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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans cette saga familiale aux accents de conte initiatique, notre héros est le veilleur de nuit qui aime la solitude de petites heures et la mélancolie plaisante du silence.
Il est le dépositaire de la résilience, de l'honneur, de la détermination de s'accrocher à certaines valeurs essentielles malgré tous les changements auxquels il sera mené à s'adapter.

Peuplée de personnages étonnants et ponctuée de descriptions somptueuses sur la Turquie des années 50 aux années 80, cette fresque aux accents magiques réussit à créer une réalité oubliée avec une précision et un sens de l'incarnation hors norme.

Avec une émouvante délicatesse, Orhan Pamuk pénètre pas à pas l'épaisseur du temps qui passe, faisant au passage se frotter quelques secrets, éveillant la question : avons-nous les moyens de vivre sans interroger l'univers, sans inquiéter les coeurs, sans chercher à contrarier la vérité ni l'ajuster ?

Ce récit permet de savourer les multiples facettes de l'écriture foisonnante d'Orhan Pamuk, de la poésie, de l'humour noir à l'ironie, en passant par l'allégresse du roman d'initiation.


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Voici une vaste fresque foisonnante que l'auteur nous livre aussi bien documentaire que sociale, familiale et politique, à travers les apprentissages, la vie, les amours, les rêves, les modestes ambitions d'un humble vendeur de rues à Istanbul : Melvut Karakas , ce qui donne un côté plaisant , frais et romanesque au récit !

L'auteur se penche avec talent et une bonne dose de travail sur l'histoire, le paysage, le souffle d'Istanbul, un portrait tout en mouvement où le temps s'écoule de 1968 à 2012 et la mégapole qu'elle est devenue ! Une Turquie moderne et contemporaine !
Attention: existent et accompagnent le roman, ajouté à la somme des pages et l'épaisseur , un arbre généalogique, un index, une chronologie qui pourraient rebuter nombre de lecteurs.......
Malgré tout, dès que nous faisons la connaissance de Melvut, un personnage sympathique, gai , naïf, transformé en portefaix, chargé de yaourt et de riz pilaf, friandise chère aux stambouliotes, et de boza, boisson fermentée , vendeur de rues avec son père, après un rapide passage au lycée , nous sommes conquis par son optimisme, sa capacité après une enfance rurale (il est arrivé à 12 ans à Istanbul ) , à connaître sur le bout des doigts la géographie de la ville , ses odeurs, son atmosphère , sa peur viscérale des chiens .

Beaucoup d'anecdotes familiales et des personnages multiples truffent le récit de détails domestiques qui dessinent le portrait de la ville et de ceux qui y vivent .

Au début du roman, Melvut enlève la jeune fille qu'il désire épouser mais.........je n'en dirai pas plus .

On découvre au fil du récit le nouveau visage d'Istanbul, nouveaux quartiers, nouvelles mœurs, irruption de l'Islamisme .......
Au final, un livre, genre grand roman d'apprentissage, dense, peuplé de personnages aux mille vies qui donnent corps et âme , avec beaucoup de fraîcheur romanesque, à l'évolution de la Turquie depuis quarante ans, les mutations et les métamorphoses d'Istanbul, à travers les tribulations d'un humble vendeur de boza , dont le trait le plus caractéristique est de voir la vie du bon côté même dans ses plus mauvais jours , un optimisme que certains taxeraient de naïveté !

Un récit choral, épique et talentueux, chaleureux !
Ce n'est que mon humble avis, bien sûr ..

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J'ai bien cru que je ne viendrais jamais à bout de ce pavé, et pourtant je m'en serais voulu de passer à côté. Quelle somme de travail, quelle fresque, monsieur Pamuk !

L'auteur justifie pleinement son prix Nobel de littérature avec ce nouveau roman (paru en 2014 mais traduit en Français cette année, merci Gallimard). Un roman qui va bien au-delà du simple récit pour tendre à la fois vers la chronique, le roman historique et la biographie d'un genre nouveau, celle d'une ville, d'une capitale, d'un centre névralgique : Istanbul.

Pour s'en convaincre, et avant même de débuter la lecture, il suffit de lire attentivement le titre complet du roman : "Cette chose étrange en moi. La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza* Mevlut Karatas et l'histoire de ses amis, et tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages". Rien que ça. Donc, vous êtes prévenus, il s'agit d'un roman choral où pas moins d'une dizaine de narrateurs se succèdent, parfois en l'espace de quelques phrases. Voici mon seul vrai "reproche" : bien que n'ayant pas de problème particulier avec le narration polyphonique, le fait que seule celle de Mevlut, le personnage principal, soit impersonnelle alors que toutes les autres utilisent le "je narratif" m'a perturbée et n'a pas facilité mon immersion dans un univers pourtant fascinant. Ajoutez à cela une chronologie des événements qui tarde à se mettre en place, et des noms propres turcs difficiles à prononcer ou à retenir pour qui ne parle pas turc, je dois avouer que j'ai "galéré" avec les 250 premières pages, soit à peu près un tiers du roman.

Mais j'ai très bien fait de m'accrocher car une fois totalement immergée dans le bouillonnement d'Istanbul, une fois mes repères géographiques posés, une fois mon intérêt et mon affection attachés aux personnages des familles Aktas et Karatas, c'est allé comme sur des roulettes et je n'ai plus goûté que la beauté de la langue (chapeau à la traductrice), la magie des ambiances et l'authenticité du voyage intime proposé par l'auteur.

Bien plus qu'un roman, disais-je, "Cette chose étrange en moi" est un témoignage politique, sociologique, culturel et ethnologique d'une grande puissance. Ce n'est sans doute pas un hasard si Orhan Pamuk a défendu en 2013 le mouvement protestataire turc puis a écrit ce roman mettant à l'honneur un simple marchand ambulant de yaourt et de boza*, une figure tutélaire d'Istanbul (sa ville natale). Une façon, à mon avis, d'adresser un message fort à chaque Turc, humble ou puissant, pour lui révéler par un regard à la fois objectif et tendre les bouleversements profonds qui ont construit ou déconstruit la Turquie, et de lui montrer d'où il vient, de le questionner sur où il va. Orhan Pamuk, s'il avait été essayiste plutôt qu'écrivain, aurait pu intitulé son oeuvre "De l'importance des conséquences des flux migratoires", un sujet d'actualité, n'est-ce pas ?

Mais l'auteur ne se contente pas de décrire les situations du quotidien pendant presque quarante ans, le style n'est pas du tout journalistique mais bien romanesque. A partir de deux familles étroitement liées par les mariages et les cousinages, l'auteur déploie toute une gamme de sujets anodins ou graves, des petits boulots et des cancans de cuisine aux mariages des adolescentes, en passant par l'urbanisation, les mafias, les conflits d'intérêts, les guerres, l'occidentalisation... C'est véritablement le pouls d'Istanbul que renferment les nombreuses pages de son roman. J'ai eu la sensation de replonger dans l'atmosphère tendue de l'excellent film de Deniz Gamze Ergüven, "Mustang", qui mettait le doigt sur l'écartèlement de la Turquie entre émancipation et traditions.

Un grand roman, un précieux témoignage.


*Boisson fermentée faiblement alcoolisée

Challenge Nobel
Challenge Petit Bac 2017 / 2018
Challenge PAVES 2017
Challenge ATOUT PRIX 2017
Challenge AUTOUR DU MONDE
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Bienvenue à Istanbul, cité cosmopolite, changeante, de contraste. Une ville où il est possible de trouver du travail, l'amour, l'aventure et bien d'autres choses. On n'en ressort pas indemne. C'est là que se passe un des derniers romans d'Orhan Pamuk. Derrière un titre énigmatique, Cette chose étrange en moi, se trouve un sous-titre très révélateur, voire explicite : « La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karatas et l'histoire de ses amis et Tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages ».

Ainsi, on y suit les hauts et les bas de Mevlut Karatas, désigné « le héros », ainsi que de ses cousins Korkut et Süleyman Aktas, leur famille élargie et quelques intimes. C'est une chronique familiale mais également sociale. On peut dire aussi qu'Istanbul constitue un personnage à part entière, évoluant au fil des quatre décennies sur lesquelles s'étire le roman. Il faut dire qu'il s'agit de la ville natale de l'auteur, on sent son amour pour ce lieu sur lequel il a beaucoup écrit et sur lequel il continuera de le faire sans doute. Toutefois, l'action ne se déroule pas à l'ombre des « beaux » monuments, palais et mosquées qui attirent les touristes. Cherchez plutôt du côté de Duttepe et de Kûltepe, deux collines, deux quartiers, pas trop loin du centre-ville mais remplis de bidonvilles.

C'est là qu'atterrit le jeune Mevlut, douze ans. Et il y restera longtemps. En ce sens, Cette chose étrange en moi est également un roman d'apprentissage. Il accompagnera son père dans ses tournées de vendeur de yaourt et de boza (alcool local). Il va à l'école, grandit, se fait des amis, devient un adolescent mal dans sa peau, qui se distancie de son père et commence à s'intéresser aux filles… particulièrement à Samiha. Toutefois, c'est avec sa soeur Rayiha qu'il se retrouve quelques années plus tard. Mevlut n'est pas un héros, c'est une jeune homme simple mais optimiste, honnête et travailleur. Quand la vie de marchand ambulant devient difficile – l'arrivée du yaourt en pot à l'épicerie bouleverse une économie plusieurs fois centenaires –, il se tourne vers une carriole de pilaf, puis une sandwicherie entre quatre murs, gardien de parking puis enfin agent de recouvrement pour une compagnie d'électricité.

Orhan Pamuk nous sert une brève leçon de sociologie, d'histoire, de géographie et de politique. Moi, ça m'a captivé. le coup d'État, l'expulsion des Grecs et des Arméniens, le conflit chypriote, le sort des minorités comme les Kurdes, etc. C'est que, en prenant de l'âge, Mevlut est confronté à des situations nouvelles, son univers s'élargit : nationalisme, violence, islamisation, équilibre entre tradition et modernité.

Tout ça, c'était bien intéressant, du moins pendant une bonne partie de ma lecture. Il vint un point où l'intrigue commençait à s'étirer. le sort de Mevlut continuait à m'interpeler, il m'était sympathique, mais trop de détails c'est comme pas assez. Et, passé le milieu, la narration s'attarde plus longuement sur les cousins Aktas et sur les soeurs Éfendi. Sur le coup, je ne comprenais pas trop pourquoi puisque leur apport sur la vie du héros était limitée (du moins, c'est ce qu'il me semblait sur le coup). Aussi, à se concentrer presque exclusivement sur ces trois familles-là, ça me faisait penser à un soap américain, comme s'il n'y avait qu'euxdans toute la ville. Mais bon, c'est peut-être proche de la réalité. Toutes ces familles, issues des mêmes villages de régions éloignées comme l'Anatolie et qui se retrouvaient dans les mêmes quartiers de la capitale, sur la même rue. Heureusement, il y avait l'ami Ferhat, issu d'une minorité, qui apportait un point de vue différent.

Ce que j'ai beaucoup apprécié du roman et ce que beaucoup de lecteurs pourront apprécier également, ce sont les transformations que subira Istanbul. Toutes les villes sont différentes, partout dans le monde, mais je crois que toutes ont connu – ou connaissent – le choc du passage du temps et de la modernité. C'est assez universel. Un quartier est rasé, on y contruit des immeubles impressionnants… c'est la fin d'une époque, d'un monde.

« […] Mevlut percevait à peine le lent écoulement du temps, le dessèchement de certains arbres, la soudaine disparition de certaines maisons en bois, le surgissement d'immeubles de six ou sept étages sur les terrains vagues où les enfants venaient jouer au ballon et où les vendeurs et les chômeurs s'allongeaient à l'heure de la sieste, la taille croissante des panneaux d'affichage dans les rues, le changement des saisons, le jaunissement et la chute des feuilles. » (p. 441)

« […] les familles, les pauvres gens s'étaient éloignés de ces rues qui constituaient désormais le plus grand centre de distraction d'Istanbul, et où les prix de l'immobilier grimpaient ne flèche. » (p. 469)

Qui n'est jamais retourné dans le quartier où il a grandi pour le retrouver changé, méconnaissable ?

En terminant, j'ai bien aimé Cette chose étrange en moi. À part quelques longueurs, un seul autre élément m'a agacé. Il s'agit d'un roman polyphonique, on y suit non seulement le personnage principal mais d'autres personnages également et ils sont toujours identifiés au début de chacune des parties. Ça, c'est bien. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi la narration des parties centrées sur Mevlut Karatas est assurée à la troisième personne alors que toutes les autres (Samiha, Rayiha, Vediha, Korkut, Süleyman, Abdurrahmane, Ferhat, etc.) sont à la première personne ? Ça n'aurait pas dû être l'inverse, afin que l'on connecte plus facilement avec le héros de cette histoire ? Mais bon, pour tout le reste, je suis preneur.
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Long, très long, Cette chose étrange en moi, dernier roman d'Orhan Pamuk, le brillant écrivain natif d'Istanbul, l'intellectuel turc aux prises de position courageuses, titulaire de nombreuses distinctions, dont le Prix Nobel, qui salua en lui « l'écrivain de l'âme mélancolique de sa ville natale ».

Long, très long, le sous-titre de l'oeuvre, dont le mérite est d'en indiquer l'objet mieux que je n'aurais pu le faire : La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karataş et l'histoire de ses amis, et Tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages.

L'oeuvre se compose d'une narration classique entrecoupée d'interventions des personnages, qui racontent et commentent les événements à leur manière. Un parti littéraire original qui m'a surpris et finalement plu, même s'il m'a fait penser, dans les premières pages, aux fictions-réalités que l'on voit aujourd'hui sur des chaînes de télévision à petit budget.

Où se trouve-t-elle, l'âme mélancolique d'Istanbul, cette gigantesque métropole, dont la population passe entre le début et la fin du roman, de trois à treize millions d'habitants ? Au fil des années, les collines avoisinant le centre-ville se couvrent de bidonvilles, puis d'habitations individuelles non autorisées, sur des parcelles dont certains habitants parviennent, pots-de-vin aidant, à s'attribuer la propriété. Ils obtiendront en échange, quelques années plus tard, des appartements modernes dans des immeubles en béton, produits d'une urbanisation galopante et anarchique qui repoussera de plus en plus loin ceux qui auront été moins chanceux, ou moins malins.

La vie quotidienne n'est pas un long fleuve tranquille. La méfiance et l'intolérance imprègnent les nombreuses communautés ethniques et confessionnelles vivant côte à côte. Des confrontations violentes opposent les factions nationalistes, islamistes, libérales et extrémistes de gauche, toutes avides de prise du pouvoir. le paysage urbain des collines n'a rien à voir avec les merveilles patrimoniales des quartiers touristiques, ni avec les buildings ultramodernes des quartiers d'affaires.

En revanche, coutumes orientales et tentations occidentales s'efforcent de coexister, et c'est peut-être là, entre modernité et tradition, ou mieux, dans la modernité et la tradition réunies, qu'Ohran Pamuk situe l'âme d'Istanbul.

Pour paraphraser le titre du roman, quelle est donc cette chose étrange que porte en lui Mevlut, le personnage principal du roman, cet homme dont le beau visage resté enfantin est le reflet de sa gentillesse, de sa naïveté, de la pureté de son âme ?

Mevlut est vendeur ambulant dans les rues d'Istanbul. Portant sa perche sur l'épaule ou poussant une carriole, il a ainsi vendu du yaourt, du pilaf, des glaces, mais sa vraie vocation est de vendre de la boza, une boisson lactée fermentée appréciée autrefois. Il n'en a jamais tiré que des revenus insignifiants, mais il aime la liberté de déambuler à sa guise la nuit dans les rues d'Istanbul, avec l'impression, selon l'auteur, « de se promener dans sa propre tête ». Car s'il a du mal à comprendre la marche de la modernité, Mevlut s'interroge sans fin sur lui-même, sur ses intentions réelles et ses intentions rêvées. Tant pis, ou tant mieux. Dépourvu d'imagination et d'ambition, Mevlut dispose d'une aptitude inépuisable au bonheur. Là où la corruption et la magouille semblent être une issue, où l'incommunicabilité règne entre l'homme et la femme, Mevlut, pauvre, honnête, empathique, semble être seul à pouvoir rendre les femmes heureuses.

« Boo-zaa… Bonne boza !» Tel est l'appel du bozaci, la nuit à Istanbul... Tant que, dans les étages des immeubles modernes, il trouve encore un écho dans la mémoire stambouliote !...

Cette chose étrange en moi : une fresque impressionnante qu'apprécieront celles et ceux qui connaissent bien Istanbul ; des aventures humaines qui plairont à celles et ceux qui sauront faire preuve de la même sérénité placide que Mevlut.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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À la fois chronique sociale et familiale, l'histoire de Melvut s'étale sur une large période allant de 1968 à 2012 qui nous plonge au coeur d'un Istanbul inattendu, celui d'un sous-prolétariat né de l'exode rural, vivant en périphérie urbaine dans des bidonvilles construits sur les collines.
Ce roman qui donne la parole à Melvut et aux siens fait la peinture d'une ville en mutation et exprime sur un fond historique parfois assez détaillé la réalité d'une société très politisée, coutumière de tensions sociales qui engendrent la violence. Une société en mutation elle aussi, divisée entre modernité et tradition.
Melvut assiste de plus ou moins près aux petits et grands évenements qui ont traversé ces quatre décennies mais il se garde bien de porter un jugement ou de prendre parti. Quand son père l'a initié au métier de vendeur de boza, il lui a surtout appris à être un homme qui voit tout et qu'on ne voit pas, qui entend tout mais qui fait comme s'il n'avait rien entendu. C'est un homme un peu naïf, il accepte les choses avec un fatalisme tout oriental et reste optimiste malgré ce petit quelque chose en lui de mélancolique qui l'empêche d'être en adéquation totale avec le monde dans lequel il vit. Comme une nostalgie d'un temps révolu dont le boza reste le symbole...
C'est une lecture passionnante, enrichissante pour qui veut comprendre l'âme turque mais que j'ai trouvée un peu longue même si le style simple et très vivant accroche le lecteur. Ce roman m'a fait penser à une énorme boîte de loukoums de chez Haci Bekir (les meilleurs d'Istanbul) qu'on se réjouit d'avaler. Au début j'en ai savouré les différents goûts avec gourmandise mais comme la boîte est décidément trop grosse, j'ai fini par saturer légèrement et ai eu un peu de mal à venir à bout de ces 660 pages qui heureusement n'abîment pas les dents.
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Si les livres de Pamuk , et quoi de plus normal pour un écrivain turc , parlent généralement de la Turquie , celui-çi se passe principalement à Istamboul depuis les années 1920 jusqu'à nos jours . Passant de 3 millions d'habitants à presque 15 millions de nos jours , il va sans dire que celui qui connut cette ville à ses débuts , y serait de nos jours un peu perdu . Tout y a donc évolué , les constructions , les habitudes des gens , l'influence de la religion , la nourriture traditionelle etc ... et c'est à tous ces changements que nous assistons en la compagnie de Melvut tout au long de cette histoire . de la jeunesse de cet homme jusqu'à son âge mur en passant par son mariage , son veuvage , et son remariage . La citation de Baudelaire en exergue du chapitre 7 : " La forme d'une ville change plus vite hélas ! que le coeur d'un mortel " convient bien à ce livre .

Connaissant Istamboul pour y avoir épisodiquement séjourné , je n'ai pas été dépaysé dans cette histoire qui m'a remis en mémoire bien des choses vécues .

J'avais , il est vrai bien plus apprécié " Neige " mais la lecture de de " Cette étrange chose en moi " ne m'a pas ennuyé le moins du monde malgrè quelques longueurs parfois dans cette histoire de près de 650 pages .
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Cet été, je suis partie visiter Istanbul avec Orhan Pamuk. Si, si ! Il fait un guide merveilleux.

A travers Cette chose étrange en moi, il m'a donné à voir la vie de son pays adoré.

Grâce à son écriture d'une délicatesse tout orientale, il m'a entraînée dans les scènes de vie d'une Turquie ancienne, puis moderne. J'ai vu les paysages de la campagne turque, la steppe, les bergers et leurs chiens, les vendeurs de journaux. J'ai senti l'odeur aigrelette des trains bondés et celle douce-amère de la boza.

Le train m'a emmenée à la découverte de cette ville immense et tentaculaire qu'est Istanbul. Ohran Pamuk m'a fait remonter le temps pour rencontrer Mevlut, paysan d'Anatolie qui, comme des centaines de milliers d'autres, est "monté à la ville" pour y faire fortune ou simplement pour y survivre.

Tout au long du voyage, Mevlut fut le prétexte choisi par Ohran Pamuk pour me présenter la véritable héroïne de son roman, L'Istanbul des bidonvilles, celle d'avant la fièvre immobilière, avant qu'elle ne passe de 5 à 15 milllions d'habitants.

Face à l'exode rural exponentiel qu'a subie la Turquie, il m'a montré comment les quartiers pauvres se débrouillaient : fraude à l'électricité, bakchich system, constructions illégales, vente de yaourt et de Boza. Ce fut aussi l'occasion pour moi de me débarrasser de mes clichés occidentaux, notamment sur la place de la femme.

Le voyage fut agréable mais quelque peu lassant sur la fin. Ce n'est pas rien de suivre les péripéties de toute une famille sur plusieurs dizaines d'années.

Une chose est sûre, ce fut un voyage exceptionnel, de ceux qu'on ne trouve pas dans les agences de voyage mais seulement dans le coeur plein d'amour d'un prix Nobel de littérature pour son pays.

Lien : https://belettedusud.wixsite..
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Cette chose étrange en moi, de par sa longueur et sa densité, fait partie de ces romans-fleuves qui nécessitent un temps d'adaptation avec sa foultitude de personnages et ses multiples intrigues. C'est aussi et surtout le livre d'une ville, pendant un quasi demi-siècle, Istanbul, si chère au prix Nobel Orhan Pamuk. Une cité en pleine mutation dont la population ne cesse de croître au fil des années alors que les us et coutumes séculaires cèdent progressivement le pas à une modernité moins chaleureuse. le héros du roman, Mevlut, que l'on suit depuis son enfance, vient d'Anatolie et accompagne son père dès son plus jeune âge dans les rues d'Istanbul. Lui aussi sera vendeur de rue, de yaourt puis de boza, cette boisson fermentée qui a le goût désuet de l'empire ottoman. A travers Mevlut, homme modeste, honnête, optimiste, fidèle, candide et un peu craintif, l'auteur rend hommage au petit peuple de sa ville. Et décrit une existence en marge de l'histoire contemporaine de la Turquie mais qui en ressent les contrecoups sociaux. Mevlut est le fil conducteur de Cette chose étrange en moi, dans un récit foisonnant qui fourmille d'événements sentimentaux, familiaux, immobiliers, ... Un héros droit dans ses bottes dont la femme de sa vie, qu'il a enlevé selon une tradition locale bien établie, n'est pas celle qui l'avait séduit. Ce quiproquo initial permet au roman de rebondir à plusieurs reprises, au fil du passage du temps. Très souvent, Pamuk donne la parole à d'autres protagonistes proches de Mevlut, ce qui enrichit encore le livre et lui donne un caractère polyphonique. Fresque ouvragée, colorée et riche en détails et en menues anecdotes, Cette chose étrange en moi est de ces livres qui ne peuvent se lire que lentement et dont est contraint se déprendre avec une sorte de tristesse nostalgique.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Passionnant, dépaysant, envoûtant !
Voilà les mots qui me viennent à l'esprit après la lecture de ce roman choral.
Je dois avouer que j'ai mis du temps à lire ce livre, mais je ne le regrette pas.
Orhan Pamuk dresse le portrait de sa ville natale à travers le regard et le vécu des gens ordinaires.
Une écriture simple à l'image du personnage principal, un rythme lent qui nous permet l'immersion dans l'ambiance turque et étrangement la magie opère. Les changements économiques et politiques se passent sous nos yeux, les bruits de la ville arrivent jusqu'à nos oreilles et malgré les années qui passent, on a l'impression d'entendre une voix crier, à la tombée de nuit : " Boza ! Boza !
Cette voix est celle de Mevlut, le migrant qui ne se plaint jamais et qui avec son enthousiasme éternel gagne le coeur du lecteur.
Plusieurs personnages accompagnent notre héros dans ses aventures et apprend en même temps beaucoup de choses sur les coutumes turques et la vie des gens simples. Un livre difficile à lâcher, malgré la multitude des anecdotes familiales.
Il s'agit d'un pavé de plus au moins 700 pages, idéal pour les longues soirées d'hiver.
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