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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une fois de plus, Padura ne me déçoit pas. Hérétiques, Les brumes du passé et surtout L'homme qui aimait les chiens m'avaient emportée et je viens de dévorer ce Poussière dans le vent, totalement différent des précédents mais tout aussi passionnant.

On est cette fois dans un pur roman qui commence à Miami avec un jeune couple, dont l'un vient de quitter Cuba. Une photographie postée sur Facebook va faire remonter le temps : 8 amis soudés qu'on appelait le clan, Cuba fin des années 80, le suicide de l'un d'eux qui va provoquer la scission du groupe et l'exil de la plupart de ses membres. Nous voilà partis à travers les époques : du Cuba de la période « spéciale » quand l'allié soviétique s'est écroulé et que tout manque même le minimum pour survivre à maintenant, et à travers les lieux où sont installés les protagonistes : Cuba encore, Barcelone, Madrid, New-York, Miami.

Padura a su trouver une intrigue qui nous tient jusqu'à la fin de la lecture et a créé des personnages qu'on peine à quitter la dernière page tournée. Il est resté sur son île malgré le dénuement et j'ai eu l'impression qu'il y avait beaucoup de Clara en lui…

L'amitié, l'amour, l'exil et la mélancolie sont les grands thèmes qui traversent ce roman foisonnant et inspiré. Magnifique !
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Un vrai coup de coeur.
Un bonheur de lecture car tout y est réunit.
Une grande histoire, la vision du monde depuis Cuba qui évoque l'exil, la perte , la difficulté à se reconstruire ailleurs et la nostalgie.
De beaux personnages , l''Amitié avec un grand A et de ses loyautés à travers l'histoire de ce clan de 8 amis soudés depuis le le lycée ,qui commence en 1990 lors d'un anniversaire et se termine 30 ans plus tard avec la question " qu'est-ce-qui nous est arrivé?"
Ce clan constitué de personnages magnifiques, attachants, inoubliables, avec lesquels on rit, on pleure, on tremble, on est ému. Ce clan dont le pilier est une femme incroyable Clara ( clin d'oeil hommage aux femmes).
Une très belle écriture sensible et poétique, rien que ce ce magnifique titre plein d'évocation.
Un grand roman car on en ralenti la lecture dans les dernières pages pour ne pas quitter ce clan d'amis , pour continuer leur histoire, pour poursuivre notre plaisir, notre bonheur de lecture.
Roman inoubliable à LIRE RELIRE et OFFRIR
J'ai hâte de lire d'autres romans de L. Padura



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Poussière dans le vent fait pour moi partie de ces livres, dont j'ai ralenti la lecture des derniers chapitres, pour prolonger le plaisir. Et, là cette dernière page refermée, je me sens orpheline. Orpheline de ces hommes et de ces femmes qui m'ont accompagnée pendant quelques jours, des émotions incroyables ressenties à leurs côtés, de cette île au destin tragique, de ces cubains qui ont du mal à vivre bien, que ce soit sur leur ile ou dans leur exil.
Alchimie parfaite entre destins individuels et L Histoire avec un grand H, ce livre nous raconte la vie d'un groupe d'amis, le Clan. Ils se sont connus pendant leur enfance, ou un peu plus tard. Leurs vies vont prendre des directions très différentes, certains vont quitter l'ile vers l'Amérique ou l'Europe, d'autres vont y rester, essayant de survivre tant bien que mal, aidés par les subsides que leur envoient ceux qui sont partis.
2014 : le roman débute par la rencontre de Marcos et d'Adela. Marcos est un des nombreux cubains ayant choisi l'exil, c'est le fils de deux membres du Clan. Adela est américaine, fille d'un réfugié argentin et d'une exilée cubaine. Sa mère a complètement coupé les ponts avec son ile de naissance et Adela (par réaction ?) en a fait le sujet des ses études. Quelle n'est pas sa surprise de reconnaitre sa mère sur une photo de groupe, publiée par la mère de Marcos. Mais cette femme s'appelle Élisa, et non Loreta comme sa mère. Adela va vouloir comprendre.
L'auteur reprend ensuite à partir de l'époque de la photo (1990) l'histoire des membres du Clan. En 1990, peu après la prise de la photo, deux évènements vont secouer le groupe. L'un se suicide, une autre cette Élisa disparait. Et ces deux épisodes vont influencer directement sur la destinée de chacun d'entre eux. Les parties successives du roman vont s'attacher plus particulièrement à l'un d'entre eux et à son histoire, mais aussi à l'histoire d'Adela dont l'origine est brutalement remise en cause.
C'est un roman riche, foisonnant, qui à travers les destins de quelques personnes nous montre les conditions de vie à Cuba au cours des dernières décennies, comment le déclin des état communistes en Europe a fait de cette ile un pays perdu, où trouver à manger était un problème, où les magasins étaient souvent vides, où les communications étaient restreintes, un pays qui restait communiste envers et contre tous, un pays qu'on pouvait difficilement quitter, et dans lequel une fois parti il était compliqué de revenir, un pays où l'état et la police créait un climat de peur, où tout un chacun pouvait se croire espionné.
Le thème de l'exil est abordé à de nombreuses reprises par l'auteur, expliquant la difficulté de l'exilé à reconstruire une vie, pas tant sur le plan matériel, que sur le problème de l'appartenance. Comme le dit l'un de ces exilés « nous ne sommes dans la mémoire de personne et personne n'est dans notre mémoire à nous ». Même ceux qui ont le mieux réussi dans l'exil, ne se remettront jamais complètement de leur départ « cette chaleur n'était pas sa chaleur, ses nouveaux amis étaient seulement cela, des nouveaux amis, et non ses amis, ce qu'il avait perdu était irrécupérable ».
J'ai appris beaucoup de choses pendant cette lecture. J'ai surtout aimé ces hommes et ces femmes, j'ai ressenti leurs émotions, la force de l'amitié qui les lie malgré les aléas de la vie et la distance géographique imposée par l'exil. Je les quitte à regret.
« Pour Clara, bordel de merde ! parvint à crier Bernardo.
- Pour Clara ! lui répondirent les autres, qui furent encore capables de sourire et de boire, avant que certains d'entre eux, Irving en tête, ne se mettent à pleurer quand Ramsés, comme vingt-cinq ans plus tôt, mit la chanson de Kansas qu'aimait tant Bernardo et qui leur rappelait ce qu'ils étaient tous, ce qu'était toute la vie : Dust in the wind. »

Merci infiniment aux éditions Metailié pour ce partage #Poussièredanslevent #NetGalleyFrance
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Poussière dans le vent est un roman choral d'une grande intensité, très rythmé, qui m'a enthousiasmé comme tous ceux que j'ai pu lire de cet auteur, à savoir, L'homme qui aimait les chiens, La transparence du temps et Retour à Ithaque.
Adela et Marcos ont vingt ans. Elle arrive de NewYork, est tombée amoureuse d'un balsero, un réfugié cubain. Elle s'est installée avec lui à Hialeah, ville située à côté de l'aéroport de Miami, où vivent beaucoup de cubains qui se sont exilés et qui essaient de retrouver leur identité et de se reconstruire en ayant vivantes les traditions de leur île, un inepte caprice de jeunesse, pour sa mère.
Un jour, Marcos reçoit de sa mère, Clara, une photo de groupe prise en 1990 dans le jardin de leur maison. C'était le 21 janvier, jour anniversaire des trente ans de sa mère. Lui, n'avait que six ans. Marcos et Adela l'étudient pour tenter d'identifier les différents personnages. Adela est aussitôt intriguée et très troublée par cette photo et va chercher à en savoir davantage.
Trois jours après cette fête, un orage avait de façon étrange et définitive altéré le cours de l'existence de chacun des membres de ce groupe d'amis, baptisé le Clan, car le lendemain même de la fête, l'ami des parents de Marcos, Walter qui prenait la photo est mort. Il s'est suicidé … (ou pas). D'autre part, l'amie de la mère de Marcos, Elisa, enceinte on ne sait pas vraiment de qui, a disparu après cette photo.
Si ce n'est pas à proprement parler un roman policier, Poussière dans le vent est un roman qui comporte beaucoup de mystère, un suicide mystérieux et une paternité mystérieuse et l'on va s'interroger tout au long du roman pour tenter de résoudre ces deux énigmes.
C'est donc en 1990 que débute le roman, un an après la chute du mur de Berlin puis la quasi fin du socialisme en Europe de l'Est. Cette période est spéciale pour la société cubaine, Cuba se retrouve complètement isolée, sans aucune ressource économique, sans aucun allié commercial, sans aucun appui politique et sans ressource économique. Il y a donc une rupture dans la société cubaine et de nombreux jeunes gens, fatigués, obligés de se démener pour faire face aux innombrables pénuries matérielles et alimentaires, désenchantés et voyant tous leurs espoirs anéantis prennent le chemin de l'exil, poussés par un besoin vital de liberté. Ce sera le cas de huit de ces amis soudés depuis la fin du lycée et confrontés aux transformations du monde et à leurs conséquences sur la vie à Cuba. Deux resteront sur l'île, Clara et Bernardo, car sans doute pour Clara, il lui était plus facile de résister que de se reconstruire.
En suivant ces huit membres du Clan, Leonardo Padura nous entraîne et nous fait vivre au plus près de cette diaspora cubaine.
Il est à noter cette ambivalence chez ces exilés cubains qui consiste à renier sans cesse leur île sans pouvoir ou vouloir s'en défaire.
Remarquable roman sur l'exil, très pertinent sur le fond, Poussière dans le vent est en plus et peut-être encore davantage un roman sur l'amitié, la fidélité et sur l'amour, amitié et confiance entre eux, véritable refuge qui leur permet de surmonter les difficultés, de dépasser les faits et de faire face aux situations souvent très difficiles. C'est un roman, néanmoins traversé par la peur qui est quasiment omniprésente, le soupçon et la peur que l'autre ne vous dénonce, d'où nécessité de s'adapter.
Leonardo Padura réussit d'ailleurs à toucher le lecteur, par ses personnages bien sûr, mais surtout par les valeurs universelles qui les habitent, à savoir la peur, l'amitié, l'amour.
Un très grand roman sur une petite île, comme aime à définir Cuba, Leonardo Padura lui-même, Poussière dans le vent, « Dust in the wind », en plus d'être une fine et talentueuse peinture de l'âme de la société cubaine permet de suivre L Histoire mondiale.
Pour terminer, je ne résiste pas à vous offrir le refrain de cette belle chanson du groupe Kansas auquel il est fait référence à plusieurs reprises dans le livre :
Dust in the wind de la poussière dans le vent
All we are is dust in the wind Nous ne sommes que de la poussière dans le vent
Dust in the wind de la poussière dans le vent
Everything is dust in the wind Chaque chose n'est que de la poussière dans le vent
The wind… le vent...

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Le livre s'ouvre sur la rencontre de deux jeunes gens, Adela et Marcos, âgés d'une vingtaine d'années qui sont tombés amoureux.

Adela Fitzberg est née à New-York, d'un père psychanalyste qui a fui la dictature argentine et d'une mère, Loreta, vétérinaire Cubaine en exil qui rejette systématiquement tout ce qui a trait à son île natale.

Marcos vient de quitter Cuba pour tenter sa chance, gagner sa vie le mieux possible à Miami, chacun fuit pour une raison qui lui est propre…

Ils se sont rencontrés parce que Adela a décidé de faire des études de lettres hispaniques et a choisi une université à Miami au grand dam de sa mère. On imagine la réaction de cette dernière quand elle lui a annoncé leur décision de vivre ensemble : elle a disparu de la circulation, purement et simplement.

Un jour, Adela tombe sur une photographie de la famille de Marcos et de leurs amis, prise lors d'un anniversaire et une jeune femme enceinte attire son attention car il s'agit probablement de sa mère. Et l'histoire peut commencer.

Retour à Cuba, où le communisme (le castrisme) bat son plein, des amis sont réunis à la villa Fontanar qui appartient à Clara, ingénieure et son mari Dario, neurochirurgien et leurs deux enfants Marcos et Ramsès. Il y a là Irving, et son compagnon Joël, Elisa Correa, fille de diplomate ayant beaucoup voyagé et son époux Bernardo, Horacio, docteur en physique, dont lepère Renato a fui Cuba dès la révolution, et Walter, artiste peintre ayant étudié à Moscou dont il s'est fait renvoyer, Liuba et son mari Fabio. Ils constituent « le Clan ».

On fête l'anniversaire de Clara et la préparation du départ de Dario en Espagne, alors que Walter, persécuté qui se dit espionné par le gouvernement tente de persuader Dario de l'aider à fuir.

Le lendemain, Walter est retrouvé mort : il se serait suicidé en sautant d'un toit. Mais, cela semble étrange donc, vont survenir les interrogatoires musclés, notamment pour Irving, homosexuel donc forcément louche. Et, tout aussi étrange, Elisa disparaît sans rien dire à personne.

L'URSS est en train de s'effondrer, exit le mur de Berlin, donc Cuba perd un allié de poids et va sombrer dans la pauvreté, la faim, car tout manque, malgré « les longues queues » qu'il faut faire pour trouver quelque chose à manger ou autres denrées de première nécessité.

Tout le monde finit par s'exiler : Dario à Barcelone, en 1990, puis Irving et Joël à Madrid, Horacio à Miami en 1994, puis San Juan, Liuba et son époux Fabio, à Buenos Aires, obligés de laisser derrière eux leur fille Fabiola…

Bien-sûr, on se demande si Elisa et Loreta sont une seule et même personne, et si oui, qui est le père d'Adela ? mais également qui est a trahi qui ? Walter s'est-il suicidé ou a-t-il été assassiné ? Mais, le roman va beaucoup plus loin…

Leonardo Padura nous raconte les liens qui se sont formés entre tous les membres du Clan, leur évolution, comment ils sont arrivés à se construire une autre vie, et à travers chacune de ces vies, on se rend compte que chacun détient une part de la vérité, sur Elisa, sur son père, fonctionnaire en vue du régime, sur Walter et c'est ce qui fait la force du récit, avec en fond sonore cette chanson de Kansas :

« Poussière dans le vent,

Nous ne sommes que de la poussière dans le vent. »

Et, encore et toujours cette même phrase lancinante, autant que la chanson de Kansas, « que nous est-il arrivé ? »

Leonardo Padura parle tellement bien de l'exil (vous savez à quel point ce thème m'est cher !), de la difficulté de se reconstruire ailleurs, car on ne se sent chez soi nulle part, comme Dario qui milité pour l'indépendance de la Catalogne, pour pouvoir avancer, alors qu'il a réussi sa nouvelle vie, ou comme Irving qui ne supporte pas la chaleur de Madrid, comme si le soleil n'était supportable qu'à Cuba.


L'écriture est très belle, pleine de poésie, de sensibilité, et de lucidité, pour évoquer la douleur l'exil, l'émigration, la désillusion, la nostalgie, le retour fantasmé…

Vous l'avez compris, j'ai vraiment adoré ce roman, pavé de 600 pages environ, que j'ai fait durer le plus possible, alors que la lecture était addictive.J'ai encore des étoiles plein les yeux…J'espère ne pas avoir trop radoté, sous l'effet de l'émotion! en résumé: il faut le lire…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Métailié qui m'ont permis de découvrir ce roman et de me plonger enfin dans l'univers d'un auteur magistral.

#Poussièredanslevent #NetGalleyFrance
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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De Leonardo Padura, j'avais lu et critiqué en avril 2019 L'homme qui aimait les chiens, un long roman historique aussi passionnant qu'un thriller. L'auteur, un Cubain résidant à Cuba, n'éprouvait aucune peur à y dévoiler des faits allant à l'encontre du récit national officiel. Une lucidité et un courage qui ne l'empêchent pas de se sentir profondément cubain, comme cela saute aux yeux dans Poussière dans le vent, son dernier roman.

Dans le premier chapitre, le romancier s'étend longuement sur la rencontre suivie d'un coup de foudre entre deux personnages : Adela, une jeune New-yorkaise très brune, anglophone, estampillée « états-unienne », ayant toutefois la vague conscience d'une part d'hérédité cubaine ; et Marcos, un jeune Cubain survitaminé, fraîchement débarqué à Miami et bien décidé à profiter à plein de l'american way of life. Et voilà qu'au hasard d'une vieille photo d'un groupe d'une dizaine de personnes, prise lors d'un anniversaire en janvier 1990, les deux amoureux découvrent que vingt-sept ans plus tôt, à La Havane, leurs parents étaient des amis proches.

Un début d'histoire ressemblant à un achèvement ! Me restaient près de six cents pages à lire et je me suis demandé comment la suite pourrait s'inscrire dans une trame romanesque susceptible de captiver mon attention.

C'est justement au lendemain de ce jour de janvier 1990, que commença à se disloquer le Clan, selon le nom donné par de jeunes trentenaires à leur groupe presque inséparable d'amis d'enfance et d'adolescence. Que s'était-il passé ? Et que s'est-il passé depuis ? Ou plutôt, pour paraphraser la question que n'arrêtent pas de se poser Clara, Bernardo, Dario, Horatio, Irving et les autres : mais qu'est-ce qui leur est-il arrivé ?… Et Walter, tombé du dix-huitième étage, que lui est-il arrivé : suicide, accident ou meurtre ? Et bien sûr, Elisa, apparemment enceinte ; que lui est-il arrivé, à elle, tout particulièrement ?

Ambitions, intérêts, peurs, désirs, amours, rancunes, achoppements : autant d'aspirations et d'émotions, qui font toujours passer la construction des parcours personnels avant la préoccupation d'un avenir commun !… Sans oublier, en l'occurrence, la volonté de survivre, car dans les années quatre-vingt-dix, la situation à Cuba devient désespérante.

Lorsque l'empire soviétique s'effondre, le petit état insulaire des Caraïbes, qui avait choisi son camp, perd l'essentiel de ses soutiens financiers, de ses moteurs économiques et de ses ressources en biens de première nécessité. La population doit supporter des pénuries permanentes, un chômage généralisé, des conditions de vie misérables, provoquant à l'égard du pouvoir et de sa politique une perte de confiance qu'il faut dissimuler sous peine de sévères représailles.

Pour survivre, il reste la « débrouille » sur un maigre marché noir alimenté par les exilés. On fait malgré tout des études, on passe des diplômes. Dans le Clan, on est ingénieur, physicien, neurochirurgien, vétérinaire… sans garantie d'obtenir un job correspondant, avec en revanche l'espoir – peut-être illusoire – d'avoir un pied à l'étrier pour une vie future à l'étranger.

Ils n'ont donc plus qu'une obsession, partir. Aux États-Unis, mais aussi en Argentine, en Espagne ou même en France. Et ils partiront tous, les uns après les autres, sauf Clara, qui reste le lien auquel tous continueront à se raccrocher, sans jamais renoncer à l'amitié ni à la solidarité. Heureusement pour Clara, attachée, tel un escargot à sa coquille, à la grande maison de Fontanar, construite par ses parents architectes, du temps oublié du castrisme effronté.

Maître en intrigues et narrateur hors pair, Leonardo Padura raconte, raconte, raconte, sans qu'on s'en lasse. Même s'ils ne sont que Poussière dans le vent, ses personnages sont très attachants. Ils vivent des moments très émouvants. Et puis, on veut savoir ce qui leur est arrivé !

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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J'aime beaucoup les livres de Leonardo Padura que je tiens parmi les grands auteurs contemporains, même s'il a tendance à écrire de gros et lourds livres : 630 pages et 800 grammes ! -mais qui, à part moi, est assez dérangé pour peser un livre ? Poussière dans le vent, malgré quelques longueurs et redites est un excellent roman sur l'exil, sur les raisons qui poussent à quitter son pays, ses amis, sa famille, à tout laisser pour tenter de vivre ailleurs. Si l'intrigue se déroule dans les années 90 à Cuba -période particulière puisque l'ex-URSS ne finance plus le pays-, on pourrait aisément la transposer de nos jours dans un autre pays dans lequel la guerre, la pauvreté extrême ou le non-respect des droits de l'homme poussent à partir : "Pour avoir vécu parmi des émigrés, Adela savait que personne ne quitte l'endroit où il est heureux, à moins d'y être forcé -et c'est alors en général qu'il perd le fragile état de bonheur." (p.62). "Un mélange de joie et de tristesse habitait Irving. Mais il se sentait poussé, par dessus-tout, par une détermination plus puissante que le sentiment d'appartenance ou de déracinement, que la famille ou les amis : le désir de vivre sans peur." (p.205) En ces moments où certains veulent nous faire croire que tous les réfugiés sont des délinquants et qu'ils quittent leurs pays sans bonnes raisons, il est utile de citer, de lire et faire lire ce genre de roman.

Avec beaucoup de finesse, d'élégance et d'humanité, Leonardo Padura fait les portraits des huit amis, leurs rapprochements, leurs querelles, leurs différences et surtout leurs liens qui semblent inusables. Tous ont des personnalités différentes, des envies, des désirs propres et de ce roman cubain. Il fait avec ses héros cubains, un roman universel. Il sait installer ses personnages dans des contextes forts, dans des intrigues avec suspense qui tient jusqu'au bout. Il sait aussi parler admirablement de l'amitié, de ce qui lie ces huit Cubains mais aussi de ce qui peut les séparer et de ce qui peut les réunir de nouveau. Un roman choral, de ceux qui installent des personnages difficilement oubliables, sensible sans être larmoyant, d'une justesse et d'une pudeur profondes.

Et tout le roman est mis en musique par Kansas et sa chanson qui en donne le titre : Dust in the wind.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Après avoir lu ce pavé de 600p assez rapidement, je vais me faire un plaisir de le prêter, voire de le relire plus tard. C'est un vrai roman d'amour et d'exil qui commence en 2016 lorsqu'une jeune femme, américaine du Nord, reconnaît sa mère, exilée cubaine sur une photo postée sur Facebook par sa future belle-mère. Cette photo date des années 90, un groupe d'amis , le "Clan" pose dans un quartier de la Havane.
Le roman explore les trajectoires de tous ces jeunes gens diplômés mais qui vivent dans la pénurie et l'oppression politique après la chute du Mur.
Le roman décrit les combines et stratégies adoptées pour fuir l'Ile , les motivations complexes de ces médecins et ingénieurs qui ne voient pas l'ombre d'une vie sociale.
On reste ou on part par courage ou par lâcheté, par amour ou désamour.
L'exil n'est pas chose facile, il imprègne ce magnifique roman mâtiné d'un peu de suspense.
Une belle découverte que cet auteur.
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« Poussière dans le vent » explore le douloureux dilemme auquel se trouve confronté un clan d'incertains amis durant plusieurs décennies : rester et s'exposer à l'autoritarisme d'un régime, aux pénuries de la « Période spéciale », aux nivellements de toutes sortes ; ou bien partir et perdre dans l'anonymat et la solitude son identité véritable. « C'est un livre très viscéral, déclare Leonardo Padura, j'y ai versé ce que j'avais à l'intérieur de moi non seulement par rapport à l'exil mais surtout par rapport au sort de ma génération, prise entre fidélité et trahison, sentiment d'appartenance et déracinement, ce déchirement de se séparer d'une partie de soi ».


Ce dernier livre de Leonardo Padura naturellement doit être lu comme un récit plein de suspense où les évènements Cubains contemporains, les expériences personnelles et générationnelles sont avant tout objets d'une fiction romanesque. Si l'auteur mélange, avec beaucoup de véracité, les éléments historiques, humains d'une époque et divers espaces, c'est pour leur donner la forme incontestable d'un vrai roman : le quartier de Fontanar à La Havane, un élevage de chevaux Cleveland Bay dans le nord-ouest des États-Unis, les Miami et Hialeth cubains, les Madrid, New York, Porto Rico, Buenos Aires, Toulouse et Barcelone immigrés. Il s'appuie pour cela sur les constants allers et retours qu'il affectionne tant entre présent et passé, opulence et manque. Six cents pages durant, suivant le destin d'une vingtaine de personnages, l'auteur interroge l'exil sans fin de plusieurs générations d'havanais. Ils ont grandi avec la révolution, sont passés de la confiance intéressée dans le régime à la très apolitique désillusion matérielle. « Plusieurs d'entre eux, de façon cohérente, par inertie et aussi par instinct, avaient communié depuis leur jeunesse avec l'idéologie officielle et, en raison de leurs mérites et leurs dispositions, rejoint ses avant-gardes d'excellence : militants de la Jeunesse communiste et Parti ensuite (…) [Ils] se sont tirés de Cuba parce qu'ils ne supportaient plus de vivre dans un pays dont même Dieu ne sait pas quand la situation va s'arranger et d'où les gens se barrent même par les fenêtres parce que, là-bas, ils s'obstinent à arranger les choses avec ces mêmes solutions qui n'ont jamais fonctionné ». Deux dates, deux épisodes encadrent le récit : 1990 où Clara rassemble une dernière fois le groupe dans sa si merveilleuse maison avant que la disparition et la mort mystérieuses de deux amis ne dispersent le clan aux quatre coins du monde; et 2016 où les différents parcours dans l'exil se trouvent enfin éclairés d'une pale lueur par la navrante révélation d'un pitoyable secret.


« Qu'est-ce qui nous est arrivé ? Il regardait vers le large, puis observait autour de lui et voyait la ville se fissurer, s'obscurcir, se dégrader.» À cette interrogation, chacun des personnages semble donner la même et lancinante réponse : « il n'avait qu'une vie et il voulait la vivre, pas la perdre dans la frustration (…) Il nous est arrivé que nous avons perdu. C'est notre destin, camarades, frères de combat : de défaite en défaite … jusqu'à la victoire finale ! ». Chacun cependant bourgeoisement vit l'exil à sa manière : modeste pour Irving, replète pour Darío, égoïste pour Elisa, sans avenir pour Lubia et Fabio, suffisante pour Ramsès et Marcos… mais tous font le triste constat des effets néfastes de « tous les exils (…) La politique n'était pas une obsession pour presque aucun d'entre eux, juste un panorama, et toujours une entrave qui les poursuivait …». Seule Clara, protagoniste isolée, désabusée, qui semble regarder le monde sans jamais le comprendre, reste fidèle à ses souvenirs et à sa si merveilleuse maison. « Pourquoi, alors qu'il y en avait tellement qui partaient, des centaines de milliers d'autres restaient-ils ? Certains exprimaient leur satisfaction et même leur confiance dans l'avenir, d'autres évoquaient une inertie paralysante, d'autres le besoin de préserver leurs biens, etc., etc. (…) La seule idée de se retrouver obligée d'être autre chose, dans un autre lieu la paralysait. Et, en attendant, elle espérait que les choses changeraient, que la vie s'améliorerait : parce que ceux qui résistaient et restaient et en prenaient plein la gueule le méritaient, ils l'avaient bien gagné, pour eux et pour leurs enfants.»


Si Leonardo Padura porte un regard extrêmement critique dans ce denier livre sur l'histoire du régime castriste et sur les changements en cours et s'il déserte les quartiers populaires, la critique ne devrait pas renoncer pour autant aux accusations habituelles à son égard de complicité avec le pouvoir. Lorsqu'il critique en effet : « les engrenages d'une société où ce qui n'était pas illégal était interdit, mais où les gens trouvaient des failles et se permettaient de voler (l'État) sans se considérer pour autant comme des délinquants, et vivaient mieux sans travailler qu'en travaillant. » ; lorsqu'il qu'il dénonce : « Tous ceux qui le pouvaient volaient. Ceux qui avaient de l'argent achetaient. Ceux qui ne pouvaient ni voler ni avoir d'argent restaient dans la merde » ; lorsqu'il critique et dénonce donc, la crainte est naturellement qu'il le fasse encore au nom d'un vieux castrisme honni et disparu. Il est vrai que tous les très antipathiques personnages de « Poussière dans le vent » encouragent grandement cette lecture narcissique de la classe moyenne ordinaire : « Ne pas se considérer comme un bourgeois mais profiter des bénéfices du statut économique et social d'un bourgeois prospère ». le communisme est toujours pour cette classe un merveilleux ennemi, une posture de la honte qu'elle prend volontiers. Elle a honte, comme les beaux, intelligents, diplômés et très machos personnages de Leonardo Padura, honte de ne pas baigner intégralement dans le confort, la satisfaction de soi, de ne pas s'être choisie comme idéal indépassable. C'est pour notre part pour des raisons inverses de la critique, sans bouder un indéniable plaisir de lecture, que nous aurons sans doute moins apprécié ce dernier opus.
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Qu'il est bon de se plonger dans l'écriture d'un grand romancier qui sait mêler romance et historique d'un pays ! Un gros travail qui ne peut que forcer le respect du lecteur. Il nous fait entrer dans chacun des personnages, nous donnant la sensation de les connaître réellement. Idem avec des animaux comme le chien et surtout cette scène magnifique avec un cheval. C'est Cuba qui domine tout. L'énorme crise économique des années 1990 fait fuir des milliers de cubains en radeaux. Parmi eux des membres du Clan comme se sont appelés ce groupe d'amis dont les destins seront bien différents aux quatre coins du monde, tel des poussières, après cet exil forcé. C'est le jeune couple qui se forme et une photo qui va faire ressurgir les mystères du passé, en autre le suicide de Walter et la disparition brusque de Loreta alias Elisa, enceinte mais de qui, puisque son mari est stérile ?
Je remercie Masse Critique et Bookycooky. le hasard a fait qu'elle était en cours de lecture de celui-ci et que je lui ai demandé son avis pour postuler.
Le titre aurait pu être : « - Mais qu'est-ce qui nous est arrivé ? »
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