Quand ma vie est rude ou au contraire très douce, j'ai un réflexe : aller me blottir dans un livre de
Yôko Ogawa, une autrice japonaise que l'on ne présente plus.
Il en reste 13 encore non lus dans ma bibliothèque… Alors, je prends tout mon temps pour les apprécier, comprendre les subtilités. Pour moi, un récit de
Yôko Ogawa, c'est toujours une escale particulière, un voyage dans un pays brumeux. Cette histoire là était très tendre,la relation entre les personnages, très belle.
Le personnage principal à 64 ans, c'est un ancien mathématicien spécialisé dans la théorie des nombres, qui a été victime d'un accident de la route, celui-ci lui a causé des désordres au niveau de son cerveau : sa mémoire s'arrête 17 ans plus tôt, en 1975, et ne peut plus retenir que 80 minutes, il ne peut plus accumuler de nouveaux souvenirs.
Il a un autre talent, celui d'inverser les mots sans se tromper en faisant des phrases entières dans ce registre.
Et il a la capacité de trouver la première étoile qui s'allume dans le ciel le soir.
Une femme de ménage de presque 30 ans, est embauchée pour lui par sa belle-soeur et chaque jour, celle-ci doit se présenter de nouveau à lui, il l'oublie elle aussi, malgré sa présence quotidienne. Sur la veste du vieillard, elle aperçoit un petit papier épinglé faisant mention de son existence, avec un petit dessin censé la représenter. Sur cette veste, il y a beaucoup de papier épinglé, qui sont souvent en rapport avec les nombres.
À force de gentillesse, de patience, de compréhension, elle gagne la confiance de l'homme. Elle lui présente son fils de 10 ans, qu'il surnommé Root ( racine) à cause de la forme aplatie du haut de son crâne.
Une relation va se nouer entre ces trois là, beaucoup de transmission auront lieu entre ces trois générations.
Un récit sur la mémoire, sur l'oubli, sur la nouveauté, la transmission.
“Ce sont les nombres premiers que le professeur a aimé le plus au monde. Je connaissais leur existence bien sûr, mais l'idée ne m'avait jamais effleuré qu'ils puissent constituer un objet d'amour. Cependant même si l'objet était extravagant, la manière d'aimer du professeur était tout à fait orthodoxe. Il éprouvait pour eux de la tendresse, de la dévotion et du respect, il les caressait ou se prosternait devant eux de temps en temps et ne s'en séparait jamais.”
“Chaque matin, lorsque réveillé, il s'habillait, le professeur se voyait annoncer la maladie dont il souffrait grâce à la note qu'il avait lui-même écrite. Il se rendait compte que le rêve qu'il avait fait un peu plus tôt n'était pas celui de la veille, mais de la dernière nuit d'un lointain passé où il avait encore de la mémoire. Il était terrassé en apprenant que son moi de la veille était tombé dans un gouffre de temps dont il ne remonterait jamais. le professeur qui avait protégé Root d'une balle perdue était déjà mort au fond de lui-même. Je n'avais jamais réalisé que jour après jour, tout seul sur son lit, le professeur continuait à recevoir cette cruelle déclaration.”