Même quand il veut se faire passer pour un grizzli,
Chris Offutt garde un côté nounours, un sentimental de fond certainement, et son livre a le charme envoûtant des gros durs au coeur tendre.
L'auteur a vraiment le don de rendre ses personnages attachants, un talent énorme pour leur donner une épaisseur et restituer leur complexité.
On est pourtant dans un monde sans pitié ;Tucker, jeune rescapé de la guerre de Corée, retourne dans son Kentucky natal, gens de peu oubliés de la civilisation, et survit comme il peut entre corruption, prison et règlements de compte. Mais il se tire de ce bourbier avec dignité, et même panache, aimanté par un amour puissant pour ceux qu'il aime.
La nature est aussi pour lui une alliée de toujours, un monde parallèle fluide et intense, où il trouve protection, apaisement, accord intuitif. A l'inverse du monde des hommes où il est toujours sur la défensive, tout dans la nature se prête à la compréhension ; depuis petit, il a appris à l'observer, l'essayer, se souvenir des associations, se laisser traverser, infuser par elle. Un sédatif, un éveil, un langage.
Le courant est passé à 100% pour moi, j'étais en connexion totale avec ses personnages, sur la même longueur d'ondes que Tucker, jeune père plein de délicatesse pour les siens, notamment son fils handicapé, et qui lui parle de toutes les parties de pêche qu'ils feront plus tard, même si elles n'auront jamais lieu.
Quand on ajoute que l'auteur n'est jamais contre une bonne blague (et du Kentucky !) entrelardée dans les dialogues, le tableau du livre aux petits oignons est complet.
J'ai vraiment trouvé dans ce livre le cocktail de tout ce que j'aime : des personnages ancrés et complexes, de l'humour, un rapport intense à la nature, une réflexion sur la vie au pied léger ; le top quoi !