Deux hommes de bien

...avec pour principal instrument de sape révolutionnaire les doctrines des philosophes et leur culte acharné de la raison qui empoisonne l'ordre naturel et insulte le divin : le cynique Voltaire, l'hypocrite Rousseau, tergiversateur Montesquieu, les impies Diderot et D'Alambert, et tant d'autres dont l'infâme pensée a forgé cette Enciclopedia...

Et, brusquement secoué par le souvenir qui d’une manière si étrange se superpose au présent, Pascual Raposo regarde avec stupeur les deux hommes devant lui, puis détourne les yeux, qui vont se poser sur le bois où les dernières traces de brume sont encore suspendues entre les branches des arbres, où le soleil darde ses rayons, sur l’eau trouble qui court au fond du val en emportant terre et branches, sur les ballots poignardés contenant les livres qui un jour, peut-être, comme il vient de l’entendre, balaieront de la surface de la terre les hommes comme lui.
– Vous êtes fous, répète-t-il, admiratif.

Il est des hommes qui traversent votre vie sans laisser de trace, et d’autres qui y demeurent, et que l’on n’oublie jamais. Je compte rester dans votre mémoire.

Quand la Révolution a éclaté, elle a envoyé en première ligne, comme toujours, ceux qui n'avaient rien à perdre. Puis elle les a portés au sommet, où en se frottant les mains, ils se sont hâtés de régler leurs comptes...

C’est juste, dit madame Dancenis…La vertu ne donne jamais que des tableaux froids et mornes…En définitive, ce sont la passion et le vice qui animent les compositions du peintre, du poète et du musicien.

[…]Madame de Chavannes, qui raconte un épisode de sa vie à la cour du défunt Louis XV, quand le maréchal de Brissac avait cherché à prendre des privautés alors que tous les deux s'étaient perdus, lors d'une chasse royale au sanglier, à Saint-Germain.
-…Alors, plaçant ma main entre mes charmes et son désir, je lui ai dit «Monsieur, imaginez que votre épouse ou le sanglier nous surprenne.» Là-dessus, le bon maréchal a répondu avec beaucoup de présence d'esprit :« Croyez-m'en , madame, je préfère nous imaginer surpris par le sanglier.»

Les rais du soleil, qui entraient par les fenêtres de la bibliothèque et formaient de grands rectangles lumineux sur le sol, créaient une atmosphère presque vélasquaise [...]

Est fascinant l’exercice qui, à mi-chemin entre littérature et vécu, consiste à visiter les endroits que l’on a découverts dans les livres et à projeter sur eux, en les enrichissant de réminiscences et de lecture, des aventures réelles ou imaginaires, des personnages historiques ou de fiction qui les ont jadis hantés.

- Quoi qu'il en soit, en ce qui me concerne, tout cela est très vieux. Ce n'est plus pour moi, aujourd'hui qu'un souvenir amusant. Rien d'autre.
- Et qui a été étonnamment utile, ajoute l'abbé.
- Tous les souvenirs le sont... Tout ce que l'on a vécu nous fait profit d'une manière ou d'une autre. Excepté pour les fanatiques et les imbéciles.

- Ne vous laissez pas tromper par les apparences, dit-il avec dédain. Ce pays est riche, c'est un fait, il est gâté par la nature. Mais tout part à l'égout des vanités, de la convoitise et de l'injustice. Même s'il est vrai qu'ici, au moins, nous trouvons des libertés inexistantes sur l'autre versant des Pyrénées...