Régression est un thriller scientifique et historique qui m'a rappelé Da Vinci Code, avec un côté polar davantage prononcé puisque nous suivons – d'aussi près qu'il est possible – l'enquête menée par les forces de l'ordre.
À cette trame principale l'auteur intercale habilement des évènements historiques, ce qui favorise le suspense par un stop-and-go régulier, renforce l'impression de progression, et soutient l'intrigue en apportant des clés de compréhension. J'ai trouvé le procédé efficace et parfaitement maitrisé. Par curiosité, j'ai donc visité la page wikipedia de Fabrice Papillon, où j'ai appris que son précédent roman
le Dernier Hyver – également un grand succès – repose sur la même structure. Dans
l'or du diable,
Andreas Eschbach a recours au même procédé, mais de manière moins mécanique.
Si, clairement, l'intrigue et la dynamique sont les points forts de ce roman, les autres aspects ne sont pas négligés, bien au contraire.
L'immersion, tout d'abord, est parfaite, servie par une plume agréable, riche et précise, des descriptions minutieuses des lieux visités, des scènes d'action et des états d'âme des personnages. On imagine aisément le film adapté… La précision de l'auteur et son souci de crédibilité sont criants, par exemple lorsqu'il décrit les personnels de gendarmerie et de police, et leurs techniques d'investigation. La section « Remerciements » du livre apporte quelques éclairages à ce sujet.
Le style est particulièrement soigné, pour le plus grand plaisir du lecteur, avec un lexique très littéraire j'ai trouvé, parfois trop ? Si le lexique recherché produit tout son effet lors des intermèdes historiques sur fond culturel, ou bien quand l'auteur dépeint les magnifiques paysages de la Corse, il m'a paru quelquefois excessif, notamment dans la description des personnages (ex. : « Marc Brunier venait d'abîmer son regard dans la béance »).
Les personnages centraux sont bien travaillés, avec un background et des comportements cohérents, et leur psychologie est également mise en avant, ce qui est bienvenu pour un thriller.
Les bémols maintenant :
Paradoxalement, l'aspect thriller et le suspense ne m'ont pas marqué dans ce livre… sans que cela pose problème à mon avis. Pour tout dire, on devine assez vite où l'auteur veut nous emmener (le titre aidant), et le déroulé de l'histoire ne fait que dévoiler le message un peu plus à chaque fois.
Aux trois quarts de l'intrigue, l'aspect répétitif et prévisible de la structure narrative a fini par me lasser : chaque épisode historique est suivi immanquablement d'une réflexion-écho dans la trame principale, ainsi que d'un récapitulatif des précédentes références historiques. Cela reste digeste car habilement résumé en une phrase, mais tout de même. Trop de références peut-être aussi. Je pense en particulier à du troisième Reich.
Les personnages centraux que l'ont suit sont des archétypes ultra-classiques du polar : un ancien flic de choc en fin de carrière, usé physiquement et mentalement ; une jeune capitaine de gendarmerie plus physique et plus teigneuse que ses homologues masculins. L'auteur ne prend aucun risque sur ce plan-là, s'assurant l'adhésion du plus grand nombre, au prix du renoncement à l'originalité. Par ailleurs, le côté tête à claque et infantile de l'enquêtrice, bien pratique pour pimenter la narration mais peu crédible, m'a souvent agacé. Enfin, le personnage de Carlier, présenté comme l'élément comique, m'a paru mal exploité, peu crédible, et finalement sans doute inutile.
La scène d'ouverture m'a plu, mais m'a paru peu crédible elle aussi. Ou comment deux individus d'un peuple de « colosses solidement charpentés » tombent tour à tour en combat singulier face à un seul homme au corps « svelte et délicat ».
Dans la scène suivante, c'est la règle « des trois » qui m'a hérissé !
Au final je ressors satisfait de la lecture de ce roman un peu long, peut-être parce que j'adhère à son message. Clairement, l'auteur ne s'est pas contenté de pondre à la va-vite un nième page turner.