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4,05

sur 168 notes
Un fait divers, la noyade de six enfants noirs, en août 2010 en Louisiane est à l'origine de ce livre.
Les médias alors s'interrogent. Ces enfants, comme 60% de la population noire américaine ne savaient pas nager.
Judith Perrignon cherche à comprendre. Elle fouille l'histoire et s'intéresse à celle des piscines aux Etats Unis.

Son roman rapproche deux événements, un accident où six enfants périrent noyés et des émeutes, 60 ans plus tôt, provoquées par l'ouverture des piscines aux Noirs et où un membre de cette même famille avait été très grièvement blessé et était resté handicapé.
Et si ce traumatisme s'était transmis, si la peur s'était inscrite dans les corps, si l'histoire des piscines, la ségrégation, les violences expliquaient pourquoi aujourd'hui la majorité des Noirs américains ne sait pas nager. Et si cette noyade n'était pas qu'un accident mais le fruit de l'histoire.
Ce livre très poignant dresse le portrait d'une Amérique avec une voix qui rappelle celle de Toni Morrison.
Un roman de cette rentrée littéraire à ne pas manquer.
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Pour la famille Baker, la journée n'avait pas très bien commencé. Une descente de police infructueuse, de bon matin dans leur appartement, a suffi à créer des tensions entre Marcus, l'adolescent renfermé, Dana, sa mère et Mary Lee, sa grand-mère, inquiète de voir ses petits-enfants mal tourner. Deborah, la soeur, Wes et Jonah, les frères de Marcus observent quant à eux la scène, tout en évitant de prendre part au conflit. Heureusement, l'après-midi prévu sur les bords de la rivière Rouge devrait réconcilier les uns et les autres, apaiser les tensions et faire oublier ce désagrément malheureusement fréquent pour la population afro-américaine de Louisiane… Mais la journée va virer au cauchemar lorsque Marcus, suivi par six autres enfants, se retrouve entraîné au fond de la rivière sous le regard impuissant des adultes. Lui seul sera sauvé et survivra à la noyade. On découvre alors que, comme 60% de la population afro-américaine, aucune des personnes présentes ce jour-là ne savait nager…

On fait ensuite un saut dans le temps pour revenir en 1949, où Mary Lee nous raconte un épisode marquant de sa jeunesse. A cette époque, la politique de ségrégation fait que les Noirs n'ont pas accès aux piscines où vont les Blancs. Mais la déclaration malencontreuse d'un politique va remettre en question ce droit, provoquant des émeutes et une véritable guerre civile dans la ville de Saint Louis. Mary Lee assiste, terrorisée, à ce déchaînement de haine et de violence à l'encontre des siens, qui laissera de lourdes séquelles à son frère Howard qui avait osé aller se baigner… Comment ces deux évènements, pourtant séparés par soixante années, s'avèrent être intimement liés ?

C'est ce que nous explique, avec beaucoup de pertinence, Judith Perrignon dans ce roman habilement tissé, inspiré par des faits réels. En liant ces deux époques, elle révèle la transmission d'une peur, d'un traumatisme chez l'ensemble d'une population. Elle fait remonter la peur de l'eau chez les Noirs au temps de l'esclavage, une peur transmise de génération en génération, comme un héritage et qui reste, aujourd'hui encore, profondément ancrée chez une grande partie d'entre eux. Par le récit d'un drame en particulier, l'auteur pointe du doigt une réalité désolante liée à un passé douloureux. Elle nous confronte également à l'injustice, à la discrimination et la violence dont sont victimes de nombreux afro-américains, auxquels on reproche leurs dérives, sans pour autant leur donner une chance de s'intégrer… L'écriture de Judith Perrignon et la construction de son récit sont percutants et réellement bouleversants. Difficile de ne pas céder aux larmes qui montent face au drame humain qui se joue sous nos yeux et dont on découvre qu'il est loin d'être un fait isolé. J'ai été profondément émue par la force de ce récit, par sa justesse et par les vérités effrayantes qu'il renferme. Un texte à découvrir absolument !
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Le roman commence par le récit d'une journée dans la vie d'une famille afro-américaine du sud des Etats-Unis composée d'"une grand-mère trop grosse, (d') une mère célibataire, (de) son fils aîné (Marcus) bientôt en prison et (de) Déborah (15 ans) enceinte l'année prochaine si elle continue de faire la belle" mais aussi de Wes (16 ans), Jonah (13 ans) et d'un bébé. Cette journée a été marquée par l'arrivée brutale de la police et la fouille au corps humiliante de Marcus. Cette irruption a failli gâcher la journée mettant dans une colère noire la grand-mère Mary-Lee et en panique la mère Dana. Et pourtant elle se poursuit par les préparatifs en vue d'une sortie sur les rives de la rivière Rouge qui s'annonce être amusante et rafraîchissante et qui devrait surtout permettre à la famille de se retrouver après cette matinée éprouvante et des lendemains certes incertains mais qui annoncent des changements voire des jours meilleurs. Déborah - enceinte de peu - se fait belle car elle sait qu'elle va y rejoindre son amoureux, Dana annoncera demain qu'elle a retrouvé un emploi et Marcus qu'il veut repartir à Chicago où la famille a longtemps vécu ... Ils sont cinq personnages en âge de parler et chacun à leur tour va raconter sa journée, ses projets ou ses tourments et se confesser jusqu'à ce que le drame ait lieu : la noyade de trois des enfants de la famille (Wes, Déborah et Jonah) et de trois de leurs amis voisins. Six adolescents morts noyés dans cette rivière Rouge "chacun voulait sauver l'autre, aucun ne savait nager" car un enfant noir à trois fois plus de risque de périr en se baignant qu'un enfant blanc. Pourquoi 60% des enfants afro-américains ne savent pas nager ? Quelles sont les raisons cachées qui pourraient expliquer ce drame ? La grand-mère - mémoire vivante et porte-parole de cette famille - trouve une explication dans un autre drame vécu lorsqu'elle était petite fille et qui l'a à jamais traumatisée ainsi que son grand frère Howard : l'ouverture éphémère des piscines publiques aux noirs alors qu'elles étaient jusqu'à lors réservées aux blancs et qui s'est soldée par une émeute dont la ville et ses habitants ne se sont jamais réellement remis. Howard a pu profiter un bref instant de cette baignade autorisée mais il en a payé chèrement le prix. Cette ouverture va déchaîner la haine raciale entraînant des bagarres d'une intolérable violence à l'issue desquelles l'oncle va devenir sourd, ses tympans ayant explosés sous les coups enragés des membres de la communauté WASP. Soixante ans après un sauveteur blanc témoigne que "n'ayant pas accès aux piscines les parents afro-américains n'ont pas appris à nager à leurs enfants. Pire ils leur ont transmis leurs craintes et l'idée que l'eau était dangereuse pour eux".
Derrière ce cruel fait divers et ce récit d'un double drame affleure la question des conditions de vie de la population afro-américaine dans un pays qui les a exploités mais pas intégrés. Même après l'abolition de l'esclavage la répression des corps noirs a demeuré et l'interdiction d'ouvrir les piscines réservées aux blancs aux descendants d'esclaves revenait finalement à réprimer leurs corps et à continuer à en avoir la maîtrise. La piscine c'est un lieu de proximité voire d'intimité c'est pourquoi pour une grande partie de la population blanche il était inconcevable que les deux communautés puissent se baigner ensemble. Et bien après ces émeutes, la noyade collective fait resurgir des discours racistes mais aussi quelques rares demandes de pardon.

La suite sur : http://lebruitdeslivres.blogspot.fr/2013/08/les-faibles-et-les-forts.html
Lien : http://lebruitdeslivres.blog..
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