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Anatole Pons-Reumaux (Traducteur)
EAN : 978B096VHY7XB
144 pages
Gallmeister (03/06/2021)
3.82/5   58 notes
Résumé :
Le déracinement, la route, l’errance, comme une part de l’identité de l’Amérique profonde. Huit histoires de petites gens du Sud qui survivent de leur mieux, entre jobs précaires et bouteille, violence quotidienne et solitude, espoir et résignation. Le portrait saisissant d’un univers dont la rudesse exprime une sensibilité à fleur de peau, par l’auteur du magnifique Nuits Appalaches.
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Classique. le pick-up, la poussière et le juke-box illuminé. Ambiance country, ambiance Kentucky. Qui y est né y reste, telle serait la devise de l'état. Loin de toute civilisation, presque perdu au milieu d'un désert de poussière, des néons illuminent le bout de la route, rectiligne depuis des kilomètres de vide. Mais à des kilomètres du mythe, j'entends cette musique, je perçois cette odeur de T-Bone au grill, je vois même des volutes de fumées de cigarettes comme dans le temps on voyait le crépitement d'un feu de camp d'un camp sioux ou apache. le Pig's Eye. Ça réchauffe un peu de mon âme gelé.

Les portes du saloon s'ouvrent, des cris et des rires, de la sueur et des bonnets D. Je vois une dame, seule au comptoir, crinière brune longues jambes, elle parle à sa bière. Je m'assois à deux tabourets d'elle, je ne veux pas m'imposer. On me sert une bière, je la siffle, la bière. Pas la femme, ni la serveuse. de toute façon, je sais pas siffler. Je ne dis rien, je bois juste le regard porté sur la vie de cette Amérique profonde. Elle ouvre la conversation, à ma grande surprise, à son grand sourire. 
- C'est où, chez vous ?
- Kentucky.
- Quelle partie ?
- Celle que les gens quittent. 
Voilà, tout est dit. le Kentucky, il faut y être né pour y rester.
On se quitte sur un sourire, avant des larmes. Je remonte dans le pick-up, chevaucher la poussière de la nuit sur mon destrier rouillé.

Direction nulle part.
A la recherche d'un nouveau bar.
Une lumière tamisée,
je commande un whiskey.
La serveuse, une rouquine qui aurait pu être carmélite si elle ne portait pas aussi bien sa chemise à carreaux trop serrée et sa jupe en cuir si bien moulée.
Des clients anonymes, santiags aux pieds, stetson vissé.
 
Là, dans la pénombre, je vois des gens simples qui triment la journée sous le soleil rouge et qui se divertissent la nuit sous la lune bleue. En les observant, on pourrait écrire plusieurs recueils de nouvelles, rien qu'en évoquant leur vie et la poussière qui tourne autour. de jobs précaires en bouteilles vides, les histoires du Kentucky. de la violence, un peu de rudesse et beaucoup de solitude autour de ces âmes. 
 
Je prends une nouvelle fois la route, dans l'obscurité de mes phares fatigués. L'errance dans la poussière, dans la nuit, divagation nocturne, l'auto-radio qui crachote faiblement un Billy Ray Cirus. J'arrive au motel, là encore un coin perdu au bord d'une route, il reste une chambre. Je file direct au bar, commande un bourbon & branch. Et là, je la vois ; elle a les yeux fermés mais un sourire bandant, il est temps que je vous laisse...
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Les USA sont un pays de frontières : les océans sur les côtés, les lacs au nord, le Rio Grande au sud. Et l'espace aussi parfois… Au Kentucky, au sein d'un même état, la frontière est toute autre. Il y a les hommes des villes, et ceux des bois. Deux mondes qui se côtoient, en ayant si peu en commun.

Quitter ces bois et franchir cette frontière invisible, c'est pour tous leurs habitants la nouvelle grande aventure américaine du siècle. Pas vraiment enthousiasmante, affreusement banale quand le travail ou les obligations familiales poussent ces migrants éphémères à quitter leurs terres pour affronter le quotidien sans passion de l'Amérique profonde et précaire.

Alors survient l'éternelle tentation, terriblement américaine, de tout quitter et de sortir définitivement de ces bois, à la fois rassurants et castrateurs. Mais dans le Kentucky, partir des bois, c'est trahir les siens. Et ça se paye souvent.

Comme dans Kentucky Straights hier, Chris Offutt dresse dans les huit nouvelles de Sortis des bois – traduites par Anatole Pons-Reumaux – un portrait singulier de ces gens des bois, petits humains au si grand coeur. Comme à son habitude, il n'a besoin que de peu de mots pour toucher juste et faire passer son flot empathique et ses atmosphères si particulières qu'elles en deviennent immédiatement reconnaissables.

Livre après livre, malheureusement trop rares, Offutt s'impose comme le chantre du Kentucky, à l'image d'un Rash pour les Appalaches. le retrouver est une fête, un bonbon qui se déguste doucement et qu'on a peine à quitter.

Et une fois encore, lecteurs qui « n'aimez pas les nouvelles », tentez celles-ci, en prenant le temps de les déguster entre d'autres lectures. C'est probablement une des meilleures façons de vous réconcilier avec le genre !
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Dans ce recueil de nouvelles, on rencontre beaucoup de personnages - surtout des hommes - originaires du Kentucky et l'ayant quitté. Des déracinés partis sur la route, des petites gens qui font de leur mieux pour survivre. Ils ont abandonné leurs collines pour une vie meilleure, mais galèrent encore.

J'ai aimé l'ambiance très américaine de ces histoires. On est dans l'Amérique profonde et rurale. Certaines histoires m'ont fait penser à Bukowski et Fante qui avec humour et humanité nous décrivent la vie des plus défavorisés et des marginaux.

Chris Offutt a une belle plume et le sens de la répartie, ses dialogues sont efficaces et souvent drôles. Derrière les gros durs se cachent des coeurs tendres, de la fraternité et de l'humanité.

J'ai été émue par les nouvelles «chouette rayée» et «exercice de tir» sur l'amitié et la relation père-fils quand «épreuve de force» m'a fait sourire par le cocasse de la situation.

Une belle découverte que ce Chris Offutt. Je pense continuer de le découvrir à travers ses romans. Ce recueil m'a permis de cerner ses principaux thèmes et de me familiariser avec son style vif et ironique.

Tu l'as lu ? Il t'a plu ? Lequel de ses romans me conseilles-tu ?

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Chris Offut sort du bois avec un recueil du cru sous l'bras.

Cet assemblage de nouvelles nous conte des histoires courtes, à la façon d'un petit album de polaroïds, on goûte les instantanés de vies, comme une photo prise sur le vif d'un anonyme, on compose avec ce que nous en dit l'auteur à travers sa vision.

Le prisme de l'authenticité est toujours celui prisé par l'auteur, et j'ai retrouvé dans ce recueil l'exploitation des thèmes qui lui sont chers : la misère sociale, la beauté de la nature, la cruauté de la vie, le temps qui passe, et cet attachement au lieu de naissance et cette ambivalence entre attachement affectif pour cette terre toujours connue et aversion profonde pour ces racines qui compriment les bottes dans la précarité.

Si la plume est toujours aussi agréable, évidente et certaine, j'ai tout de même trouvé Kentucky Straight plus coloré et un peu moins mélancolique. Oeuvre utile tout de même car elle met le doigt sur les diverses facettes de l'attachement à la terre natale et il y en a autant que d'individus..

L'oeuvre d'Offutt est noire et aussi dépouillée que le Kentucky qu'il dépeint si bien, je recommanderai toutefois au lecteur qui souhaite le découvrir de se tourner vers l'excellent Nuits Appalaches ou le recueil Kentucky Straight, ayant trouvé ce recueil un peu moins intense au niveau sensoriel et plus linéaire dans les destins qu'il narre.
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Comme dans Kentucky Straight, paru sept ans plus tôt, Sortis du bois proposait en 1999 (2002 en France) proposait à nouveau une série de tranches de vies d'habitants des collines et montagnes du Kentucky avec cependant un nouveau point de vue que met bien en avant la citation de Flannery O'Connor qui ouvre ce recueil de huit nouvelles : « L'endroit d'où vous venez n'existe plus, celui où vous pensiez aller un jour n'a jamais existé, celui où vous êtes ne vaut quelque chose que si vous pouvez en partir. »
C'est bien de cela dont il s'agit ici, histoires de départs décevants, de retours manqués et d'impossibilité de s'extraire du milieu et des lieux d'où l'on vient. Un tropisme d'autant plus fort chez les personnages qu'Offutt choisit de mettre en scène, issus de communautés repliées sur elles-mêmes et au sein desquelles les solidarités nécessaires le disputent aux haines inévitables qui ont tôt fait de tourner en d'interminables vendettas.
Gerald, obligé pour se faire accepter de la famille de sa femme, d'aller chercher le frère de cette dernière, blessé, dans le Nebraska et, donc, de quitter pour cela ses collines. le shérif-adjoint Goins, parti depuis longtemps des collines et des bois pour descendre dans le gros bourg du comté et confronté à une ancienne histoire de querelle familiale à travers un vieil homme et une veille femme. Tilden qui creuse des tombes dans l'Idaho. Zules le camionneur coincé par une inondation dans l'Oregon. Ray, à qui le fait de retrouver la communauté des gens du Kentucky à Detroit a donné l'envie de revenir dans ses collines et qui s'y trouve maintenant coincé. Eux et d'autres encore dont Chris Offutt croque ici le portrait, sont tiraillés par le désir de vivre mieux et le besoin de continuer à vivre comme ils l'ont toujours fait, entre la recherche d'une liberté individuelle, affranchie du poids des traditions de leurs communautés isolées, et le besoin viscéral de vivre hors du carcan des lois imposées par l'État. Ce sont ces envies et besoins contradictoires qui mènent régulièrement à l'explosion d'une violence parfois physique, toujours morale.
À mots comptés et pesés, sans s'arroger le droit de juger ses personnages mais avec la volonté de les montrer tels qu'ils sont, avec leurs failles et leurs forces, Chris Offutt nous offre une fois encore un magnifique recueil de nouvelles.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
- Je t'ai déjà dit ce qu'il y a de mieux à être coffré à St. Paul ? demanda Baker.
- La vue.
- Exact, mon pote. Le fleuve était juste en dessous. On pouvait regarder les bateaux toute la journée depuis ma cellule. Je parie que t'avais pas de vue au Kentucky, hein ?
Tilden avait fait partie des premiers prisonniers envoyés dans un nouvel établissement du comté de Morgan. Les gens l'appelaient le Palais rose à cause de la couleur pastel de son enceinte. La prison était entourée de collines. Partois la brume au sol empêchait les hommes de sortir en promenade parce que le tireur d'élite de la tour n'y voyait pas assez bien. Les matins dégagés, chaque feuille d'arbre ressortait dans la lumière des montagnes. Leur présence était aguicheuse, comme la femme d'un copain qui aime flirter.
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Tous les jours après le travail, je m'arrêtais au Pig's Eye, un bar avec de la pression pas chère, un billard et un juke-box. C'était le genre d'endroit où on pouvait se saouler tranquillement, parce que les flics avaient trop à faire avec les bars étudiants du centre-ville. Le plus gros connard du rade était le barman. Il aimait mettre les gens dehors. Au Pig, on pouvait fumer des pétards, on pouvait jouer au poker, on pouvait se battre, mais celui qui buvait trop était banni. Ca m'a toujours semblé bizarre - comme d'expulser quelqu'un d'un hôpital parce qu'il est malade.
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Les nappes de brume matinale remontaient vers le ciel à l'est, strié de dentelle rose. Le visage de Beulah était sombre comme une asimine trop mûre. Un vichy enveloppait sa tête, recouvrant un mètre cinquante de cheveux gris. Elle portait un long manteau qui sentait l'essence et dissimulait son fardeau. Elle avait mal aux jambes. Un groupe de viréos s'envola d'un érable au bord de la rivière, une épaisse nuée de points noirs qui s'effilait à son extrémité comme un têtard. Beulah les observa, sachant que l'hiver serait en avance.
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Il roula jusqu'à Crawfordsville, prit une chambre et signala sa remorque abandonnée au shérif du comté. Zules était tellement épuisé qu'il était pleinement réveillé. Au bar du motel, il commanda un bourbon & branch. La seule cliente était une femme affalée au comptoir les yeux fermés, les deux mains autour d'un verre vide. Elle leva la tête.
- Je ne veux pas vous déranger, dit Zules.
- Vous ne me dérangez pas, dit-elle. Je vérifiais que mes paupières ne laissaient pas passer la lumière.
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Quelques semaines plus tard, j'ai rencontré une enseignante qui voulait déménager dans le Kentucky parce que c'était un endroit où elle aurait pu se rendre utile. On a passé quelques nuits ensemble. C'était un peu comme un test pour elle, un moyen d'évaluer les besoins du Kentucky. Je crois que j'ai été recalé, parce qu'elle est partie dans le Dakota du Sud pour travailler à la réserve sioux.
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Videos de Chris Offutt (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Chris Offutt
À l'occasion du Quai du Polar 2019, rencontre avec Chris Offutt autour de son ouvrage "Nuits appalaches" aux éditions Gallmeister.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2303417/chris-offutt-nuits-appalaches
Propos traduits de l'anglais par Fleur Aldebert
Notes de Musique : Bibliothèque Audio Youtube
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