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Je suppose que l'auteur s'est appuyé sur un solide travail de documentation et à ce titre le livre offre un intéressant point de vue sur le stalinisme. Cependant, des longueurs rendent sa lecture par moment un peu ennuyeuse. La construction style "poupées russes" : le narrateur raconte ce que lui a raconté quelqu'un, à qui le principal protagoniste de l'histoire l'a lui même raconté, est un peu lourde d'autant plus que chacun des narrateurs a sa propre vie dans le roman. La fin est connue, mais on se sent soulagé de la voir enfin arriver.
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Splendide roman qui apporte - et j'en manquais terriblement - un grand nombre d'informations sur les mouvements politiques communistes internationaux sur la période 1920 à 1940 ! Splendide roman car tout cela reste parfaitement abordable et digeste, ce qui était loin d'être gagné dans mon cas !

Ce récit nous présente trois époques grâce à trois personnages avec trois sortes de motivations, en fait trois types d'idéaux. Ce roman est ainsi riche à plusieurs niveaux !

Il est riche bien sûr par son contenu historique même si je n'ai la capacité ni même le souhait de vérifier toute la véracité de ce qui est annoncé. J'ai du tout de même pour moi régulièrement aller vérifier les dates des évènements pour leur mise en parallèle entre les différents pays présentés et comprendre les différentes ambiances nationales sur des périodes précises.

Il est riche par ses personnages. Comme toujours avec Leonardo Padura, ces personnages sont rendus consistants, emplis de contradictions et de doutes. Chacun ayant bien sa place et son histoire, ils ne font pas écraser par l'un ou par l'autre, seul est convenu qu'à un moment ils se rencontrent mais tout aura été déjà mis en place. le lecteur a bien la possibilité de placer son empathie ou son antipathie alternativement sur l'un ou l'autre sans compétition et sans gêne. Ce sont ces trois personnages qui nous racontent, trois hommes qui aiment les chiens.

Ce que j'ai particulièrement apprécié est que le lecteur a tout de même finalement toute l'opportunité de reporter tout son dégout ou sa colère, selon ses idées mais sans jugement politiques particuliers, vers un tout autre personnage – l'ennemi ou l'idole selon où nous plaçons. Car lui, étant seulement perçu par le regard des trois héros, n'a pas sa part de doutes ou la possibilité de se matérialiser humainement. J'ai trouvé ce petit tour de passe-passe d'écriture assez fort et assez brillant pour montrer en apparence une certaine neutralité et aucun jugement direct autre que les faits et la vision de deux êtres que tout oppose.

Il est aussi riche par son écriture. Je retrouve et reconnais maintenant après plusieurs livres, cette écriture et structure particulières de Leonardo Padura. de nouveau, il y a une sorte de superposition des personnages et des périodes avec finalement toujours pour objectif de dénoncer les conditions et la répression communiste à Cuba !

Même si ce roman, n'est pas un de ceux de la série des Mario Condé, il y a quand même comme un parallèle avec ce personnage et il me semblait le retrouver un peu tout de même dans ce Trotsky de Leonardo Padura. Leonardo Padura nous livre un Trotsky non pas au moment de sa splendeur non mais pendant sa période d'exil et comme on nous le laisse supposer pendant sa plus grande période de doutes et de nostalgie.

Pour conclure, c'est un grand livre, vraiment intéressant à de multiples niveaux et, qui toute conviction politique confondue, est bien loin de laisser indifférent !
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Ce livre est un mariage admirable, passionnant, entre la grande Histoire avec une majuscule et la petite, si décisive, à l'échelle des individus. Les deux personnages centraux étant Trotski et son assassin, Ramón Mercader dont on découvre et suit la vie, depuis son enfance jusqu'à sa mort. La découverte de ce que fut la vie de Trotski persécuté par le KGB fait réfléchir. Tout le passage sur la guerre d'Espagne et le rôle terrible de l'Union soviétique qui concourt à liquider la République au nom de la doctrine du « socialisme dans un seul pays » est passionnant et glaçant. le livre montre bien comment et on devient un assassin, et comment le criminel vit ensuite les conséquences de son acte. Un grand ouvrage, vivement recommandé.
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Extraordinaire roman, qui nous parle de la grande histoire du communisme !

En Russie, mais également en Espagne, à Cuba, et du formidable élan des peuples pour décider par eux-mêmes de leur destin...On suivra l'histoire de trois hommes, dont Trotski et celle de son assassin, et c'est passionnant.

Ah ben oui, MAIS !!!

Les hommes et le pouvoir ne font pas bon ménage avec les idéaux, et tout le monde a entendu parler des horreurs commises par Staline, de la prise de pouvoir de Franco en Espagne, mais au travers de ces trois trajectoires imbriquées, on touche du doigt l'immense perversion des systèmes qui nous gouvernent.

J'avais un peu peur des 800 pages de ce pavé, mais en fait, ça se dévore, car Leonardo Padura a une plume qui vous embarque, qui prend aux tripes, et nous emmène au plus près des petites histoires dans la grande.

J'ai adoré !
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Le livre alterne 3 récits : l'exil de Trotski jusqu'au Mexique, l'histoire de Mercader (celui qui a assassiné Trotski de coups de piolet) et la vie à Cuba du narrateur, un écrivain raté car victime de la censure qui se retrouve indirectement lié à cette histoire quand il rencontre par hasard Mercader sur une plage.
A travers l'histoire de Mercader qui est « dressé » pour devenir un stalinien parfait qui obéit aux ordres, le livre nous fait nous interroger sur l'engrenage de l'endoctrinement et les folies de l'esprit grégaire.
J'ai également beaucoup appris la vie de Trotski pourchassé, devenu l'ennemi numéro un déclaré de la Révolution. On entrevoit avec son sort ce qui va causer la chute du communisme : l'enfermement dans l'arbitraire et le totalitarisme.
Un roman historique comme on les aime : documenté, rythmé et subtil.
J'ignore quelles libertés Padura a pris avec la réalité (il rappelle dans ses mots de remerciement qu'il s'agit d'un roman ) mais je recommande vivement pour retraverser l'Histoire pendant plus de 70 ans (sur 800 pages !).
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Quel livre ! Et quel écrivain !

Ce roman historique de la vie de Trotsky (Lev Davidovitch), de son assassin Ramon Mercader et d'Ivan, un jeune homme se rêvant écrivain est tellement précis qu'on est parfois à la limite du document. C'est un livre passionnant (le travail de documentation est phénoménal) mais aussi, très exigeant.

La construction sous forme de triptyque (trois personnages, trois époques, trois vies) permet de maintenir un suspense réel, alors même qu'on connait l'issue de cette histoire. Bravo pour cette prouesse, d'autant que Padura réussit à tisser trois destinées qui vont se rejoindre, sans perdre le lecteur dans les différentes époques.

Bravo aussi d'avoir réussi à m'intéresser à la vie de Trotski, ce qui n'était pas gagné. Ceci étant, j'avoue avoir dû m'accrocher, surtout pour les développements politiques. Je me suis perdue (et un peu ennuyée) autour du communiste, de son idéologie, des espions, contre-espions, manipulations et mensonges divers. Je ne suis pas toujours parvenue à bien comprendre les relations et buts des uns et des autres. Mais ce n'est pas grave, car j'ai aimé tout le reste, les relations entre les personnages, leur profondeur, l'évolution du récit, la mise en scène pointilleuse des lieux et des périodes, l'atmosphère de crainte et de secret et cette densité narrative que sert une plume qui m'a envoûtée.

Ce livre est une découverte marquante autant d'une oeuvre que d'un écrivain.

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Un écrivain raté revient sur sa rencontre avec un homme mystérieux, propriétaire de deux magnifiques chiens russes qui, au fur et à mesure de leur conversation en vient à lui confier le récit de sa rencontre avec Ramon Mercader, l'homme sui assassina Leon Trostki.

Ma découverte de la littérature cubaine fut bien laborieuse avec ce titre. Si je dois reconnaître la puissance des mots de Leonardo Padura, ses descriptions très imagées sur les différents pays traversés par les personnages et sur les sentiments équivoques qu'ils éprouvent, ce fut malgré tout une lecture très lourde compte tenu de la teneur politique de l'histoire qui ma totalement perdu plus d'une fois. Je suis contente de l'avoir découvert et peut-être que j'essayerais un autre titre de l'auteur mais pour celui-ci c'était une lecture mitigé que je suis soulagée d'avoir terminé. A noter quand même que j'ai adoré le chapitre sur l'entraînement de Ramon qui était dur et très fort à lire.
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L'auteur tresse trois récits : celui du narrateur et son interlocuteur éponyme, Trotski et son assassin, Ramon Mercader. Ce gros livre fait revisiter l'histoire soviétique, la guerre d'Espagne avec les crimes staliniens du NKVD, la fuite de Trotski depuis son exil à Alma-Ata jusqu'au Mexique. Très documenté, le texte risque peut-être de lasser le lecteur, celui qui connait l'Histoire n'y apprendra rien, celui qui ne connait pas y verre trop de détails. Peut-être, mais tout se mérite ! Les personnages “annexesˮ ne sont pas sans intérêt pour donner un peu de vie au tragique de l'histoire. Sans indulgence, Padura peint l'aveuglement et la perversion idéologique des croyants communistes dont la religion a assassiné plus de personnes que la Sainte Inquisition. Trotski, Frère N° 2, comme on disait Chez Pol Pot, (Le N° 1 étant Lénine) a contribué à la mise en place du régime de terreur, dès le coup d'état bolchévique, bien avant que Frère Joseph prenne le relai avec le “succèsˮ que l'on sait. Hors l'Histoire proprement dite, l'auteur nous plonge dans les réflexions ou l'absence de réflexion des protagonistes pris dans le tourment idéologique de leurs croyances dans la parousie communiste, ou comment faire le bonheur des hommes, y compris contre leur volonté. Les personnages, les agents du NKVD, ceux qui ont survécu au goulag, revisitant leur passé et leurs crimes, restent au milieu du gué, ne cherchant même pas la rédemption, comme dans “Crime et châtimentˮ. La folie idéologique tient lieu à la fois d'excuse et de raison de leur vie, les deux indissociablement liées. Au-delà des événements, il s'agit d'une réflexion sur la responsabilité humaine que les circonstances ne sauraient oblitérer. Certains y ont échappé, lucides dès le début ou plus tard sur leur chemin de Damas personnel. Un livre à méditer pour éclairer les événements en cours et les idéologies à la mode. Idéologues rouges et verts, même combat.
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Je viens de terminer la lecture en espagnol du roman El Hombre que amaba a los perros de l'auteur cubain Leonardo Padura et j'aimerais vous en parler parce que je l'ai trouvé remarquable.
Je l'avais un peu mis de côté au cours des deux dernières semaines parce qu'en jetant un regard en passant sur les tablettes de la bibliothèque de ma blonde, mon regard était resté accroché sur 1491, une absolument formidable essai-synthèse d'un journaliste scientifique américain, Charles C. Mann, sur les plus récentes recherches archéologiques, anthropologiques et historiques sur le sujet des Amériques d'avant l'arrivée de Christophe Colomb, dont elle m'avait plusieurs fois recommandé la lecture. En plus, tout en lisant ce livre, j'ai découvert One vast winter count de Colin C. Calloway, une passionnante histoire des indiens de l'ouest de l'Amérique du Nord avant l'expédition Lewis et Clark (1804-1806) envoyée par le Congrès américain pour explorer les territoires que les États-Unis venaient d'acheter à la France en 1803.
Comme j'avais pris mon exemplaire de El hombre que amaba a los perros à la Bibliothèque Nationale et que je ne pouvais pas renouveler mon emprunt parce que quelqu'un d'autre l'avait réservé, j'ai dû laisser tomber mes nouvelles lecture pour retourner lire rapidement ce qui me restait à lire du roman de Padura afin de pouvoir le remettre.
Pourquoi je m'étais intéressé à ce roman ?
Je connaissais son auteur, Leonardo Padura, pour avoir déjà lu deux de ses romans précédents faisant partie d'une série ayant comme personnage principal Mario Conde, un policier de la Havane. Ces deux romans ne m'avaient pas vraiment épatés pour ce qui est de l'intrigue policière, mais, par contre, la description qu'on pouvait y trouver de la vie quotidienne à Cuba m'avait beaucoup intéressé. Je les avais lu en espagnol avec l'idée de me pratiquer à lire dans cette langue et c'est aussi dans ce but que j'ai fait de même avec El Hombre que amaba a los perros. Cependant le livre est disponible en français sous le titre L'homme qui aimait les chiens.
El hombre que amaba a los perros n'est pas un roman facile, car sa lecture exige une bonne base historique que l'on peut toutefois combler quand c'est nécessaire en consultant Wikipedia.
Trois univers sont décrit dans le roman et se partagent à tour de rôle les différents chapitres.
Cela commence d'abord par l'univers de Yvan, un cubain qui après la mort de sa femme se met à être hanté par le souvenir d'un homme qu'il a rencontré un jour, il y a plus de trente ans, sur la plage de Guanabo. Guanabo fait partie des plages situées à moins de vingt kilomètres de la Havane et qui sont très fréquentées par les cubains contrairement à d'autres plages, certes plus réputées internationalement, mais quasiment interdites aux locaux. Or, je connaissais déjà ces plages pour avoir séjourné à deux reprises à las playas del este et cela a contribué à augmenter mon intérêt pour ce récit. Ce mystérieux inconnu qui est toujours accompagné d'un chauffeur qui se tient en retrait vient faire courir ses deux chiens sur la plage. Des chiens russes absolument introuvables à Cuba, mais que Yvan connaît parce qu'il travaille comme rédacteur pour une revue de vétérinaires, un travail qu'il a accepté après avoir été écarté de la carrière d'écrivain dont il rêvait parce qu'il ne s'était pas conformé aux règles imposées par le régime castriste. Les deux hommes commencent à échanger ensemble et petit à petit, au fil de leurs rencontres, l'inconnu lui raconte la vie d'un homme qu'il présente comme son ami, mais qui s'avérera finalement être lui-même. Cet homme, c'est Ramon Mercader, l'assassin de Trotsky.
Le deuxième univers qui compose la trame de ce roman est celui de Trotsky. Un Trotsky que l'on retrouve en 1929 en Turquie après que Staline l'eut fait expulsé d'URSS. Cette partie du roman, quoique très intéressante, est un peu exigeante pour le lecteur, car il est nécessaire de connaître un peu l'histoire de l'URSS pour s'y retrouver. Mais, comme je l'ai dit précédemment, Wikipedia est là pour rafraîchir la mémoire quand c'est nécessaire. Trotsky, donc, le compagnon de Lénine et le fondateur de l'Armée Rouge est sorti défait de la lutte pour le pouvoir engendrée par la mort de Lénine et c'est Staline et la bureaucratie du parti qui a gagné. Réfugié pendant plusieurs années en Turquie, il essaie de rallier ses sympathisants pour s'opposer à la mainmise de Staline sur les mouvements marxistes du monde entier. Se sentant trop éloigné, il demande l'asile politique à la France qui accepte mais à la condition qu'il réside à l'extérieur de Paris et qu'il s'abstienne de toute activité politique, ce qui est bien sûr impossible. Il est donc expulsé deux ans plus tard, en 1935, et va se réfugier en Norvège où un gouvernement socialiste lui accorde une certaine sympathie. Mais il doit encore partir sous la pression à la fois des fascistes et du parti communiste norvégien pour aller au Mexique en 1937, où le peintre Diego Rivera et sa femme Frida Kahlo l'accueillent dans leur maison. Il y sera assassiné en 1940.
Le troisième univers du roman est celui de Ramon Mercader, un militant communiste espagnol recruté par la NKVD, la police secrète de Staline. Là encore, il faut une certaine connaissance du contexte historique pour s'y retrouver dans ce méli-mélo de luttes fratricides qui caractérise la guerre civile espagnole. Rappelons brièvement que cette guerre a été déclenchée par un coup d'état militaire mené par le général Franco pour s'opposer à l'élection d'un gouvernement socialiste en 1936. Les troupes fidèles au gouvernement étaient toutefois divisées entre plusieurs factions : communistes, socialistes, anarchistes, nationalistes, et ils allèrent jusqu'à se battre entre eux pendant que l'armée de Franco les attaquaient. Plusieurs écrivains célèbres (Malraux, Hemingway) ont écrit des romans qui racontent ce conflit qui a fait près de un million de morts dans un pays qui comptait 26 millions d'habitants. Retiré des combats par un conseiller soviétique qui était l'amant de sa mère, il reçoit un entraînement spécial et il est ensuite envoyé à Paris sous une nouvelle identité, Jacques Mornard. Il y fera connaissance avec une jeune américaine trotskiste qui l'introduira auprès de son chef.
Ce qui m'a étonné dans ce roman, c'est sa critique du régime cubain à travers la critique du stalinisme. Je ne pensais pas qu'un écrivain cubain vivant à Cuba et non exilé ailleurs à quelque part dans le monde pouvait écrire aussi librement. Quoique le nom de Castro n'y apparaît jamais, il est clair que les problèmes vécu par Yvan, le personnage de l'écrivain cubain, au cours de sa vie sont liés au fait qu'il vit sous un régime du même type que celui que Staline a imposé en URSS.
J'ai trouvé une critique du roman de Padura qui souligne que, étrangement pour un auteur qui se targue d'être un journaliste d'enquête et auteur de roman policier, celui-ci ne soulève pas la question de savoir pourquoi Castro a accepté que Mercader trouve refuge à Cuba après qu'il eut purgé sa peine de 20 ans de prison pour le sordide assassinat qu'il a commis.
Cette critique est selon moi pertinente, mais elle n'enlève rien aux qualités littéraires de ce roman.
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« Ce qui compte c'est le rêve, pas l'homme. »

« L'homme qui aimait les chiens » est un livre historique et politique captivant centré sur l'histoire d'un des assassinats politiques les plus révélateurs du XXème siècle.
Captivant, parce qu'il démêle les dessous de l'assassinat de Trotski dans le contexte très tendu des relations internationales de l'entre-deux-guerres et de la montée des totalitarismes profitant de la crise économique, politique et sociale.

Captivant également parce que Leonardo Padura entrelace la grande et la petite Histoire pour n'en faire qu'une. En effet, son personnage principal, Iván Cárdenas Maturell, écrivain cubain soumis à la dictature de Castro et vétérinaire à La Havane, rencontre durant l'été 77 un vieil homme étrange et solitaire qui se promène sur la plage avec deux magnifiques lévriers barzoïs.
Après plusieurs rencontres fortuites, l'homme va peu à peu se confier sur les événements qui ont conduit au meurtre de Léon Trotski. L'homme semble connaître intimement l'assassin de l'opposant en exil, grande figure de la révolution russe de 1917.

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L'histoire s'articule autour du destin de trois personnages que L Histoire va lier de manière tragique à travers le temps et l'espace. Un autre point commun qui les relie est leur amour pour les chiens et en particulier les lévriers Barzoïs.

Leonardo Padura entrelace leurs vies en trois brins narratifs qui se superposent à travers plusieurs époques. Par le biais de l'écrivain cubain, les voix du passé forment progressivement une tresse historique complexe autour de la lutte de pouvoir qui a opposé Staline à Trotski. L'Europe y apparaît comme un vaste échiquier où les dirigeants attaquent et contre-attaquent, conspirent et manipulent, s'allient ou éliminent leurs adversaires.

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Le premier fil est ancré à Cuba comme tous les romans de Leonardo Padura. Il est celui du narrateur du roman, personnage fictif dont j'ai déjà parlé précédemment. S'il peut paraître à première vue moins intéressant, je le trouve au contraire essentiel à plus d'un titre.

Tout d'abord, il est celui qui accole présent et passé, semblant attester qu'avec le passage du temps, les crimes d'hier s'effacent des mémoires collectives mais sans que personne n'en tire la moindre leçon. C'est comme si l'indicible et l'horreur se répétaient inlassablement, impunément.

Ensuite, Iván, en tant qu'écrivain, joue à mon sens le rôle de passeur, de témoin : en effet, la littérature joue un rôle précieux en témoignant d'une époque, en participant à la transmission d'une mémoire historique qui s'efface peu à peu.

De plus, cette partie de l'histoire est plus narrative et moins exigeante, ce qui apporte une respiration appréciable pour le lecteur. Pour autant elle est loin d'être négligeable car Leonardo Padura en profite pour aborder les conséquences de l'assassinat de Trostki à Cuba sous l'ère Castro. Elle nous immerge dans la réalité cubaine. Il évoque ainsi l'homosexualité, la censure littéraire, la pauvreté, le manque de nourriture et de libertés, l'exil, …

Grâce à ce fil ancré dans le présent, l'auteur nous entraîne dans le passé et reconstitue avec beaucoup de talent les vies de Trotski et de Ramon Mercader.
Le côté historique, richement documenté et superbement écrit, est vraiment très réussi : l'auteur est parvenu à rendre le récit passionnant et très instructif.

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Le second fil développé par l'auteur est donc celui de Liev Davidovich Bronstein, dit Trotski. Déporté aux confins de la Russie orientale, dans les steppes du Kirghizstan, il sera par la suite expulsé de l'Union soviétique avec une partie de sa famille et trouvera finalement refuge au Mexique.
L'ombre menaçante de Staline accompagnera son exil, planant silencieusement au-dessus d'eux près à fondre au moment le plus opportun. Staline, qui tel un chef d'orchestre, impulse sa vision d'un monde centré sur sa personne, qui discrédite inlassablement son infatigable ennemi Trotski, élimine ses adversaires réels ou potentiels, rejetant sur eux ses échecs tout en consolidant par ailleurs sa position dominante dans les jeux de pouvoir.

« … l'histoire ne supporte pas de témoins »

J'ai eu de la compassion pour cet homme seul face à ses tristes années d'exil, ses erreurs passées, l'attente de la mort alors que son entourage est peu à peu décimé ; pour sa femme et ses enfants qui seront tous exécutés sur ordre de Staline. Certains moments de sa vie sont particulièrement touchants, la disparition de ses enfants, son attachement à son lévrier barzoï, sa foi inébranlable.

« L.D. est seul. Nous marchons dans le petit jardin de Coyoacán, et nous sommes entourés de fantômes aux fronts troués… Quand il travaille, je l'entends parfois lancer un soupir et se parler à lui-même à haute voix : ‘Quelle fatigue… je n'en peux plus !' »

« … il devait savoir que, le moment venu, ni l'acier, ni les pierres, ni les gardes ne pourraient le sauver, parce qu'il avait déjà été condamné par l'histoire. »

L'auteur rend bien compte de son statut à la fois de victime mais aussi de bourreau, d'où mes sentiments ambivalents, car il ne faut pas oublier que Trotski fut une des figures de la révolution russe de 1917 ; qu'empli de sa mission révolutionnaire, il fut le principal organisateur de l'Armée rouge et de la répression contre les opposants au régime communiste, n'hésitant pas à institutionnaliser la terreur, à exécuter sans pitié ses adversaires.

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Parallèlement au difficile parcours du leader révolutionnaire russe, l'auteur retrace dans un troisième et dernier fil, la trajectoire suivie par le meurtrier de Trotski, Ramón Mercader.
Ainsi, on plonge dans la guerre civile espagnole des années 30. Milicien communiste espagnol, on suit son parcours depuis son enfance tout en s'intéressant aux grandes puissances qui attisent les tensions dans le pays et tirent les ficelles du conflit entre républicains et nationalistes dirigés par général Franco.
On lit aussi la manière dont il va être recruté comme combattant de l'idéal soviétique pour devenir par la suite le bras meurtrier de Staline. Véritable caméléon, il adoptera de nombreuses identités pour se rapprocher lentement de sa cible, entrer dans son cercle intime, gagner sa confiance et au final, l'exécuter.
Même si le lecteur connaît par avance fa fin tragique de Trotski, j'ai aimé la tension qu'imprimait l'auteur plus la date fatidique du 21 août 1940 se rapprochait.

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Les personnages, principaux comme secondaires, sont particulièrement intrigants, fascinants, retors, monstrueux.
Je vous laisse découvrir comment Ramón Mercader a été manipulé, comment sa foi, ses convictions politiques, son besoin de reconnaissance ont été utilisés pour le modeler et en faire une marionnette fière de participer à cette mission d'envergure. Là encore, l'auteur a su montrer comment cet homme s'est retrouvé dans un engrenage meurtrier dont il n'a pu s'échapper et qui a fait de lui à la fois un sauveur, un bourreau et une victime.

« On lui avait tout pris, son nom, son passé, sa volonté, sa dignité. Et finalement pour quoi ? Depuis l'instant où il avait répondu « oui » … Ramón a vécu dans une prison qui l'a poursuivi jusqu'au jour de sa mort. »

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Même si l'auteur a parfois fait appel à la fiction, surtout en ce qui concerne la vie de Ramón Mercader pour laquelle ne subsistent que peu de documents historiques, il y a en revanche, une justesse et une profondeur dans l'écriture qui m'a plu.
C'est un récit troublant, empreint de nostalgie, hanté par la mort et la peur, nourri de vérités et de mensonges, de combats et de trahisons, de foi aveugle et de sacrifices, d'idéologies et d'arbitraire, de réussites et d'échecs, de rêves et de désillusions, de haine et de peur.

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L'auteur explore les thèmes de l'histoire du XXème siècle et les crimes des régimes totalitaires, de l'utopie politique jusqu'à la dictature légitimée, de la justification d'actes de barbarie sous couvert de créer un monde plus juste, de l'engagement politique jusqu'à l'endoctrinement, de la solitude et de la peur, de l'amitié et de la trahison, de l'exil et du déracinement.
Il évoque également le lien entre le pouvoir et l'art, thème déjà évoqué il y a peu à propos d'Hitler qui n'hésitait pas, lui non plus, à légitimer son pouvoir et son influence en faisant de l'art un instrument de propagande et d'oppression.

« L'art est une arme de la révolution.. »

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Pour finir, « L'homme qui aimait les chiens » est un récit superbement écrit, très bien documenté, qui mêle fiction et réalité historique.
Jamais fastidieux ni soporifique, ce récit m'a emportée dans les méandres de l'Histoire. Leonardo Padura est un auteur cubain pour lequel j'ai envie d'approfondir ses textes et ses thématiques.

*****
Cette lecture est le fruit d'une envie de découvrir cet auteur en lecture partagée. Je vous remercie tous pour ces échanges et ces regards entrecroisés qui permettent d'avoir un regard plus profond et nuancé sur les oeuvres.
*****
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