, ces ouvriers travaillaient 6j/7 et n'avais même pas de pause sandwich). Grâce à eux vous avez ce droit qui vous semble si naturel que vous n'y pensez même pas.

Et d'autres droits acquis au fil des ans qui n'étaient pas du luxe (rappelez-vous qu'en France des gens se sont battus pour avoir le droit au repos pour 4 semaines (les congés payés), trouvez-vous cela excessif ?) Cet acquis vous semble tellement normal, que c'est un « dû ». Mais rien n'est acquis, jamais, sans négociations serrées et réactions parfois radicales pour les obtenir. Certains en sont encore conscient tandis que d'autres sont sous anesthésie générale.

Et le droit de grève parlons-en d'ailleurs comme moyen d'expression parlons-en aussi, même si certains estiment que c'est une prise en « otage » …. Mais, je dis ça, je ne dis rien...

Je ne suis d'ailleurs pas là pour juger les actions de Notarnicola ; je crois à sa conviction profonde de militant pour de meilleures conditions de vie et de travail des masses dites populaires (ouvrières). Aujourd'hui on en parle différemment et ces partis ont été marginalisés par manque de cohésion (et d'esprit solidaire). La violence des actions qu'on qualifiera de terroriste avec l'avènement des "Brigate rosse" reste évidemment discutable.

Le témoignage de Sante Notarnicola a le mérite d'exister pour ne pas oublier que cette période trouble de fin de guerre n'a été facile pour personne, même si d'aucuns ne sont pas d'accord sur le parcours politique et ses actions extrêmes.

Pour faire « passer la pilule » et surtout sous silence ces soubresauts de l'Histoire qu'a engendré le fascisme et les 20 ans de pouvoir social-démocrate chrétien, une Histoire édulcorée a été mise en avant avec des tubes musicaux de Celentano, et d'autres subterfuges un peu « guimauves » qui a apaisé la mauvaise conscience de certains, ce qui a du arranger un paquet de monde…

La dernière partie, la plus intéressante selon moi se passe en prison où toute la force de son idéal et ses actions font sens. Et justement, une chose me dérange un peu : en bataillant pour que les « droits communs » obtiennent la même légitimité que les « détenus politiques », dont il se revendique, il me donne l'impression de vouloir justifier et excuser ses actions passées en tempérant son engagement de départ, en minimisant leurs violences et en passant carrément à la trappe son implication dans la fusillade qui a fait 5 morts lors de son arrestation.

Il dit s'être laissé entrainer presque malgré lui par deux camarades qui l'on convaincu d'entrer dans ce durcissement de l'engagement et de la lutte. Il se présente comme quelqu'un de prudent qui a été difficile à décider. Il pèse beaucoup le pour et le contre mais finira par accepter pour servir « la cause » à laquelle il croit.

Il présente la trahison, certes énorme et blessante, comme si l'on s'était servi de lui (ce qui est la cas) en usant de sa naïveté de partisan. Ça me donne une impression un peu facile de chercher à se dédouaner en soulignant sa ferveur absolue et sa croyance aveugle.

Autre chose m'a pour le coup « chiffonnée » : qu'est devenue Franca dans l'histoire ? Passée à la trappe elle aussi ?… ou j'ai peut-être raté quelque chose…

En tout cas, je remercie les éditions « Poche En Bas » en Suisse, Paon diffusion et Pascal Cottin (Culture Plurielle) d'avoir exhumé ce témoignage de 1972 à replacer je le répète dans le contexte de révolution ambiante explosive de l'époque et de l'avoir fait découvrir en France et enfin à Babelio pour leur implication à une large diffusion chez les lecteurs français/francophones.

Remarque : la traduction actuelle « la révolte à perpétuité » est nettement plus percutante que le titre d'origine italien « l'évasion impossible », mais ce n'est que mon humble avis…

Voilà, j'en ai encore fait une "tartine"; je ne sais pas condenser... Merci en tout cas à ceux qui auront le courage d'arriver jusqu'à cette dernière ligne! :-)
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Oeuvre lue dans le cadre d'une opération Masse critique, merci aux éditions En bas Poche.

Il s'agit d'une autobiographie à restituer dans son époque qui paraît maintenant très datée.
L'auteur se définit en tant que prolétaire revolté, doté d'une conscience politique développée ancrée dans la lutte des classes, symbolique de cette période d' une Europe occidentale opulente influencée par la tentation idéologique communisme idealisé, et ayant engendré excès et extrémismes dans lesquels il a versé.

Le livre se divise en trois périodes.
La première, son enfance et adolescence au fond de l'Italie du sud misérable, sa migration à Turin, son éveil politique à la lutte des classes le conduisant à s'engager avec le parti communiste .
Puis, jeune adulte politiquement déçu, il s'en éloigne et bascule, par radicalisation idéologique, sur une délinquance violente d'attaque de banques, symboles de la bourgeoisie honnie.
La troisième période, sa vie en prison, de loin la plus intéressante, au cours de laquelle il reproduit la lutte des classes au sein du dur régime carcéral.

Ce récit centré sur un homme se considérant comme un combattant politique et non comme un droit commun peut être considéré comme un témoignage historique, parcellaire et partisan, d'une époque révolue d'idealisme et d'obscurantisme politique. A la fois proche temporellement et lointaine idéologiquement à l'aune actuelle.
Obstiné dans cette lutte des classes, le prolétariat exploité, il va toujours plus avant dans la grande délinquance sans admettre les porosité sociales.

L'absence d'autocritique (qu'il exige par contre en prison de quelqu'un qu'il considère comme déviant), de recul, laisse un peu mitigé. Ainsi s'il reconnaît quelques erreurs, s'être trompé, avoir connu la trahison, les cinq morts lors des assauts du groupe sont considérés comme dégâts collatéraux (dont il ne s'estime aucunement responsable) sans pensées pour les familles.

Cette absence d'évolution personnelle, d'obstination dans une idéologie radicale sans issue, ce dont il est conscient, est le plus surprenant. En conclusion, les conditions carcérale engendrent in fine un renforcement de son idéologie et de son extrémisme en réaction.
A prendre comme un témoignage social et historique donc.
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Sante Notarnicola au travers de son récit retrace son parcours d'homme, de communiste mais surtout de révolté.
Issu d'une famille italienne prolétarienne, il est vite engagé dans une lutte contre l'exploitation par le patronat des siens, dans une lutte contre le fascisme toujours omniprésent.
Son idéalisme farouche, sa croyance en la solidarité et la fraternité entre camarades l'entrainent inexorablement vers l'illégalité et la criminalité. Il se définira lui même comme un bandit.
Il finira seul, abandonné par ses camarades/complices qui auront perdu leurs idéaux corrompus par l'argent des braquages qui aurait dû servir à une noble cause.
Il finira en prison où il continuera sa guérilla en voulant changer le monde carcéral.

A aucun moment, je n'ai pu voir Sante comme un criminel de droit commun. Il apparait au fil de son récit comme un homme tendu à l'extrême vers un idéal pour changer la vie de ceux issus de la population des opprimés, des exploités. Il assiste impuissant à l'effondrement de l'engagement, du communisme et à la montée galopante du septicisme de son entourage. Il ne peut pas accepter cela et prend les armes pour lutter. Il devient hors la loi afin de continuer autrement la lutte mais sans succès. Il s'est trompé.
Je ne me suis pas trompée en choisissant ce livre
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Les organes d intoxication des classes dominantes ne cessent de faire de grands discours sur la violence. Ils prennent soin en général de passer sous silence le fait que la pire des violences est toujours l'exploitation de l'homme par l'homme. Chaque fois que nous lisons dans la presse le compte rendu de tel ou tel délit, nous devrions avoir l'élémentaire réflexe de rétablir l'ordre logique des causalités : du voleur et de sa victime, le vrai voleur nest que très rarement celui que l'on reconnaît comme tel. Cette violence du capitalisme, Notarnicola l'a subie dans toute sa rigueur dès sa prime jeunesse.
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Dans une société bourgeoise, les prolétaires sont là pour subir les injustices du berceau au tombeau, et si nous payons si cher nos erreurs, c'est uniquement parce qu'elles sont engendrées par les crimes de la bourgeoisie qui, eux, pour le moment du moins, restent impunis. Comment attendre la justice d'une magistrature qui n'est qu'un instrument docile aux mains d'une classe qui nous opprime depuis toujours? Si quelquefois la justice est rendue, c'est parce que la machine s'est enrayée, c'est parce qu'un élément perturbateur s'est introduit dans le mécanisme, par erreur en quelque sorte.
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