Huit nouvelles - Un dénominateur commun : le sommeil ou plutôt son absence. Jeux de miroirs entre les histoires, jeux de l'inconscient où le sourire se mêle au dégoût voire à la répulsion. Difficile de démêler les entrelacs, nous passons du réel à l'irréel : où la frontière se situe-t-elle?
Yôko Ogawa est maline, son écriture à l'accès aisé, ses descriptions qui situent rapidement mais précisément lieux et personnages, tous ces ingrédients permettent une lecture rapide qui nous immerge dans la nouvelle sans qu'on puisse la lâcher : où nous emmène-t-elle? Que comprendre? Que ne pas comprendre? (c'est peut-être dans ce vide et son silence que se trouve la clé). Faut-il tout comprendre? (peu importe, des traces restent, qui resurgiront un jour ou l'autre).
•C'est difficile de dormir en avion - On s'installe avec la narratrice, on écoute l'autre passager, est-ce un conte? est-ce une histoire vraie? Elle est belle et émouvante, un véritable "récit pour dormir" mais pirouette finale : "Il y avait un petit bloc de mort à l'intérieur de ma main." ...
•L'art de cultiver les légumes chinois - le chiffre 12 entouré sur le calendrier, l'étrange est au rendez-vous. Ombre et lumière divisent la vie.
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Les Paupières - Rideaux du regard. Un homme ridé à la chevelure impeccable, glauque, poursuit l'interminable secret de cette fine peau qui recouvre ces miroirs. Relation mystérieuse avec une jeune fille de quinze ans. Entourage de silhouettes non moins étranges.
•Le cours de cuisine - Soixante ans de déchets aspirés sous les yeux de la narratrice et de la cuisinière. Une musique métaphorique en fond. Des élèves fantômes. Une "certaine" légèreté.
•Une collection d'odeurs - Thème récurrent chez
Ogawa. Des odeurs collectionnées au paroxysme par une délicate personne. Des fioles, des flacons, des étiquettes, des étagères en hauteur et une découverte faite par le narrateur, découverte qui laisse pantois.
•Backstroke - Autre thème cher à l'auteur, l'eau,
la piscine. Un garçon dont on suit la descente aux enfers. On comprend tellement : subir l'exigence, la comparaison, être le meilleur... le corps parlera et ...
•Les ovaires de la poétesse - J'ai repensé à ce musée, à cette chambre où les gens déposent ou collectionnent des objets représentatifs d'une profondeur de leur souffrance, encore un thème de cette auteure. Ce musée en fait partie. Une jeune insomniaque part en quête de meilleures nuits dans une ville inconnue et visite le musée-mausolée de la poétesse. Son inconscient, grâce à cette histoire, se libérera et lui permettra d'accéder au sommeil.
•Les Jumeaux de l'Avenue des Tilleuls - Serait-ce l'histoire d'un vide, de deux vies siamoises à jamais liées à l'enfance saccagée par l'arrivée de la guerre et l'absence d'un père qui a "fui". Ces vies semblent arrêtées et s'être poursuivies à l'écart de la Vie. Il y a un malaise tout au long de l'entrevue entre le narrateur et les jumeaux.
Livre agréablement déstabilisant