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3,5

sur 134 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Est-ce un roman, est-ce un exercice de style, est-ce un pamphlet, une satire, un arbre de décision transformé en texte ? Oui c'est à peu près tout ça.
Ici Georges Perec nous tisse l'histoire de cet employé qui n'a de cesse d'aller demander une augmentation, mais les aléas de la vie professionnelle font que c'est repoussé à chaque fois : le chef n'est pas dans son bureau, il a avalé une arête de poisson de travers à la cantine, ou bien était-ce un oeuf pourri, une de ses filles a la rougeole, voire 2, voire 3,... Bref, comme dans la vraie vie, même 60 ans après (je le sais, ça fait 8 ans que je demande une « réévaluation de mon statut » et que cette demande reste lettre morte...) tout est fait pour que l'employé reste au plus bas niveau au sein des services dont l'ensemble constitue tout ou partie de l'organisation qui l'emploie, l'utilise, l'exploite, etc. Une sorte de Procès de Kafka version vie d'entreprise. Mais ce qui fait l'originalité de ce texte, en plus de cet effet répétitif, sisyphéen et absurde, c'est qu'il n'est constitué que d'une seule phrase, ou plutôt qu'il n'y a pas de ponctuation (si, il y a un point à la toute fin.)
C'est court (70 pages), mais heureusement ; et ça met en perspective l'absurdité de la vie professionnelle quand on est un·e N-1 (dans une entreprise qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez).
À la fin, un organigramme décisionnel (ou arbre de décision) résume à peu près l'ensemble des multiples façons/événements/facteurs qui interfèrent dans le fait d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation.
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Tout part d'un organigramme publié dans Bull Informations et communiqué par Jacques Perriault, un des pionniers de l'informatique en France, et proche de l'Oulipo. Raymond Queneau décline l'invitation à écrire autour de cet organigramme, Perec, lui, accepte de rédiger un texte sur le sujet. Dans la postface, Bernard Magné précise les conditions de l'écriture de cette longue nouvelle dans le contexte des approches de Raymond Queneau et François le Lionnais.

Il s'agit donc d'un employé décidant de se rendre chez son chef de service pour lui demander une augmentation, mais ce chef « mr x » peut-être là ou pas, c'est le début de l'arborescence de l'organigramme. « Disons pour simplifier, car il faut toujours simplifier » que Pérec va nous emmener dans une sorte d'hélice narrative qui à la manière d'un « Boléro » de Ravel va sembler boucler (au sens informatique du terme) mais avec toujours un petit incrément, une petite variation, un changement de terme ou même l'invention d'un mot -inaristophagisme, que je vous laisse découvrir.

Cette progression va se faire sur 88 pages - sans aucune ponctuation – comme si les mots et les lettres, telles des électrons circulaient sans obstacle dans ces circuits informatiques pour nous emmener d'un seul trait jusqu'à la fin de carrière de l'employé en question. Cette écriture linéaire accentuant, pour moi, l'impression de partition musicale et expliquant sa rapide transposition en pièce de théâtre.
Je comprendrais très bien que certains lecteurs trouvent ce texte ennuyeux à force de « répétition » apparente mais c'est un de ces exercices de style brillants et spécifiques de certaines oeuvres de Georges Pérec, dans la veine de « Lieux » publié récemment, de « Tentative d'épuisement d'un lieu parisien » ou des « 243 cartes postales… », etc.
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🗄 « si mlle yolande n'est pas dans son bureau vous ferez le tour des différents services dont l'ensemble constitue tout ou partie de l'organisation qui vous emploie disons plutôt qui vous exploite puis vous retournerez tenter votre chance un peu plus tard il se peut même que mr x ne soit pas dans son bureau qu'à cela ne tienne attendez le dans le couloir puis s'il tarde à revenir allez faire un brin de causette comme diraient victor hugo et roland bacri avec mlle yolande à condition non seulement que mlle yolande soit dans son bureau mais aussi quelle soit de jon e humeur »
(P.24)

🗄Si l'on en croit Perec, pour demander une augmentation à son patron il faut prendre en considération un nombre incalculable de variables que dis-je d'imprévus et autres étranges circonstances il ne suffit pas de se lever de son bureau et se diriger vers celui de son patron qui serait d'ailleurs certainement fermé alors ne restez pas là et toquez si tant est que le bureau est bien vide et que votre patron n'est pas occupé ni au téléphone ni sur un dossier ni même en train de parler avec un autre employé non alors frappez et entrez mais alors espérons qu'il soit de bonne humeur et que vous méritiez ce que vous allez demander d'ailleurs y avez-vous seulement pensé voilà que vous ouvrez la porte car votre patron vous a dit d'entrer mais déjà vous n'êtes plus sûr de la légitimité de votre demande votre corps entre dans le bureau auparavant fermé mais vous regrettez ces pas mais il est trop tard vous avez interrompu votre patron alors maintenant trouvez une bonne excuse d'avoir perdu son temps si précieux…

🗄 Mes conseils pour ce livre formé d'une seule et unique phrase : prenez une très forte inspiration. Aussi n'ayez peur du premier jour de carême, ne craignez pas les oeufs ni le poisson ni même les familles nombreuses ni même les machines à colle. Si vous pensez trop ou si vous êtes angoissés, n'ouvrez pas ce livre. Et si vous voulez une augmentation, ne le lisez pas non plus :) !

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Evidemment, pour lire un roman composé d'une seule phrase, il faut être bien accroché. Mais le propos et sa forme sont si drôles et si adéquates que 70 pages sans reprendre son souffle, ce n'est pas grand-chose. le sujet – demander une augmentation à son chef – se révèle inépuisable. Sous forme de course d'obstacles, Perec nous expose toutes les possibilités imaginables et la logique imparable de son raisonnement nous entraîne dans les méandres de la vie de bureau et dans les situations les plus incongrues. La conclusion, magistrale d'absurdité, est implacable. Brillant et hilarant.
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Un indispensable pour avoir l'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation, et aussi gagner 14 mots sur sa critique. Comme d'habitude avec George Perec le livre et plein d'humour et de sagesse, il y a toujours un fond de vérité et d'innocence dans le traitement de ses sujets, ici le monde de l'entreprise n'y échappe pas.
Je n'ai pas pu mettre en pratique tous les conseils car déjà je n'ai pas de travail actuellement, ce qui limite mes chances d'obtenir une augmentation, mais nous sommes également en confinement, ce qui limite mes chances de trouver un travail. Bref, je le garde sous le coude pour bientôt j'espère.
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J'avais déjà vu l'organigramme qui en est la source, j'avais déjà lu des extraits, mais maintenant j'ai pu faire l'expérience complète de ce cheminement exhaustif à la manière de Perec dans une approche combinatoire et ludique de la littérature potentielle.

À la manière de Tentatives d'épuisement d'un lieu parisien, Perec empruntera toutes les branches de son organigramme avec toutes les subtiles différences que cela suppose.

Cette lecture survient au moment même où ma situation au travail vient de changer... Est-ce que j'oserai aborder mon chef de service pour lui demander une augmentation?
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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Comment mettre le maximum de chances de son côté en demandant à votre Chef de Service un réajustement de votre salaire. Sur ce prétexte Georges Perec propose une pièce décapante où comique et absurde font bon ménage.

Un récit aussi réjouissant que critique, aussi ludique qu'ironique.

Pièce vue au Festival d'Avignon. Mise en scène : Bruno Dairou. Interprètes : Antoine Laudet & Antoine Robinet. Que du bonheur... Qu'on se le dise !!
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Ah ! Georges Perec ! Comment tirer d'une contrainte littéraire que l'on s'impose à soi-même la ressource pour réaliser de pures oeuvres d'art. le but fixé ici parait tellement rébarbatif : retranscrire par un texte écrit le plus exhaustif possible les informations contenues dans un organigramme de décision, nouvelle forme de document d'entreprise apparu à son époque. Et tant qu'à faire sans ponctuation, pour tenter d'être le plus rébarbatif possible.

Et pourtant, de toute cette platitude souhaitée, de toutes ces répétitions entêtantes, Perec ne peut s'empêcher de faire naître le génie et d'offrir au lecteur une des meilleures peintures qui soit de la vie habituelle d'une organisation de travail pyramidale. C'est drôle, c'est juste, c'est intelligent, c'est original, c'est novateur... Que demander de plus ? Une augmentation, sans doute...
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En une longue phrase qui se mord la queue, revient sur elle même, retrouve sans cesse le bureau de mlle Yolande, les arêtes de poisson et les oeufs pourris de la cantine, Georges Perec tente d'expliquer la stratégie qui permet à coup sûr d'obtenir une augmentation. Attention : il faut faire gaffe au moindre détail, être prêt à sans cesse remettre l'ouvrage sur le métier et à errer longtemps dans les différents services dont l'ensemble constitue tout ou partie de l'organisation qui vous emploie si vous voulez avoir une chance ne serait-ce que d'aborder votre chef de service. Tout, dans la série logico-loufoque que met en place Perec, tourne autour du pot, tout se focalise sans le dire sur quelques dérisoires sous en plus à la fin du mois, démontrant par l'absurde à quel point le monde du travail divague, à quel point il se base sur des valeurs idiotes, à quel point il rend les gens abrutis. Pas besoin ici d'indignation, de dénonciation ou de revendication, il suffit juste de pousser le raisonnement jusqu'au bout. Et alors, finalement, cette augmentation? "Nous vous recontacterons", lâche enfin le chef de service.
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Lecteurs, êtes-vous prêts pour le grand marathon ? Alors, on inspire…on expire…et on y va !
Car s'il est toujours difficile d'avoir "l'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation", avec Georges Perec, la situation se corse d'autant plus qu'il n'y pas de ponctuation…
Sans virgule, ni point-virgule, ni point de suspension, encore moins d'exclamation, et donc sans point du tout, son récit, qui a tout d'une démonstration, est une seule et grande phrase s'alignant gentiment sur près de 80 pages.
Mais ah quelle phrase !
Une phrase qui recense toutes les possibilités qui pourraient advenir si d'aventure vous souhaitiez demander une augmentation à votre chef de service.
Est-il dans son bureau ? Ou non ? Et que faut-il faire s'il ne s'y trouve pas ? Attendre dans le couloir ? Aller voir Mlle Yolande ? «Faire le tour des différents services dont l'ensemble constitue tout ou partie de l'organisation qui vous emploie »?...
Une multitude d'éventualités, options, choix et autres alternatives que le génial Perec, avec un esprit tout mathématique doublé d'une imparable logique et d'une délicieuse fantaisie, inventorie point par point, évaluant à l'infini les divers obstacles rencontrés (et Dieu sait s'il y en a !) pour aviser ce fameux chef de service.
Répétitions, reprises, recommencements sempiternels - toutefois jamais à l'identique - offrent une lecture jubilatoire, rythmée, énergique, entraînante, vivifiante, revigorante…bref réjouissante.

Adepte des jeux littéraires, des contraintes grammaticales et des exercices de style aussi ardus que farfelus, l'auteur de la « Disparition » - véritable tour de force dans lequel la voyelle « e » n'apparait jamais - nous entraîne dans une folle équipée, une course effrénée qui nous laisse, au terme de la démonstration, certes un peu essoufflés mais avec le visage fendu jusqu'aux oreilles d'un grand sourire de reconnaissance.
Livre ludique s'il en est, « L'art et la manière… » n'en dépeint pas moins avec une ironie fine les petites aberrations d'une entreprise au fonctionnement souvent surréaliste.

Deux fois primé, en 1965 avec son premier roman « Les choses », puis en 1978 pour son chef-d'oeuvre « La vie mode d'emploi », membre de l'OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle) au côté de Raymond Queneau et d'Italo Calvino, Georges Perec (1936-1982) réalise encore une fois une remarquable épreuve littéraire, un travail synthétique, analytique, aussi olympien qu'« oulipien ».
Ecrit en 1968, ce petit ouvrage a conservé une modernité, une fraîcheur et un allant qui, pour « simplifier car il faut toujours simplifier », est un régal d'humour et d'esprit.
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