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4,13

sur 932 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quel fascinant roman !
Hypnotique et magnétique comme l'était celle dont il relate la possible histoire, l'actrice américaine Marilyn Monroe (1926 - 1962). Quelle autre figure pop nous incite davantage à juger sur les apparences ? Et pourtant, paradoxalement, c'est sans doute cette femme, entre toutes, qu'on devrait se garder de juger sur les apparences. C'est ce que propose l'auteur avec "Blonde".

MARILYN ! MARILYN ! MARILYN !

Pur produit manufacturé par Hollywood, univers vicié et vicieux, dont l'éphémère et fulgurant âge d'or a été rapidement suivi d'une décadence crasse et corrompue où sexe, drogues, alcool, pornographie et magouilles règnent en maîtres, masqués aux yeux du public par des myriades d'étoiles et de paillettes. Réalité.

Poupée crémeuse, femme objet, blonde idiote, icône pop, égérie en caoutchouc, sex-symbol, actrice médiocre. Cheveux platine phosphorescents, lèvres sanglantes pulpeuses, grain de beauté aguicheur, seins mammouthesques, hanches et cul de rêve. Fiction.

"Ce que le Studio demandait très raisonnablement […], c'était un retour à des comédies sexy assurées du succès comme "Certains l'aiment chaud" et "Sept ans de réflexion", car pourquoi diable les Américains devraient-ils se séparer de dollars durement gagnés pour voir des films sinistres qui les dépriment ? Des films qui ressemblent à leurs propres vies foireuses ? Quelques gros rires gras n'ont jamais fait de mal à personne, hein ? Quelques scènes affriolantes ? Hein ? Une superbe blonde, des scènes où ses vêtements tombent, des courants d'air qui soulèvent sa jupe jusqu'en haut des cuisses".

Orpheline de père, fille d'une mère schizophrène internée, fillette apeurée ballottée de l'orphelinat en familles d'accueil, enfant discrète et incomprise, femme soumise, âme révoltée, en perpétuelle quête d'identité, elle qui en possédera plusieurs : Norma Jeane l'amie, Marilyn l'ennemie.

Illusoire exemple de cette ascension sociale "made in USA", du mythique "rêve américain" soigneusement entretenu pour leurrer des générations de moutons, la Carotte d'Or du "peuple de la liberté", le même qui ne craint pas d'emprisonner la femme-orpheline glamour dans des robes camisoles cousues sur elle l'empêchant de s'asseoir ou de respirer.

La femme-orpheline, abusée et exploitée, seule, s'élèvera bien à la "force du poignet", comme le lui promettait son tendre Oncle Sam, mais pas de la manière qu'on imagine. "Se coucher pour arriver", seule voie possible sous le vernis du puritanisme hypocrite. Starlette-marionnette violemment soumise aux appétits voraces des hommes-bites qui contrôlent le monde dans lequel elle a eu le hasard de naître. "Tu as eu le rôle en tournant les talons, mon chou".

La femme-orpheline aussi fragile qu'un colibri "plongeant son long bec aiguille dans les jasmins trompettes pour en sucer le suc... […] Ils doivent manger tout le temps ou s'épuiser et mourir... des ailes minuscules qui battent si vite qu'on ne les voit pas... un bruissement, une tache floue... et leur coeur qui bat si vite..." ; toute une vie en quête d'amour, de liens, de reconnaissance et de talent.

La femme-orpheline, assidue lectrice de Darwin, Tchekhov, Schopenhauer et Pascal. La blonde qui rêvait d'être une actrice.

1 110 pages pour témoigner de 30 ans d'une (sur)vie tout en grands écarts. Misères et splendeurs de l'actrice-courtisane, parcours de l'orphelinat à la couche présidentielle, passage de l'innocence à la violence, de l'obscurité aux lumières artificielles des flash aveuglants.

Joyce Carol Oates décline ici le genre de la biographie. "Blonde" n'est pas une biographie romancée, "Blonde" est une biographie fictive, nuance. Ce n'est pas l'historien ou le biographe qui est aux commandes mais bien l'écrivain, et quel écrivain ! Qui annonce franchement la couleur en préambule : "Ceci est un roman". Contrairement à un biographe, l'écrivain va au-delà des faits et ne s'éloigne jamais du narratif. Ses mains libres lui donnent des ailes, elle s'autorise à pénétrer les sentiments supposés de son personnage et offre ainsi au lecteur une connaissance de Norma Jeane Baker moins superficielle que si elle s'était attachée aux seuls faits, vite lus, vite oubliés. Avec "Blonde", le lecteur accède à une compréhension intime et ressent avec intensité et sincérité les craintes, les espoirs, les désespoirs, le besoin d'amour et de reconnaissance, la déraisonnable utopie de Norma Jeane.

Mais c'est bien l'essence même du mythe d'être sujet aux interprétations. Ainsi naissent les légendes. Invérifiables, mystérieuses et puissantes. Immortelles.

Depuis l'enfance j'ai toujours été instinctivement fascinée par Marilyn, sans vraiment savoir pourquoi, n'ayant même pas vu ses films. Désormais, grâce à Joyce Carol Oates qui m'a suggéré sa part d'humanité, je comprends... et compte bien voir ses films.

Enfin, 1 110 pages et pas une minute d'ennui, c'est ce que personnellement j'appelle une réussite.


Challenge PAVES 2016
Challenge ABC 2015 - 2016
Challenge Multi-Défis 2016
Challenge Joyce Carol OATES
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Et Joyce Carol Oates créa Blonde... un roman, une fiction.

L'auteur écrit en préambule ce qui différencie son livre d'une biographie de Marilyn Monroe.
Alors qu'enfant, Norma Jeane a été placée dans de nombreux foyers, l'auteur a choisi de ne parler que d'un seul (fictif de surcroît)
Ses amants, problèmes médicaux, avortements, tentatives de suicide et rôles, sont réduits aux essentiels.

Vous l'aurez compris, Blonde n'est pas un récit historique, même s'il retrace les grandes lignes de la vie de Marilyn et que la plongée dans son esprit nous semble très réelle.

Je me suis lancée dans ce pavé de 1115 pages en lecture commune avec quelques amies, sans lesquelles je n'aurais probablement jamais ouvert ce livre.
D'une part à cause du nombre de pages, et d'autre part parce que je ne me suis jamais intéressée à Marilyn. Je dirais même plus, je saturais un chouia.
Donc, merci à ma Pépette, Anna-Choute et ma Caro,

Au début, Norma Jeane a 6 ans, et sa mère Gladys vient la chercher chez ses grands-parents, qui l'avaient élevée jusque là.
Quel déchirement de voir cette pauvre gamine sous le joug de cette mère déséquilibrée, qui vit dans un taudis à Hollywood.

Et puis l'orphelinat, le placement dans une famille d'accueil...
Mon coeur a saigné, et mon désintérêt pour la femme s'est envolé au fur et à mesure que je m'attachais à l'enfant.

Norma Jeane grandit. Elle est très belle, attachante, sexy... bon, vous la connaissez tous, au moins de nom et de vue.
Personne ne peut à échapper à Marilyn Monroe.

Norma Jeane en fera des choses pour devenir célèbre. Et dans un premier temps, pour tenir la tête hors de l'eau, parce qu'on ne peut pas dire qu'elle ait de quoi subvenir à ses besoins.

Une femme intelligente, gentille, charmante et charmeuse, qui "devra" se servir de ses atouts physiques et cacher sa culture, parce que ça ferait désordre.
Elle ne doit être qu'une ravissante idiote.

Et la façon dont les hommes l'ont traitée est juste innommable.

Mais elle a réussi à s'élever... Malheureusement plus on est haut plus on peut tomber très bas et la chute est douloureuse, voire dévastatrice.

Joyce Carol Oates a réussi à percer ma carapace, ce qui ne lui fut pas facile, en supposant qu'elle ait écrit ce livre pour moi.

Que vous aimiez Marilyn ou pas, ou qu'elle vous soit indifférente, je ne peux que vous conseiller ce roman magnifiquement écrit, la plume de JCO n'est plus à vanter, et très réaliste.

Elle m'a marquée, cette enfant-femme qui ne voulait qu'être aimée.
L'absence de son père et son manque de lui l'a amenée à le rechercher dans chaque rencontre qu'elle faisait.
Une plaie à vif qui ne s'est jamais refermée, jusqu'à sa mort.
Accident , suicide... assisté ou pas ? le mystère reste entier et on ne le saura jamais..

En fait, elle voulait que le monde entier l'aime. Et elle a presque réussi ce pari. Ne lui manquait que son papa... et un bébé.
Un roman touchant et inoubliable.
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Monumental.

C'est le premier mot qui me vient à l'esprit après la lecture de cet ouvrage.

La rencontre de deux monstres sacrés. Joyce Carol Oates raconte Marilyn Monroe.

Kaléidoscope captivant, émouvant et passionnant, ce livre est d'une richesse incroyable. D'une profondeur terrible. Il pénètre en son héroïne et tente d'en livrer la substance. C'est parfois chaotique, souvent enivrant, terriblement prenant.

Véritable roman qui invente la vérité et raconte cette blonde pas tout à fait comme les autres. A travers une construction fascinante et hypnotique, Joyce Carol Oates décortique le rêve américain et dévoile les choses étranges qui se meuvent derrière les tapis et le rouge sang appliqué sur les lèvres des starlettes hollywoodiennes.

Ne nous méprenons pas, il ne s'agit pas d'une biographie. C'est bel et bien un roman qui tente de pénétrer un mythe, une icône et d'en faire une femme. Oates construit le roman autour d'une chronologie qui éclate et se tord pour mieux pénétrer la tête blonde de son héroïne. On peut se perdre, parfois, dans les méandres de ce roman immense, mais sans déplaisir.

L'auteur, comme à son habitude, peut nous mener où elle veut. Je l'ai suivie. Sans hésiter.

J'ai lu ce livre en plusieurs fois, sur plusieurs mois. Comme imprégné. Comme si les images devaient s'imprimer sur ma pellicule intime. Raisonner pour pouvoir continuer. S'imprégner sur mes rétines.

C'est l'histoire d'un mythe. Un conte défait de fées absentes ou trop présentes. Les petites filles sont parfois terriblement solitaires. Elles gardent dans le coeur les douleurs de l'abandon et cherchent, une existence entière, à ce qu'on les aime un jour vraiment.

Ce livre est un monument. Ces femmes, des oeuvres d'art et de vie. Et pourtant humaines. Follement libres. Réellement inspirantes.

Lien : https://labibliothequedejuju..
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Attention, livre dangereux. Bombe à bord.
Pas celle que vous croyez, pas juste cette bombe-bombasse blonde dont l'éclat saisissant abasourdit pourtant encore, mais une bombe à fragmentation qui continue d'exploser dans la profondeur de l'être longtemps après avoir tourné chacune des pages de ce roman terrible.
Je ne sais pas pourquoi l'écriture de Joyce Carol Oates m'évoque toujours l'univers de l'eau, mais le fait est que « Blonde » n'échappe pas à la règle : la lecture de « Blonde » est une immersion, presque une noyade, dans les méandres de l'esprit complexe, multiple et extraordinairement sensible de Norma Jean Baker.
Il faut tout le talent de JCO, dont la plume souvent un peu trop… vagabonde dirons-nous, colle cette fois-ci parfaitement à son sujet, et réussit à chaque ligne de ce gros pavé (1100 pages mais pas une de trop, une gageure !) à nous ancrer dans une profonde empathie pour cette lumineuse pauvre fille et nous faire entrer à l'intérieur même de ses fêlures. Et ce grâce aux deux plans de lecture qui s'entrecroisent pour nous ferrer comme des insectes dans une toile.
Il y a le plan linéaire déroulant les étapes de la tragédie : les pages terribles sur l'enfance et la mère toxique, les pages douloureuses sur l'orphelinat, les pages sordides sur Hollywood, les pages incandescentes sur la naissance de « Marylin », les pages belles à pleurer sur l'amour véritable et protecteur d'Arthur Miller
Et puis il y a le plan syncopé, brouillé dans lequel JCO superpose et entremêle plusieurs faces de Norma Jean, assez confusément pour que l'on ne sache pas parfois à laquelle l'on a affaire, assez inexorablement aussi pour que l'on comprenne que les plus noires finiront par définitivement polluer les plus pures, jusqu'à l'issue fatale.
Je ne suis pas à proprement parler une fan de Monroe, mais ce livre m'a profondément émue et troublée, et donné envie de voir ou revoir certains films de Marylin pour tenter de percevoir la profondeur quasi-monstrueuse de ces décalages de personnalités que JCO donne à voir dans le livre (si délicieuse dans « Certains l'aiment chaud », si dévastée sur le plateau ; si cavalière dans « Bus stop », si terrifiée dans la vraie vie ; si vénale dans « Niagara », si infantile entre deux prises)…
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« Ici, les gens pensaient que Marylin Monroe ne faisait que jouer son propre rôle. Tous les films qu'elle faisait, si différents fussent-ils les uns des autres, ils trouvaient moyen de les déprécier : « Cette nana ne sait pas jouer. Elle ne joue que son propre rôle ». Mais c'était une actrice née. Un génie, si on croit au génie. Parce que Norma Jeane n'avait aucune idée de qui elle était, et qu'elle devait remplir ce vide en elle. Chaque fois, elle devait inventer son âme. Nous autres, on est tout aussi vides ; peut-être qu'en fait tout le monde a l'âme vide, mais Norma, elle, le savait. »


J'ai préféré commencer ma critique de « Blonde », ce roman de mon auteure-fétiche sur une actrice que je ne connaissais très peu, par cet extrait qui résume tout le propos du livre.
Entendons-nous bien : Oates n'a pas voulu retracer la biographie de Marylin Monroe, elle l'a bien affirmé. Elle ne fait « juste » que tenter de comprendre l'insaisissable personnage qu'elle était. Insaisissable car considérée souvent comme une « grue », une moins que rien qui ne pensait qu'au sexe et à affoler les hommes par la même occasion, mais qui faisait preuve d'une telle profondeur de réflexion au-delà de son apparence superficielle qu'elle mettait souvent très mal à l'aise.
« Il était plus sage de rire que de pleurer. Plus sage de rire que de penser. Plus sage de rire que de ne pas rire. Les hommes l'aimaient quand elle riait. »


Personnage complexe, aussi. Etonnamment complexe. Et ici, Oates joue au psychiatre. Elle explore avec ténacité et lenteur extrême l'enfance de Norma Jeane, qui n'a jamais connu son vrai père et dont la mère est devenue folle alors qu'elle avait à peine six ans. En perpétuelle quête d'affection auprès de cette mère mythomane, elle a fini par aller en foyer pour orphelins. Puis recueillie dans une famille d'accueil, elle est poussée au mariage à 16 ans. Et la voilà jetée dans cette vie de femme à laquelle elle n'était pas préparée : vie de femme se déployant sous les regards concupiscents d'une multitude d'hommes.
« La vérité fondamentale de ma vie, que cela ait été la vérité ou une parodie de vérité : quand un homme vous désire, vous êtes en sécurité. »
« Les hommes étaient l'adversaire, mais il fallait faire en sorte que l'adversaire vous désire. »


Le désir de plaire, d'être aimée à tout prix vient donc de son enfance dévastée par un manque cruel d'affection et même de « reconnaissance » en tant qu'enfant.
Toute sa vie, d'ailleurs, sera une quête perpétuelle de reconnaissance de soi, y compris sa vie d'actrice : « Echouer dans sa carrière d'artiste c'était échouer dans la vie qu'elle avait choisie pour justifier sa naissance injustifiée. »


Amant après amant, film après film, producteur après producteur, elle trace sa voie, la petite Norma qui se distanciera toujours de la grande Marylin.
Tant bien que mal, encensée par beaucoup, heurtée par tous.


Bon, je dois vous avouer quelque chose : j'ai lu les trois quarts de ce roman-fleuve, de plus en plus agacée par l'écriture chaotique de Oates mimant, je le reconnais, l'esprit tumultueux de cette femme-enfant, sa personnalité complexe ainsi que multitude d'autres voix .
A la fin, n'en pouvant plus, obsédée par cette femme, ses amants, ses films, par ce style lancinant et tortueux, j'ai jeté l'éponge.
Bien m'en a pris, car je me rends compte que ma critique a pris dangereusement le pli de la longueur ! Trêve donc de bavardages, je tente de me déprendre de cette oeuvre tentaculaire. Figurez-vous que j'étais prête à visionner les films de Marylin! Et toutes les nuits, ne parvenant pas à m'endormir après quelques pages de lecture, je me ruais sur Google pour voir ses photos !

Marylin Monroe est dangereuse, finalement ! Ou, bien réfléchi, ce serait plutôt Joyce Carol Oates...et là, je viens de comprendre. Elle m'a bien eue, cette auteure.
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L'histoire de Norma Jeane Baker alias Marilyn Monroe réinventée par Joyce Carol Oates.
On aurait pu croire que JCO ait fait un travail titanesque de documentation sur la vie de Marilyn Monroe, il n'en est rien. L'auteure a mis son immense talent de conteuse, à l'imagination sans borne, pour aller très loin dans le détail de cette vie autant hors norme que tragique. Personne n'aurait pu décrire avec autant de précision l'histoire de Norma Jeane, à part Norma Jeane elle-même. Et bien JCO l'a fait.
Dans un style toujours « Faulknérien », la plume de JCO décortique, dissèque, répare, raccommode avec une précision chirurgicale, la vie et la psychologie de la « Blonde ». Loin du cliché de la femme fatale qui a crevé les écrans technicolors ou inondé les couvertures des magazines, l'auteure nous décrit un être plein de faiblesses, la proie d'un monde machiste, le nouveau jouet des producteurs, une femme persécutée par les angoisses de son état d'orpheline.
S'il n'avait pas été précisé au début qu'il s'agissait d'une fiction, on aurait pu être persuadé que la star hollywoodienne avait livré tous ses secrets par le récit laborieux de Joyce Carol Oates. La multiplicité des chapitres, les longues énumérations d'anecdotes loin d'être ennuyeuses, fastidieuses ou soporifiques, finissent par créer un trouble hypnotique et fascinent.
« Blonde » est une oeuvre monumentale sur une femme non moins extraordinaire, bien mal grés elle.
Le récit de JCO restitue parfaitement le mythe, celui de la déesse qui s'est faite mortelle le temps d'une fraction d'existence.
En ce qui me concerne, je garderai le souvenir de cette version de l'histoire.
Traduction de Claude Seban.
Le livre de poche, 1110 pages.
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J'ai lu ce roman de 1110 pages pendant un week-end marathon auquel je m'étais engagée, et l'ai parcouru à la façon du coureur. L'expérience fut unique, l'essoufflement aussi. Surtout une très belle découverte : la plume de grande qualité de Joyce Carol Oates, que je connaissais pour l'avoir écoutée souvent.
Blonde, saga-épopée dédiée à une étoile filante, Marilyn l'éblouissante, l'enviée, la désirée, la marchandée, passagère éclair entre les deux portes de la vie.
Images célèbres de la célébrissime se mirent à défiler devant mes yeux, souvenirs de quelques films vus et revus : Sugar Kane dans Certains l'aiment chaud de Billy Wilder, Kay dans Rivière sans retour de Otto Preminger, Angela dans Quand la ville dort de John Huston, Rose dans Niagara de Henry Hathaway, la voisine dans Sept ans de réflexion de Billy Wilder, Lorelei Lee dans Les hommes préfèrent les blondes de Howard Hawks, Roslyn dans Les désaxés de John Huston.
Biographie fictive, d'une vie brève qui a laissé en héritage un mythe, a fait couler des fleuves d'encre, a rempli des océans d'images.
"La célébrité était un incendie que personne ne pouvait maîtriser, pas même les patrons de studio qui s'en attribuaient le mérite.". "Vie et rêve... feuilles d'un même livre", Marilyn Monroe, Norma Jeane, rêve ? réalité ? ou les deux ? dans un mélange pas toujours équilibré et dont elle a été la proie.
Le roman effeuille l'habit éclatant de la star pour pénétrer la grotte cachée de la femme, y découvrir un coeur, des interrogations, des doutes, des faiblesses, des blessures mal soignées, des profondeurs non atteintes, inimaginables, rarement imaginées, des ambitions, une détermination et une lutte pour avancer et tenir. La transformation d'une femme en produit marchand, d'une vie privée en vie publique sous les projecteurs éblouissants. Être et paraître, jeu aveuglant des miroirs, les dessous d'une étoile filante, tricherie reconnue, acceptée et rejetée, jeu de ping-pong. On ne se demande pas qui est la balle.
Livre-film en cinq séances rythmées sur des ombres accouchant des éclairs en plans séquence, gros plans, fondus enchaînés, aussitôt apparus aussitôt disparus, pages-images où l'incroyable surréalisme fait des passages rapides, l'arrêt sur image surprend un instant, après, il s'évapore, travellings sophistiqués, enchaînements des mouvements et une voix off à multiples voix. Sa longueur impressionnante, à mon avis, ne fait qu'équilibrer le passage rapide de la comète Marilyn. le roman va dans les coulisses de la vie privée et des arrangements et négociations qui préparaient le choix des acteurs, les contrats, la naissance du film. Il s'arrête souvent, surtout pas pour des pauses, sur la scène américaine après la guerre, le maccarthysme et la chasse aux sorcières, toute une mentalité, hommes et femmes très inégaux, essais nucléaires désastreux et à longue portée.
Les plusieurs niveaux d'écriture suivent de près les plusieurs niveaux de réalités : la vie intérieure de la femme Marilyn/Norma Jeane, la scène sous les feux des projecteurs, les rôles, ce qu'elle était et ce qu'elle représentait pour les autres. Sous l'oeil de la caméra, sous les feux des studios, lumières d'étoiles, nuit sombre et froide, elle est à la recherche d'un feu qui chauffe sans brûler.
Le réel et le fantastique, la mémoire et ses farces, jeux cruels. "Une grande partie des souvenirs sont des rêves, je crois, de l'improvisation. Un retour dans le passé, pour le changer."
Rythme syncopé d'une vie surprise, méprise et confusion, erreur, vie glissante comme une patinoire, miroir alléchant et cynique, vie timide dans un feu d'artifices, aguichante, grisante, perturbante, et finalement décevante. "Norma Jeane n'aimait plus autant les films. Ils étaient si... pleins d'espoir. A la façon dont les choses irréelles sont pleines d'espoir."
Des voix s'entremêlent, se confondent, rêve, réalité, les images-souvenirs envahissant la mémoire n'en font qu'une toile.
Le style, comme la vie, entre rêve et réalité, épouse la narration, la voix off, les souvenirs, les témoignages ; tantôt vif et enlevé, tantôt serré, chargé, il effleure le fantastique, finit par s'alourdir jusqu'à l'obsession pesante qui devient rivière sans retour vers les chutes de Niagara qui emportent tout.
Très peu allaient plus loin que la surface de Marilyn, beauté éphémère aimée et exploitée ; mais elle-même, Norma Jeane, jusqu'où allait-elle ? elle avançait et reculait, dans les deux sens avec hésitation et courage fêlé, une hypersensibilité mortifère sans issue, des hauts et des bas épuisants, des absences, sa mère une absente, son père une photo, une absence. La vie est-elle une parenthèse ? entre quoi et quoi ?
Joyce Carol Oates regarde à la loupe la surface miroitante, et interroge chaque reflet à l'aide du microscope, et finalement laisse beaucoup de points d'interrogation tels qu'ils sont, sans réponse.
Les projecteurs éblouissants se sont retirés dans les coulisses avec leur lumière aveuglante, les bruits extérieurs assourdissants et blessants se sont tus, et la part d'ombre de Marilyn, Norma Jeane, s'est ouverte à la lumière du jour celle qui émerveille sans faire de mal.
Elle voulait être aimée pour ce qu'elle était vraiment ! Mais ce "vraiment", le savait-elle ? Etre et paraître, souvent le pont entre les deux est instable et ce quelque chose qui manque crée un point faible, une fragilité empêchant le lien solide. Une feuille frémissante de vie, un coup de vent peut l'emporter mais tant qu'elle y est elle habite l'arbre, ainsi que Marilyn habitait tous ses rôles.
Norma Jeane voulait rester ce qu'elle était. "Elle voulait être reconnue pour une grande actrice et en même temps être aimée comme une enfant et on ne peut manifestement pas avoir les deux."
Elle a eu tout, mais pas l'essentiel.
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C'est un monument qu'a écrit Mme Oates, pesant à l'instar de cette femme dont la, courte, vie fut un roman.
Ce roman là que chacun est, pratiquement, à même de raconter tant le personnage est fascinant; l'autrice, elle, en a fait un chef d'oeuvre, de la petite Norma Jane Baker à la fin, la mort de la grande Marylin.

Cette Marylin là, sex symbol, égérie, vedette de cinéma mais tellement femme tout simplement et c'est tout à l'honneur de Joyce Carol Oates d'avoir réussi son sujet et amener son lecteur, moi, à cette évidente conclusion.

Car femme elle l'était Marylin et le sachant elle aura pratiquement toujours cherché à faire de sa féminité un atout lui permettant de monter les échelons de la notoriété. de ses tentatives dans le mannequinat, ses photos, parfois dénudées, jusqu'à sa réussite au cinéma, elle jouera de ses atouts physiques avant d'être reconnue pour son talent de comédienne.
Mais que cela ne fut pas facile. le prix à payer sera, parfois, lourd!

Mme Oates, romance cette vie, c'est moi qui l'écrit, mais je n'ai point trop de repères à ce sujet même si de par certaines lectures notamment sur les Kennedy ou sur des comptes rendus de films, je puis sinon affirmer au moins dire que connaître la vérité n'est guère facile, notamment sur les circonstances de sa mort.

Il n'en est pas moins vrai qu'avec le talent que l'on lui connaît, que je lui reconnais, le tableau ici brossé par l'autrice est formidable.

On pourrait s'effrayer sur la somme des pages mais bien au contraire, pour moi, tout a coulé comme un fleuve tranquille, page après page, sans bruit, sans lassitude avec quelques interruptions mais avec des reprises joyeuses de lecture.
J'ai (est-ce un bien ou pas) été accompagné dans cette lecture du portrait rayonnant de Marylin, là, juste devant mes yeux, vous savez bien celui en noir et blanc dans toute sa blondeur et son sourire dévastateur.

Un grand livre, une grande autrice et un mythe égal de Mickey et d'Elvis dans le coeur des américains notamment.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Mais qui est donc cette Actrice Blonde des années cinquante ? Un mannequin de cette époque lointaine où les rondeurs féminines étaient à la mode ? Une maîtresse d'un président américain, une pauvre écervelée morte d'une overdose ?

Dans ce roman biographique, Joyce Carol Oates présente un personnage beaucoup plus complexe qu'on ne pourrait croire…

- Une touchante petite fille marquée par la vie, qui habite chez sa grand-mère jusqu'au jour où elle la trouve morte, puis avec sa mère jusqu'au moment où elle tente de la tuer… et puis, une jolie fillette dans un orphelinat, qui rêve d'être adoptée et d'avoir une vraie famille.

- Une adolescente sage dont la beauté s'affirme et attire les regards, au point que sa famille d'accueil décide qu'elle doit se marier… à seize ans.
Une pin-up, une femme qui fait tout pour plaire, mais qui reproche aux autres de n'aimer que sa beauté…

- Une actrice qui joue des rôles, s'identifie à ses personnages et ne sait plus quel est son propre rôle, et qui devient ainsi une Marilyn qui n'est pas une personne, mais une création du Studio…

- Une blonde ignorante, mais qui lit l'Origine des espèces ou les Pensées de Pascal et qui voudrait jouer du Tchekhov

- Une star toujours en retard sur le plateau au mépris de tous les autres, qui donne une image de suffisance, mais qui doute toujours d'elle-même…

- Une femme entourée d'admirateurs, mais atrocement seule, qui n'arrive pas à créer des liens durables avec les autres...

- Une créature exploitée par les Studios, qui s'enfonce peu à peu dans la brume des médicaments…

J'avais hésité à entreprendre cette brique intimidante, un lourd pavé de 976 pages, mais la recommandation de Gwen a vaincu mes appréhensions et je suis bien contente de cette incursion dans le milieu du théâtre et du cinéma. Ce n'est pas une lecture facile, avec parfois une impression de longueur, mais surtout avec l'inconfort de l'exploration des profondeurs de l'âme et de la santé mentale. La plume de Joyce Carole Oates dissèque impitoyablement les émotions et nous fait partager les grandeurs et misères de la star disparue bien avant de connaître la vieillesse.
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Cinquante ans après sa mort toujours nimbée de mystère, Marilyn Monroe n'a pas cessé de fasciner. Parmi la multitude d'ouvrages qui ont exploré son destin, la reconstitution à la fois crue et onirique imaginée par Joyce Carol Oates est d'une puissance à couper le souffle.

Dès les premières pages de "Blonde", le ton est donné. La mort prend les traits d'un petit coursier qui vient sonner au 12305 Fifth Helena Drive, la demeure californienne de Marilyn. Puis le film commence, et l'on plonge dans l'enfance chaotique de la jeune Norma Jeane, marquée par une mère cruellement instable et par l'absence de père, qui lui fera appeler "Papa" tous les hommes de sa vie...

« "Blonde" est est une "vie" radicalement distillée sous forme de fiction et, en dépit de sa longueur, la synecdoque en est le principe. » annonce Joyce Carol Oates en préambule. Effectivement, l'auteur déroule la vie de son héroïne comme un film et son making-of, en sélectionnant uniquement quelques événements (foyers de placement, amants, films, maris...) pour les décrire sous forme générique. Ainsi, les principaux protagonistes que chacun connaît ne sont pas nommés mais désignés par leur caractéristique principale : l'Ex-Sportif, le Dramaturge, le Président... Marilyn elle-même devient l'Actrice blonde.

Le livre est très structuré dans la progression chronologique de la biographie et de la filmographie de Marilyn. En revanche, il est complètement déstructuré dans le style narratif, qui pourra en déconcerter plus d'un, mais que j'ai trouvé osé et génial. J'ai vraiment eu l'impression de partager l'intimité de la star et de ses proches. Les pensées, hallucinations ou poèmes fictifs de Marilyn, insérés en italique dans le récit, rappellent les monologues d'Ariane dans Belle du Seigneur. Ici, il s'agit plutôt de la Belle du Président, mais cette dernière passion n'en fut pas moins funeste...

Entre mythe et réalité, "Blonde" laisse libre cours au talent de Joyce Carol Oates pour capter avec intensité la détresse de celle qui fit tant rêver.
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