En définitive, la culture est source de bonheur, puisqu'elle développe la lucidité du peuple.
Je feuilletai quelques pages au hasard. Le papier, d'un blanc immaculé en dépit de son âge, bruissait comme s'il sortait de presse. Un bon et noble papier chiffon, me dis-je, résistant au temps et à la bêtise des hommes, si différent de la cellulose acide du papier moderne qui en quelques années jaunit les pages. P. 15.
J’ai passé l’âge ou la méchanceté me rendait furieux. Maintenant c’est la stupidité qui me met hors de moi.
- Ne t’avise pas de faire de moi un personnage de ton prochain roman.
- C’est hors de question, répondis-je. Ne t’inquiète pas.
— Ne croyez-vous pas que n'importe quel être humain peut être éduqué à la manière douce? En définitive, la culture est source de bonheur, puisqu'elle développe la Lucidité du peuple.
— Je ne crois pas. Du moins dans la première phase. Parce que la populace n'est pas faite pour penser.
Le rire serein, doux et aimable de l'Amiral se fait entendre.
— Je vois que vous baissez un peu la garde, monsieur l’abbé. Vous vous contredisez. Ce propos sur la populace, c'est Voltaire qui l'a tenu, et vous ne le tenez pas en haute estime.
— Sur certains chapitres, cet opportuniste attaché au luxe et aux rois a vu juste, répond Bringas prestement. En fait, l'être humain, cet infortuné accoutumé aux grossiers, n'est éduqué que par la raison et la peur...
En réalité, ajouta-t-il peu après, ce sont les Bringas et leur rancune sociale qui ont précipité la Révolution en France. Les Lumières auraient pu rester une affaire de salons, d'entretiens entre aristocrates, de cafés élégants fréquentés par les théoriciens de la philosophie nouvelle. C'est le désespoir des pauvres diables aigris qui, en retentissant dans les couches sociales les plus basses, a fini par enflammer le peuple. En fait, plus que tous les encyclopédistes réunis ce sont les fanatiques rancuniers comme notre abbé fou de frustration et de haine qui ont jeté les gens dans la rue.
[...] je consultai la carte et les notes de mon carnet, en constatant à quel point est fascinant l'exercice qui, à mi-chemin entre littérature et vécu, consiste à visiter les endroits que l'on a découverts dans les livres et à projeter sur eux, en les enrichissant de réminiscences de lecture, des aventures réelles ou imaginaires, des personnages historiques ou de fiction qui les ont jadis hantés.
Le théâtre, reprend l’Amiral, est un moyen éducatif de premier ordre. Mais on devrait chez nous le réformer de sorte à le purger de ses malséances, de toutes ces jouvencelles fugueuses, ces fanfaronnades, ces crimes, ces insolences de cabotins et ces domestiques qui se font gloire de leurs scélératesses d’entremetteurs…
L'heure approche où ce siècle va dresser des échafauds et aiguiser ses armes, conclut-il. Et il n'y a pas de meilleure meule à aiguiser que l'écriture.
- L'orgueil, don Hermès, quand un peu d'intelligence l'assaisonne, peut être une vertu aussi utile qu'une autre.