Délivrance

Délivrance est un très beau roman graphique de 325 pages. J'aime tout particulièrement le contraste violent entre une couverture rose fluo et un contenu d'une noirceur sans fond.
Délivrance rapporte le parcours de trois personnages dans un monde post-apocalyptique où les survivants, à leur grand désarroi, ne peuvent plus mourir. Ils sont condamnés à subir des souffrances incommensurables, à voir leur corps se déliter puis se rematérialiser de manière infinie. Leur seule catharsis, semble-t-il, est de perpétuer une certaine violence physique. le souvenir de leurs proches disparus, le seul élément qui pourrait maintenir en eux un brin d'humanité, disparait progressivement et risque de les faire basculer dans l'état de ceux que l'on appelle "les oubliés", des monstres sanguinaires et sans états d'âmes…

Ce scénario est original et interpellant, la coloration des planches changeante en fonction des événements que traversent les personnages, bicolore et sombre lorsqu'ils errent dans un monde dévasté, jaune pour les souvenirs, ou encore très fleurie et colorée lorsque l'espoir est à l'oeuvre, accompagne un dessin particulièrement expressif et de qualité. Je regrette seulement l'omniprésence des scènes de combats d'une rare violence. Rien n'est épargné à la représentation graphique et le jus d'entrailles fuse bien trop souvent à mon goût. L'histoire n'aurait rien perdu de son originalité si quelques combats nous avaient été épargnés.

Délivrances nous est un récit qui nous plonge directement aux côtés de deux frères Graham et Ikar qui vivent dans un monde où la souffrance est omniprésente, les hommes, bien que condamnés, ne peuvent mourir. Ils errent jusqu'à sombrer dans la folie et perdre leur humanité. Un seul espoir les poussent à continuer leur chemin (et qui nous poussent nous lecteurs à aller au bout du récit) réside dans l'existence d'une oasis de verdure qui permettrait d'apaiser ses tourments et se régénérer pour enfin se délivrer de ce fléau.
Ce roman graphique est un très bel objet, les images sont très vivantes et explosives à bien des égards. Dès les premières planches on est saisi par la dureté de ce monde et la violence des images qui coupent le souffle et nous plongent dans une ambiance suffocante. Malgré tout, on a envie de continuer le récit. Ces images sont dérangeantes et les propos sont souvent très durs et très violents. Interrogation sur la place de la mémoire, des souvenirs qui prennent forme sous formes de tourments, se souvenir ne fait qu'ajouter de la souffrance les personnages qui sont vidés de toute humanité, le monde n'est que souffrance, sécheresse, et monstruosité. Il y a beaucoup d'images violentes, de combats sanglants qui ajoutent à la suffocation de laquelle nous plonge ces planches. La seule délivrance possible serait la mort et celle-ci est inaccessible.
On est pris tout de suite dans la forme de ce récit et on va assez vite au bout malgré tout ce roman graphique à pour moi beaucoup trop d'images dures et violentes sans contrepartie de réflexion ou de finalité révélatrice.

Dans un monde post-apocalyptique, désolé, terrifiant, deux frères, Ikar et Graham avancent péniblement. Ils sont condamnés à survivre, immortels et amnésiques, ou torturés par les souvenirs, à moins de perdre leur dernière once d'humanité et basculer comme les "oubliés", terrifiantes créatures sanguinaires. Les frères ont encore un espoir de pouvoir mourir un jour et voir l'oasis qui pousserait au delà du désert.

En découvrant les premières pages, j'ai été prise d'un doute : est-ce fait pour moi ? Ces planches sanguinolentes qui transpirent une violence sourde, des combats de carnassiers, commet ça pourra me captiver sans me dégoûter définitivement ? Il y a quand même ces vers poétiques qui jalonnent de manière énigmatique et prophétique les premières cases. Alors pourquoi pas, à l'image des protagonistes, il faut tenir bon, s'accrocher à ces minces espoirs, voir l'histoire se déplier, regarder les frères se déchirer et s'épauler, comprendre de mieux en mieux ce qui ce trame en cette fin du Monde.

Cette fin du Monde où l'espoir de revoir un jour la vie (nature, plantes, verdure, eau, fleurs) et le mort (naturelle, cycle de la vie) est incarné par une petite fille qui est convoitée, pourchassée, qui sera protégée par les frères. Malgré leurs volontés, leur conscience de préserver, d'épargner la peine à l'enfant providentielle, la violence parfois surgit.

Au fil des pages, le récit nous happe et finalement, on ressort épuisés mais ravis de la lecture, avec tout le sens que l'on peut y mettre sur l'apocalypse, le salut, les excès dévastateurs de l'Homme. Un premier roman graphique réussi !
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