« J'ai toujours su que l'on me condamnerait à mort. » Ainsi commence cet audacieux roman d'
Amélie Nothomb.
L'historien
Simon Mimouni écrivait que les Évangiles n'ont pas été rédigés « pour servir de documentation », mais « plutôt pour la liturgie des premiers disciples. » La narration de la Passion du Christ touche bien à l'imaginaire de chacun, de près ou de loin, croyants ou non croyants.
Même si la démarche divise, c'est en toute liberté qu'
Amélie Nothomb nous expose son questionnement humaniste sur les dernières heures du Christ. Elle se met en quelque sorte dans la peau de ce héros absolu, « son Jésus », en le faisant parler à la première personne. Son procès est brièvement évoqué, avec les miraculés ingrats qui défilent et témoignent à charge. Face à la souffrance et la solitude dans son étroit cachot, il se sent abandonné. L'auteure le suit au plus près, humain, incarné, qui aime la vie, qui a connu l'amour maternel, la passion amoureuse, qui est capable d'être critique, qui craint la crucifixion, la souffrance et la mort.
« Fallait-il nécessairement être condamné, humilié, supplicié ? » (cf interview A.Nothomb) et finir par vouer depuis un culte à la douleur et au sacrifice ? Pourquoi Dieu accepte ça ? Pourquoi Jésus se laisse faire ? Pourquoi doit-il être crucifié pour nous sauver ?
Le chemin de Croix, le calvaire, chemin de souffrance dans une quasi indifférence, le poids insupportable, le fouet, une première chute, une deuxième, une troisième, le mystérieux Simon de Cyrène qui cherche à l'aider, et Madeleine et Marie omniprésentes.
Soif. Substantif toujours présent dans la pensée de Jésus. « Pour éprouver la
soif, il faut être vivant. » Et cette
soif, c'est la foi, l'élan mystique.
Soif jamais étanchée. Comment Dieu peut-il comprendre l'Homme s'il n'a pas de corps et de sens, s'il ne connaît pas la
soif ? C'est un peu l'histoire des malentendus. Malentendu entre Jésus et Dieu, malentendu entre Jésus et ses « fidèles », entre Dieu et l'Humain.
Amélie Nothomb qualifie sa propre foi d'« intransitive » : « je sais que je crois, mais je ne sais pas en quoi. »
Son livre n'est évidemment pas incontestable, puisqu'elle nous offre un questionnement très personnel sur « son Jésus. » Elle ne prétend pas avoir raison et ne propose pas un quelconque dogme.
J'ai apprécié «
Frappe-toi le coeur » et «
Les prénoms épicènes », ses deux livres précédents. Étant athée, j'avoue avoir eu un peu de mal à entamer celui-ci, mais une fois lancé, je ne l'ai plus lâché. C'est vrai, pour moi, il n'y avait pas l'enjeu du croyant éventuellement offensé par une supposée transgression.
Alors bien sûr, il n'y a pas le suspense de ses livres précédents, la fin est connue depuis la nuit des temps, mais c'est une réflexion plutôt captivante, étonnante, humaine je trouve....
Amélie Nothomb qualifie ce récit de « livre de sa vie », tant son questionnement l'a habitée depuis son enfance. C'est probablement là son roman le plus personnel depuis «
Stupeur et Tremblements. » Et quelle écriture !