Pour commencer, le graphisme noir/blanc austère est très beau et marquant. J'ai apprécié le côté visuel de cet album. Et j'étais assez dans le flux de l'histoire pendant que je le lisais, donc les trois étoiles et demis.
Ma frustration avec cette histoire est plutôt simple : le héro (Aksel) souhaite toute sa vie devenir un grand poète, mais nous ne savons même pas s'il a tenté une seule fois d'écrire un poème !
Est-ce qu'il est incapable de poursuivre ses rêves à cause d'un manque de talent ou est-ce qu'il a un autre obstacle, intérieur et invisible ?
Pour moi, cette question est la vraie tragédie de l'histoire. Pas la folie éventuelle du héros. Surtout que cette folie semble au moins partiellement génétique – elle se saurait peut-être déclenchée même s'il avait réussi à être un grand poète (son cousin, après tout, avait accompli ses propres rêves artistiques, mais a quand même dérapé mentalement).
Le résumé du livre explique que la vie du héros est surtout marquée par des “femmes phares.” Cette partie me semblait normale. Beaucoup de personnes ont une tendance, comme Aksel, de se sentir vraiment vivant que sous l'emprise de l'amour et toute la panoplie d'émotions annexe. En soi je n'ai rien contre les personnages féminines du livre ou comment elles ont influencés le récit. Mais je trouvais que leur importance était exagérée. On sent bien que si ce n'était pas cette femme, une autre aurait aussi bien faire l'affaire pour Aksel. Il n'est pas conscient de ça, pour lui à chaque fois c'est le grand amour !
Les femmes en elles-mêmes ne sont pas importantes, ce qui compte est que la vie d'Aksel manque totalement de sens ou de vivacité. Askel l'oublie toujours, que temporairement, mais régulièrement, dans les bras de femmes différentes. J'avais légèrement l'impression que les auteurs l'oubliaient aussi.
Pour la première moité de l'album, l'histoire semble d'être le parcours d'un homme avec un TDAH de type inattentif. Il ne sera jamais diagnostiqué, car il vit dans les années 1800s. Il se pose les bonnes questions (“Pourquoi n'ai-je rien accompli dans ma vie, à l'âge de 32 ans ?) mais il n'a aucune réponse et aucune piste, aucune aide pour vivre pleinement sa vie (ou même la vivre partiellement, pour inventer une expression).
Finalement ça fait froid dans le dos. Je suis reconnaissante de vivre aujourd'hui, malgré tous les problèmes de 2020.
Pourquoi est-ce qu'Aksel n'est pas parti vivre dans une grande ville avant ses 25 ans ? Oui, l'invitation de son cousin lui a poussé à y aller, mais pourquoi il n'a pas fait des études la-bas plus jeune ? Il rêvait de voyages et découvertes et semble être un homme aisé, mais il ne voyage jamais. Qu'est-ce qui l'empêche de réaliser même un seul rêve d'enfance ?
Je suppose que les auteurs ne voulaient pas tout expliquer, voulaient qu'on essaie de deviner ou qu'on puisse interpréter la cause de la folie d'Aksel à notre manière. Mais ils nous ont donné si peu d'éléments que j'avais plutôt l'impression qu'ils avaient oublié d'inclure 3 ou 5 pages au milieu de l'album. Si seulement pour savoir si Aksel avait essayé d'écrire un poème ou avait pris un choix délibéré, même une fois, entre 21 et 35 ans.
Si j'étais insatisfait par le récit en général j'ai quand même apprécié l'art et le personnage de Soren. le choix de ce personnage – de rester près du héros même en reconnaissant parfaitement qu'il ne pourrait jamais l'aider ou l'atteindre – est un des choix le plus fascinant que j'ai jamais vu dans une fiction.
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S'il sait se faire oublier, le scarabée pourra manger.