Acide sulfurique /
Amélie Nothomb
le thème du livre : « Concentration » est une toute nouvelle émission de télévision dans un monde futur devenu barbare : on enlève des gens au hasard, on recrute des kapos, et on filme les maltraitances. L'oeil synthétique laissait présager des millions d'yeux de chair et d'emblée l'audimat atteint des sommets et les téléspectateurs en redemandent : plus de cruauté si possible pour les nourrir de l'horreur absolue.
Pannonique, une très jolie étudiante, est devenue CKZ 114 dans le camp télévisé. Premier acte de la déshumanisation : perdre son nom. Et les premiers sévices physiques commencent. La beauté torturée devrait faire un tabac. Zdena qui était chômeuse est devenue kapo et tombe amoureuse de Pannonique. Alors commence un jeu très particulier qui voit entre bourrelle et victime s'affronter le bien et le mal. La nymphomanie jointe à l'atmosphère méphitique qui sévit dans l'émission écoeure tout autant qu'elle fascine.
Les organisateurs estimant au bout d'une certain temps que l'audimat de l'émission plafonne, décide d'introduire de l'interactivité en faisant voter le public pour désigner les prisonniers à abattre. Ça vaut bien les jeux du cirque à Rome. Les médias s'élèvent contre cette folie télévisuelle, mais rien n'y fait et les votes se multiplient. Alors chaque prisonnier joue sa vie comme il peut pour échapper au verdict sans appel.
Amélie Antoine (
Fidèle au poste) a aussi en son temps écrit un bon roman où un jeu télévisuel créait une situation digne des meilleurs thrillers.
Amélie Nothomb rajoute une couche de violence en imaginant une version moderne des jeux du cirque des Romains, une téléréalité baignée d'un voyeurisme ignoble. Pannonique n'aura de cesse dans son combat pour la survie de songer à retrouver son nom, le premier signe d'humanité. Une magnifique jeune femme montrant par instant une vocation christique pour tenter de sauver la population du camp.
Ce roman est une fable assez cynique et provocatrice, par moment dérangeante car faisant songer à la Déportation des Juifs lors de la Shoah, mettant en scène en somme un duel entre le bien et le mal pour faire une satire de la téléréalité qui a envahi les écrans en abrutissant les neurones des téléspectateurs et amenuisant leur intelligence. Mais
Amélie Nothomb, tout en ne faisant pas dans la demi mesure, sait toujours laisser une petite place à l'humour, noir ici. Un petit livre original et décapant que j'ai bien aimé.