La lecture du Négrier. Roman d'une vie est un rendez-vous réussi avec Lino Calvo Novás (1903-1983), un auteur cubain d'origine galicienne que je ne cesse de croiser, chez Cabrera Infante (Trois tristes tigres), chez Padura (Le palmier et l'étoile), ou chez les historiens de la guerre civile espagnole, et dont je n'avais encore lu aucun roman.
Calvo Novás publie Le négrier en 1933 lors d'un séjour à Madrid. Le roman, qui est une biographie romancée de PEDRO BLANCO FERNÁNDEZ DE TRAVA, un Espagnol originaire de Malaga, négrier très connu de la première moitié du 19ème siècle, eut un succès public et critique.
L'ouvrage n'a pas vieilli. C'est un excellent roman d'aventures qui se déroule sur trois continents et qui retrace le parcours d'un jeune homme dénué de scrupule bien décidé à faire fortune dans la traite. Le roman nous rappelle Le négrier de Zanzibar de Louis Garneray ou bien les Confessions d'un négrier : Les aventures du capitaine Poudre-à-canon, trafiquant en or et en esclaves, de Théodore Canot. On retrouve aux côtés de Pedro Blanco des figures de la traite que l'on a déjà croisées dans d'autres romans historiques comme Canot justement , ou Cha Cha ( dans l'excellent roman de Bruce Chatwin, Le vice-roi de Ouidah). Le négrier de Calvo Novás possède le souffle des romans maritimes, nous emporte de la vieille Europe sans attrait pour un garçon pauvre qui rêve de fortune, à l'Amérique cynique des planteurs qui gèrent des haras humains, puis vers l'Afrique, sur les côtes du Dahomey où les tribus souvent en guerre tirent elles aussi profit de l'esclavage. Mais la traite est sur le point d'être abolie par toutes les grandes nations.
Lino Calvo Novás dépeint avec maestria le comportement d'individus attirés par l'aventure, et l'appât du gain. Il n'omet pas non plus de décrire les relations stratégiques et économiques qui lient les Européens, les Brésiliens et les chefs de guerre africains. La traite au 19ème siècle menacée par l'abolition c'est la mondialisation avant l'heure. Blanco représente les intérêts des esclavagistes américains et caribéens auprès des rois de Guinée, parcourt le monde, pratique la piraterie, évite les goélettes britanniques toujours redoutables.
Lino Calvo Novás est bel et bien un des grands noms des lettres cubaines. Croisons les doigts pour qu'un jour, ses romans policiers soient réédités. Dans la très belle anthologie de Martínez de Pisón, Partes de guerra, figure un de ses articles "El tanque de Iturbi". On peut désormais se procurer l'ouvrage Un escritor en el frente republicano sur son travail en tant que reporter de guerre . Car contrairement à d'autres écrivains plus connus, Lino Calvo Novás ne se contenta pas de faire un petit tour sur le front et de repartir. Il suivit l'armée républicaine durant toute la durée du conflit, vécut la retirada et connu les camps français, avant de regagner Cuba en 1940.
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Reeves était un vagabond qui avait abouti un jour au Brésil et qui avait découvert que ses enfants, obtenus avec de bons spécimens africains, s'avéraient extraordinairement beaux, au point que les riches Brésiliens se les disputaient. Dès lors, il se mit en tête d'avoir le plus d'enfants possibles avec des Noires -particulièrement avec celles de groupes mahométans- et de les vendre, jusqu'à ce qu'il put fonder cet établissement comme haras. Cela réalisé, il se lança dans des opérations de croisements et obtient des espèces rarissimes, dont il tirait des femmes qu'on payait à prix d'or. Son établissement comprenait des écoles où il préparait la progéniture à différentes fonctions. Il élevait des cochers, des demoiselles de compagnie, des houris, de éphèbes, des danseuses, tout ce qu'on lui demandait. Les grandes dames du Brésil venaient chez lui chercher leurs favoris. Les gens racontaient aussi pour rire, qu'il élevait aussi des nonnes. On l'appelait le Patriarche.