Magnifiquement illustré, ce livre est aussi une bonne entrée en matière pour qui veut se familiariser avec la constellation très fournie des ordres de chevalerie de moines-soldats qui se créèrent autour du noyau originel : Hospitaliers de Saint-Jean et Pauvres chevaliers du Christ ou Templiers. le paradoxe est- il là dans l'enrichissement des institutions créées alors que les membres pouvaient être considérés individuellement comme des "pauvres" (à l'exception notable de quelques hiérarques de ces Ordres, des contre-exemples qui trompaient parfois tout leur monde) ? Ou la contradiction se situe-t-elle dans l'antithétisme évident entre la prise des armes au nom d'une cause spirituelle et le rappel du commandement biblique et évangélique : "Tu ne tueras point" ?
L'icononographie est splendide et le texte dit ce que fut l'histoire de ces organisations monastiques et militaires censées jouer le rôle de défenseurs de l'idée et de l'identité chrétiennes là où elles semblaient menacées, mais qui le firent en reniant les principes moraux, spirituels et philosophiques du christianisme. On ne peut totalement adhérer à une présentation neutre de ces institutions quand on sait ce que cela suppose d'arrangements avec les devoirs du vrai croyant : la foi seule sauve et non la religion ("hors de l'Eglise, point de salut" est un slogan plus récent, mais il dit tout le mal accompli par les "missionnaires armés" du Catholicisme pour défendre une religion qui devrait ne se faire porteuse que d'un message d'amour).
On est néanmoins admiratif de l 'héroïsme (en pure perte et en désespoir de cause) des chevaliers de l'Hôpital, du Temple, de Sainte-Marie des Teutons, des Porte-Glaive, de Calatrava, d'Alcantara, de Montesa, etc., bien mis en évidence dans cet album, qui met également l'accent sur l'utilité de ces ordres dans un contexte de lutte avec les forces opposées à la foi chrétienne, que ce soit en Terre-Sainte, en Espagne ou en Pologne, en Lithuanie et en Russie, etc., et la perte de leur raison d'être hors ce contexte. C'est sur cette double problématique que se construit toute l'histoire de ces Ordres de chevaliers qui étaient aussi des religieux. On admire moins certains accès de cruauté de la part de ces hommes à certains moments dans la lutte qu'ils menèrent contre ceux qu'ils consideraient comme des individus éloignés de la "vraie foi".
François Sarindar, auteur de :
Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)