Je voudrais attirer l'attention, car autour de tous ces beaux livres qu'on peut lire, celui-ci est particulièrement magnifique, magnifique ! ! C'est aussi beau qu'un superbe blues...à faire pleurer les pierres,.
« J'ai l'impression que nous sommes comme les feuilles mortes qui dans quelques mois se détacheront des arbres, poussière dans l'eau. »
Judith Perrignon part d'un fait divers qui n'apparaît qu'à la fin du livre. Je ne vous parlerai donc pas de l'histoire, miroir du destin noir aux États-Unis, de l'esclavage à nos jours, un destin qui nous montre comment la soi disant toute puissance américaine étouffe peu à peu sous l'arrogance, son peuple , ses peuples.
« Car le Noir aurait pu apparaître pour ce qu'il est : un homme. »
Mais c'est avant tout une tragique histoire intime, celle d'une famille noire, celle de chacun de ses membres se racontant de façon déchirante, l'un après l'autre. Je vous parlerai donc plutôt de ces personnages, trois générations sous le même toit. Cinq enfants de trois pères différents, fascinés-effrayés par la délinquance, les yeux pétillants d'envies et de rêves, matés par une société qui les a déjà catalogués. La mère, abandonnée par tous ces pères successifs, essuyant du doigt les larmes au bord des yeux pour que les enfants ne les voient pas (mais ils sont bien trop malins pour les ignorer), anéantie par la fatigue et par la vie. Et la grand-mère surtout, Mary Lee, cette femme pleine de sagesse et de fureur, qui traîne dans son coeur l'histoire de leurs ancêtres, l'esclavage, la ségrégation, les lynchages, qui sait qu'à l'espoir ne fait pas suite la simple douceur mais la désolation, encore et toujours cette misère, alors que les coeurs seraient si prêts pour autre chose...
Cette lecture est bouleversante à chaque page, à chaque phrase, à chaque mot. Chacun parle à son tour, enfermé dans la solitude de cette affectueuse promiscuité, chacun voit les événements à sa façon, selon son coeur, ses peurs et ses espoirs. Chacun, dans sa rancoeur et ses espérances est l'aboutissment d'une fatalité qui se tisse depuis des générations. C'est d'une tristesse à pleurer même si le récit prend parfois des allures de chaleur réconfortante. C'est 150 pages, une à une bouleversantes, qu'on lit en ne sachant que choisir, les finir pour les appréhender au plus profond, ou ne pas les terminer pour en jouir encore longtemps.