Citations sur Deux hommes de bien (133)
– Une bibliothèque est plus une compagnie qu'un moyen de lecture, dit-il après avoir fait quelques pas. Un remède et une consolation.
Dancenis sourit, presque avec reconnaissance.
– Vous savez de quoi vous parlez, monsieur. Une bibliothèque est un endroit où l'on trouve ce qu'il nous faut au moment opportun.
– C'est à mon avis bien davantage… Quand nous sommes tentés de trop mépriser nos semblables, il suffit, pour nous réconcilier avec eux, de contempler une bibliothèque comme celle-ci, riche en monuments dressés à la grandeur de l'homme.
– C'est là, monsieur, une grande vérité.
— Pauvre Espagne, gémit-il, désolé. Il suffit de s'éloigner de quelques lieux d'une ville pour se trouver parmi des sauvages.
— Ils ne font pas défaut dans d'autres pays, don Hermès... C'est plus douloureux parce que ce sont les nôtres.
Il n’y a en Espagne ni penseurs ni philosophes originaux. L’omniprésente religion empêche leur épanouissement. Il n’y a pas de liberté... Quand elle nous vient de l’extérieur, c’est à peine si nous la touchons du doigt, de peur de nous brûler. (…) Ici, en terre d'Espagne, c’est une folie de suggérer à un peuple inculte et violent qu’il peut disposer de lui-même comme il l’entend. De telles extrémités menacent le sort des rois.
- Aux peuples récemment découverts, (...) on devrait envoyer, avant le missionnaire, un géomètre. Quelqu'un qui pour commencer les convertirait aux principes fondamentaux. De sorte à leur apprendre d'abord à combiner les mesures et ensuite les idées. C'est à la physique et à l'expérience, à la preuve et à l'erreur que l'homme libre doit rendre un culte.
nul ne peut être sage sans avoir lu au moins une heure par jour, sans s'être constitué une bibliothèque, aussi modeste qu'elle soit, sans maîtres à respecter, et sans être suffisamment humble pour poser des questions et tirer profit des réponses...
(..) le menu auquel il font honneur -arrosé d'une bouteille de Chambertin et d'une autre de Lafitte- est à la hauteur des circonstances : pâté de poularde aux truffes de Le Sage, truites du lac de Genève, perdrix rouge du Quercy, et saucisses de Strasbourg, auxquelles tient beaucoup l'abbé Bringas, parce que d'après lui elles préviennent le scorbut, dépurent le sang et apaisent les humeurs de la manière la plus salutaire.
La seule chose qui se manifeste, c'est le bon sens, don Dermès. Quand sur un navire il faut prendre la hauteur du soleil avec un octant et que le ciel est couvert, il ne sert à rien de dire un Notre Père... Ce qui au milieu de l'océan vous tire d'affaire, ce sont les cartes marines, les routes au compas et l'astronomie, pas les prières.
On dit de ces nations qui cultivent leur esprit qu'elles sont éclairées... et de celles qui ont des coutumes conformes à la raison qu'elles sont civilisées...
Toute révolution, avec ses excès, révèle, de même qu'une guerre civile, les talents les plus cachés. Elle fait surgir des hommes extraordinaires, qui mènent d'autres hommes...
- Le poison opportun, poursuit Brigas, brutal, la potion salvatrice qui mettra fin à ce monde de mensonge et d'injustice, abattra ce décor de théâtre, va demain voyager avec vous. Et je suis fier d'avoir contribué à votre entreprise... Je ne peux imaginer de plus noble cause : apporter cette Encyclopédie, et plus encore tout ce qu'elle contient et représente, au coeur de cette Espagne obscurantiste et scurrile qui m'a poussé à l'exil.
Don Hermogenes semble se tranquilliser un peu.
- Vous êtes d'une extrême noblesse, monsieur l'abbé.