Ce roman est la suite de "
la guerre est une ruse" qui traitait de la naissance du terrorisme islamiste en Algérie dans les années 1990. Il vaut mieux respecter la chronologie de la trilogie, donc. La Concorde instaurée lors de la victoire de Bouteflika, sorte de pardon, remet de l'ordre dans le pays et les combattants islamistes, plus en odeur de sainteté, vont aller s'entraîner et se battre ailleurs, en Bosnie, contre les Serbes. Tedj Benlazar est envoyé à Sarajevo de la DGSE pour surveiller ces mouvements qui peuvent avoir des incidences sur le territoire français. Il surveille donc la brigade El Moudjahidin, composés de 10000 combattants, veritable internationale du Djihadisme.
En France, de janvier à mars 1996, "le gang de Roubaix" sévit dans le nord de la France, devalisant les supérettes discount. Francais de souche, pour la plupart, leur but est de financer le Djihadisme. Lorsqu'une fusillade éclate avec la police, Reif Arnotovic, journaliste est envoyé sur les lieux pour faire un article sur les "ch'tis d'Allah".
A partir de là, il va s'intéresser avec l'aide "lointaine" de Benlazar aux liens entre ces islamistes français qui se sont formés en Bosnie et l'organisation al Qaïda, qui se structure depuis le Pakistan. Il va, un peu malgré lui (il ne se sent pas l'âme d'un héros), se retrouver dans des hauts lieux du Djihadisme : à Sarajavo en Bosnie, où s'entraînent les djihadistes les plus durs, dans les montagnes de Tora Bora au Pakistan l'antre de Ben Laden et ses lieutenants, à Londres (Londonistan) où sévit la faction européenne islamiste. Petit à petit, dans cette enquête dangereuse, que personne (DST, DGSE, CIA ou FBI) ne prendra assez au sérieux, il découvre ce qui deviendra une opération islamiste d'envergure mondiale : l'objectif de Ben Laden est d'attaquer les U.S.A.
On en connaît l'histoire : le 11 septembre 2001, les terroristes enverront des avions s'écraser sur le World Trade Center, le Pentagone, la Maison Blanche, et le Capitole (cet avion, le vol A93 n'y arrivera pas car des passagers avaient repris son contrôle avant que les terroristes l'écrase en rase campagne).
Le roman retrace donc l'histoire de ces terroristes français (gang de Roubaix), saoudiens pour la plupart, emirati, libanais, égyptien (attentats du 11 septembre). L'enquête décrit les étapes de cette catasphophe mondiale, et l'émergence d'al Qaïda. C'est évidemment noir, très noir. Mais il y a aussi une belle histoire entre Reif et Vanessa, la fille de Benlazar. Un peu d'amour dans ce tourbillon de haine de fanatiques islamistes radicalisés ne fait pas de mal. C'est très bien écrit, sans temps mort, un concentré historique clair et vivant, et qui nous amène à réfléchir sur l'(in)action politique des États, bien renseignés pourtant par leurs services secrets.
Ce roman historique est à lire, pour l'excellente qualité narrative. Il constitue aussi un excellent rappel de ces années 90, de la naissance d'Al-Qaïda. Les attentats du 11 septembre justifieront la déclaration de guerre des USA à l'Afghanistan en 2001. Ironie du sort : le gouvernement US avait financé les Seigneurs de Guerre talibans pour lutter contre les Soviétiques en 1979. Les islamistes qui s'y étaient battus ont, par la suite, voyagé d'Asie vers l'Europe, en l'Afrique jusqu'aux Etats Unis. C'est une suite d'attentats, de victimes, de malheur qu'à essaimé cet islamisme fondamentaliste.
Frédéric Paulin écorne aussi la géopolitique des puissants, celle qui construit l'ordre (ou le désordre) mondial.
Passionnant !